Voyages

Le Carnaval de Venise mixte tradition séculaire et passion instagrammable

Auteur : Sylvie Arzelier
Article publié le 18 février 2025

(Carnets ouverts) Le mythique Carnaval de Venise a ouvert ses portes le jour de la Saint-Valentin, une date symbolique pour célébrer l’amour. L’édition 2025 rend jusqu’au 4 mars paradoxalement hommage à Giacomo Casanova, l’une des figures les plus caractéristiques de la cité des Doges à l’occasion du 300e anniversaire de sa naissance. Un esprit libertin, mystérieux et raffiné, passionné de théâtre, de peinture et de musique, icone du XVIIIe siècle vénitien. Un combo plus culturel qui gomme un peu le surtourisme mercantile. Sylvie Arzelier a plongé dans un événement qui oscille entre tradition séculaire et moments instagrammables en se laissant tout de même prendre par cette magie hors du temps 

Le Carnaval de Venise 2025 s’est ouvert en hommage à Casanova photo Sylvie Arzelier

Piazza San Marco, samedi 15 février. Premier week-end du Carnaval

Entourée d’une foule compacte, smartphones à la main pour immortaliser ce qu’elle ne regarde même pas, je peine à imaginer que le Carnaval soit autre chose qu’un rendez-vous touristique et commercial. Et pourtant. En croisant les premiers couples déguisés – Casanova et l’une de ses maîtresse, le pape entouré de ses gardes suisses, une duchesse poudrée au bras d’un gentilhomme XVIIIe siècle, le diable accroché à Cruella – je me laisse emporter par la magie du moment. Arlequin, Colombine, Scaramouche, improvisent sur les planches d’un théâtre de rue, et je me surprends à capturer cet instant un peu hors du temps.

Je m’interroge alors sur l’attirance des Vénitiens pour le déguisement. Leur désir d’être quelqu’un d’autre pendant quelques heures ? De déambuler dans leur ville et se faire admirer et photographier ?

Le Carnaval de Venise garde sa tradition du masque photo Sylvie Arzelier

La tradition vient de loin.

Le Carnaval de Venise est mentionné pour la première fois en 1094. Masqués, il n’y a plus ni riches ni pauvres, une égalité sociale éphémère qui a fait du Carnaval une véritable institution. Le Doge avait alors la paix pour l’année. Il fallait y penser.

Pendant le Carnaval, qui pouvait durer jusqu’à six mois, les codes étaient bouleversés. On se libérait des autorités royales et religieuses, élite et peuple mélangés. La Bauta, masque blanc avec capuchon noir, et la Moretta, masque féminin en velours noir, permettaient aux Vénitiens de jouer avec leur identité, empruntant également aux trésors de la Commedia dell’arte.

Le Carnaval de Venise libère un immense théatre à ciel ouvert photo Sylvie Arzelier

Un immense théâtre à ciel ouvert

Bals masqués dans les palais, spectacles, concours de costumes, cabarets et lieux de divertissement libertins : la ville se transformait en un immense théâtre à ciel ouvert. Mais avec l’arrivée de Napoléon, puis des Autrichiens, le Carnaval fut interdit. A l’exception de quelques festivités discrètes dans des cercles privés et certains quartiers populaires, il disparaît presque totalement au XIXe.

Il faut attendre 1979 pour que Venise, avec l’aide d’associations culturelles et d’artistes, décide de relancer le Carnaval.

Participer au Carnaval de Venise est une façon de capturer le temps photo Sylvie Arzelier

En 2025, le Carnaval rassemble toujours les Vénitiens amoureux de leur ville

Quelques temps forts de l’âge d’or subsistent, comme le Vol de l’Ange, la Fête des 12 Marie, la Fête sur l’eau ou le Vol du Lion. Certains grands hôtels organisent des soirées déguisées, tentant de faire revivre les fastes du XVIIIe.

Un couple de Romains, aristocrates poudrés le temps d’une journée, croisé sur la Piazza San Marco avoue avoir choisi Venise « pour à la fois fêter la Saint-Valentin et participer au Carnaval. Pour vivre une expérience unique faite de déguisement, rencontres, découvertes et atmosphère d’antan. » Un groupe de marquis et marquise d’un certain âge s’attable au Café Florian, prêt pour les photographes. Ils font ça chaque année depuis longtemps. C’est « leur façon de participer et de capturer le temps ».

