Culture
Le carnet de lecture de Dominique Paravel, romancière, La Collection
Auteur : Patricia de Figueiredo
Article publié le 5 février 2024
Dominique Paravel nous avait fait rêver sur Venise avec « Alice Disparue » ou « Les Nouvelles vénitiennes ». Changement de fond avec son dernier roman, « La Collection », toujours chez Serge Safran éditeur, nous entraine sur une aire d’autoroute où un conservateur d’un petit musée de Province se réveille d’un malaise sans sa famille, ni voiture. La romancière lyonnaise joue avec son personnage comme avec ses lecteurs, les entrainant entre absurdie, drôlerie et réalité d’un lieu connu de tout le monde mais pourtant mystérieux dans son fonctionnement. Elle confie à Patricia de Figuieredo aussi ses lectures et ses choix.
Elle a toujours aimé écrire.
Enfant, puis adolescente Dominique écrivait des poèmes. Une fois adulte Dominique Paravel s’installe à Venise pendant vingt ans où elle enseigne et fait des traductions. Elle se remet à l’écriture romanesque et poétique vers 50 ans. Sa rencontre il y a 25 ans avec Serge Safran a été déterminante, quand il décide de publier « Nouvelles Vénitiennes ». Venise reste un thème central de son œuvre avec notamment « Alice disparue« dont l’intrigue se passait au cœur de la Sérénissime.
Changement de paysage
Avec « La Collection », toujours chez Serge Safran éditeur, elle prend la trajectoire de l’autoroute (après le road trip de « Giratoire« , sur fond de rond-point d’une petite ville de la Drôme en 2011). Gabriel se fait quitter par sa femme sur une aire de repos à la hauteur de Montélimar. Cet homme est conservateur d’un petit musée de province, un peu étriqué dans sa vie, il se retrouve perdu quand ses repères vacillent.
D’un style toujours élégant, Dominique Paravel dresse une galerie de portraits de personnes souvent invisibles ; serveuse, prostitué, camionneur albanais qui sont autant de reflets de tableaux qui sont mis ici en lumière. C’est la vie de l’autre côté de la balustrade qu’elle nous montre.
Je me suis demandé ce qui pouvait arriver à quelqu’un sans voiture dans un endroit où elle est l’élément principal. Les conséquences psychologiques aussi.
Dominique Paravel, La Collection
L’auteure aime bousculer son lecteur l’entrainant entre réel et fiction de son personnage principal. Fantasmagorique on se sait plus par moment si le personnage vit vraiment où s’il rêve.
Une fascination pour l’ aire d’autoroute
Je suis intéressée par les non-lieux, les halls de gare, les métros, il y a une vie particulière. L’aire d’autoroute est un endroit où l’on passe pour les vacances, parallèlement c’est une petite ville avec un pouvoir.
Dominique Paravel, La Collection
Le lieu singe la nature, mais il peut être aussi la destination en soi, comme pour une famille présente dans le livre.
Après les boutiques, le self et la cafétéria, s’étendait une copie parfaite de la campagne drômoise destinée au repos et à l’éducation des voyageurs : pins, chênes verts, pieds de lavande, ruisseau et petit pont en bois….. (…) après quoi s’ouvrait une zone indécise, tenant de la banlieue chic et du coupe-gorge verdoyant.
Dominique Paravel, La Collection
Le Carnet de lecture de Dominique Paravel
Tous les livres que j’ai lus ont compté pour moi, même ceux que je n’ai pas aimés. La lecture est le premier pas vers l’écriture, on découvre la valeur et le piège des mots dans les textes des autres, qu’ils soient bons ou mauvais, et parfois on fait l’expérience singulière d’un plaisir de lecture donné par un livre médiocre.
Cependant c’est à partir des livres aimés qu’on se désire écrivain. Certains ont été déterminants pour moi.
Le Chevalier de la Charrette,de Chrétien de Troyes.
Ce roman du 12ème siècle, l’un des premiers en langue française, reste pour moi un idéal et ses thématiques ont contribué à nourrir mes propres textes : l’amour absolu et impossible, les épreuves symboliques que Lancelot doit affronter au long de sa quête, la sensualité puissante mais secrète, l’intrication entre réel et fiction, la fin suspendue.
Parmi les romans contemporains, j’admire tout particulièrement ceux d’Éric Vuillard, pour le traitement si vif des événements historiques et la qualité incomparable du style. Inoubliable la description de la foule parisienne du 14 juillet 89, tous ces noms d’inconnus disparus et ressuscités brièvement par le miracle de l’écriture.
Et cette phrase, à ne pas oublier : « Il faut écrire ce qu’on ignore », car c’est bien cette aventure-là qu’on tente lorsqu’on décide d’écrire.
J’ai découvert tardivement Olga Tokarczuk, prix Nobel de littérature en 2018.
Son recueil de nouvelles, Jeu sur tambours et tambourins, qui questionne le rapport entre réel et fiction, rationnel et irrationnel, sans jamais négliger l’humour ni un intérêt passionné pour la politique, a été une révélation. Des personnages en proie à des situations comiques ou tragiques, perdus, scrutés par une écrivaine qui exerce aussi le métier de psychologue mais ne se limite pas à cette sphère. Elle connaît parfaitement l’histoire de la Pologne, et son recueil témoigne de la richesse du pluralisme culturel qui persiste malgré les bouleversements politiques subis par le pays.
La poésie est essentielle, toute la poésie,
mais avant tout celle d’Henri Michaux, qui m’a appris l’intransigeance en matière d’écriture. Tout en restant au plus près de l’expérience sensorielle, ses textes jamais ne débordent, ne se laissent aller à la fioriture consolatrice ou à l’émotion racoleuse. Le face à face avec la vie et la mort qu’il nous donne à lire est à mes yeux d’une force inégalée et d’une beauté intemporelle.
Quelques livres seulement, alors qu’il y en a tant, déjà lus ou encore à lire…
Pour suivre Dominique Paravel
Bibliographie
- La Collection, Serge Safran éditeur,
- Giratoire, Serge Safran éditeur, 2016 — prix Cazes / brasserie Lipp 2016
- Nouvelles vénitiennes, Serge Safran éditeur, 2011 — prix Thyde Monnier de la Société des gens de lettres, prix de la Nouvelle de la Femme Renard Lauzerte, prix du 1er recueil de nouvelles lors de la Fête de la nouvelle au château de Chamerolles1
- Uniques, Serge Safran éditeur
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