Un Carnaval de Venise cru 25 entre masque et smartphones photo Sylvie Arzelier

Un grand rassemblement commercial

Mais parallèlement, attirant des milliers de touristes du monde entier, smartphones en main et masques sur le visage, prêts à immortaliser chaque rencontre avec les personnages costumés, la ville se noit dans le surtourisme étouffant.

Mais la Sérénissime les intéresse assez peu

Dès que vous quittez le quartier de la Piazza San Marco, et que vous aventurez dans les quartiers plus authentiques comme le Dorsoduro ou le Cannaregio, vous retrouvez la sérénité et le charme de la Venise des Vénitiens, même en période de Carnaval.

Sylvie Arzelier

Informations pratiques

Carnaval de Venise, du 14 février au 4 mars 2025

Comment s’y rendre :

  • avion Air France puis la vaporetto
  • Train SNCF ou TGV Lyria mais pourquoi pas céder à la folie du mythique Venice Simplon Orient express, 24h heures de luxe (départ 16h arrivée 17h00) à partir de 5000€/pers.
Où manger ?
  • Osteria Ca d’Oro alla vedova. Ramo Ca d’Oro, 3912. Pas loin de l’église Santi Apostoli dans le quartier du Cannaregio. Les meilleures boulettes de viande de Venise, croquantes à l’extérieur, moelleuses à l’intérieur.
  • Osteria da i Zemei. San Polo 1045 (Rio Terra San Silvestro) pas loin du ponte Rialto. L’un des meilleurs endroits pour gouter les cicchetti (petites portions composées d’un ou de plusieurs ingrédients, produits de la mer, charcuterie, crème de cabillaud…). A gouter, surtout ici, le baccalà mantecato, une mousse de cabillaud à tomber.
  • Osteria la Zucca. Santa Croce 1762 (Calle dello Spezier). Restaurant qui suit les saisons en proposant toujours des plats typiques

Frittelle de la pasticceria dal Màs Venezia photo Sylvie Arzelier

Les douceurs du Carnaval

Trois gâteaux font les délices des vénitiens et des touristes pendant le carnaval.
Les fritelles, petits beignets au gout de fleur d’oranger et de citron, farcis de raisins secs pour les authentiques, ou remplis de crème, ricotta, zabaione, pistache…
Les castagnole, petites boules de pâtes frites et sucrées.
Les galane, sorte de crêpes fines et croquantes (type oreillettes lyonnaises) recouvertes de sucre glace.

Mes meilleures adresses

  • Pasticceria Tonolo (Dorsoduro), Calle S. Pantalon, 3764,
  • Pasticceria Toletta (Dorsoduro), Ponte de le Maravegie, 1192,
  • Pasticerria dal Màs (Cannaregio), Rio Terrà – Lista di Spagna, 150
  • Café restaurant AMO, des frères Alajmo, San Marco 5556, dans le grand magasin de luxe T-Fondaco dei Tedesci (à voir d’ailleurs. Installé dans un lieu majestueux, ancien entrepôt et siège des marchands allemands de la ville)

Revivre un peu du carnaval À Paris

Les frères Alajmo proposent une dégustation de leurs gourmandises du Carnaval, l’après-midi, dans leur café restaurant, Caffé Stern 47 Passage des Panoramas, 75002 Paris

A lire : Les jardins de Torcello, de Claudie Gallay, Seuil, 2024. L’atmosphère de l’ile et de Venise est envoutante, l’écriture est limpide, fluide et empreinte d’humanité. C’est entre autres ce livre qui m’a donné envie de passer un mois seule, à Venise.
Et l’un de ses premiers romans également, intitulé Seule Venise.
L’histoire : Une jeune fille tente de fuir son passé douloureux en jouant la guide à Venise pour subvenir à ses besoins. Confrontée à des difficultés pour se loger, elle accepte de petits travaux domestiques sur l’île de Torcello, chez un vieil avocat homosexuel qui tente de restaurer d’anciens jardins du XVIIe siècle et de les sauver de la montée des eaux.
La jeune femme se laisse envoûter par l’atmosphère unique de l’île, le souffle de lagune et le magnétisme de son hôte. 

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