Culture
Le carnet de lecture de France Bizot, artiste- plasticienne, PolarOils (Galarie Backslash)
Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 4 décembre 2023
L’ancienne directrice artistique d’agence de publicité a gardé de son métier le sens du cadrage, du jeu de mots qui captent et des associations visuelles polysémiques. Que ce soit en dessin ou à l’huile, France Bizot montre aussi un métier « hyperréaliste« , mais toujours teinté d’ambivalence. Ainsi, après ses « Dessins sur livres« , ses « PolarOils » qu’elle expose à la galerie Backslash jusqu’au 16 décembre 2023 jouent sur le format d’un cliché et l’imaginaire de l’instantané – et réveillent toute une série d’émotions – de la nostalgie wharolienne des happys 70’ aux prises intimes du polaroïd– et des références ludiques, du photomatons aux selfies. Magistral.
Agent d’ « imaginaire littéraire »
Depuis sa reconversion et six expositions personnelles L’artiste pluridisciplinaire n’a pas son pareil pour multiplier les pistes tant sensorielles qu’imaginaires. Une de ses derniers expositions présentait un double jeu d’imaginaires : ses dessins sur des couvertures de livres. L’initiative était à la fois vertigineuse par la précision du dessin et les possibilités de récits qu’elle autorisait avant même l’ouverture du livre. Mais France Bizot ne faisait pas un travail de graphiste pour illustrer le livre, même si cela faisait partie de son métier de directrice artistique publicitaire.
Le point de départ n’était pas le livre qu’elle n’avait pas forcément lu, mais son titre, premiers mots pour libérer un imaginaire. Dans un véritable tour de force technique, par la précision de son coup de crayon elle inventait et ouvrait une autre porte d’ « imaginaire-littéraire ».
France Bizot dessine donc des suggestions qui suggèrent à leur tour d’autres suggestions. Elle les capte comme on attrape des papillons dans un filet, elle les épingle ensuite dans une boîte à merveille, elle va même jusqu’à les démultiplié en les plongeant dans le mercure de nos miroirs les plus intimes
Paul Audi, préface du catalogue Dessins sur livres, 2021
« Polaroils« , entre « imaginaire-cinéma » et » « égotisme nostalgique »
Nouveau détournement bienveillant à la force du médium, l’huile et d’une cannibalisation du format, le polaroïd.
Pour ceux qui ont plus de 20 ans, le « Polaroïd » incarne une innovation technique qui permettait de partager instantanément une photo après la prise, directement tirée par l’appareil, faisant oublier le développement de la pellicule, puis des tirages papier. Son format carré entouré de bandes blanches. Pour les puristes, un carré de 7,9 x 7,9 cm dans un rectangle de 10,7 x 8,8 cm, facilement identifiable. Très populaire, il fut aussi plus largement exploité par les artistes à commencer par Andy Warhol et David Hockney.
Aujourd’hui, France Bizot s’adresse au côté pratique et technique du support virtuel. Avant Kim Kardashian, c’est Andy Warhol qui a défini l’idée de selfie lors de séances inoubliables et toujours avec l’aide d’un Polaroïd. Il faut d’ailleurs rappeler qu’il a été un graphiste réputé de la publicité durant de longues années. Pris sur le vif, les Polaroïds de Warhol définissaient son époque comme Instagram dévoile la nôtre.
Séverine de Volkovitch, Delphine Guillaud, galerie Backslash
Le « contre plaqué » de l’image digitale
C’est avec cette « réalité » technologique de productions d’images que France Bizot flirte avec gourmandise. D’abord par la série, elle en a produit près d’une cinquantaine, présentés sur les deux étages de la galerie Backslash, soit soigneusement alignés dans leur petit caisson de plastique, soit en jouant sur des tailles du format et du support puisque parfois ils sont peintes sur bois ! Leur rapprochement donnent des occasions de jonction et de proximité entre les toiles, nombreuses, qui crée la possibilité d’imaginaires, à l’infini. D’autant que certains en taille réelle sont aussi peints sur de la céramique.
Une timeline numérique figée dans la peinture à l’huile
Rieuse et malicieuse, l’artiste aime jouer sur nos sens, autant en brouillant les pistes matérielles qu’à créer de nouveaux imaginaires, à partir de nos pratiques digitales.
Le Polaroïd représente pour France Bizot le premier appareil à selfie. France Bizot s’attache ainsi à décrire et peindre notre présent perpétuel et les timelines permanentes qui défilent sur nos téléphones, à travers une série de peintures aux différents supports (dont de véritables Polaroïds vintage qui s’effacent pour laisser la place au pinceau de l’artiste). Le format du Polaroïd n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui de l’Iphone. Et puisqu’aujourd’hui nous découvrons essentiellement les œuvres d’art d’abord par le biais du téléphone portable, France Bizot a donc réalisé des œuvres de cette taille-là, ou dans ce même rapport de format mais en plus monumental.
Séverine de Volkovitch, Delphine Guillaud, galerie Backslash
De la confusion créative des médiums
Au visiteur de rebondir sur les sujets et thèmes du quotidien, images capturées ou selfies parfaitement étudiés et retouchés, leur rapprochement dans le superbe espace de la Galerie permet tous les récits, renouvellement les histoires intimes ou les réflexions sur les imbrications et réciprocités qu’autorise la confusion des médiums La pratique des vues multiples renvoie autant à la tradition des polyptiques qu’à la continuité filmique, appelant un renouvellement des postures et de la mobilité., dimension que Warhol et Hockney ont enrichie.
Si le visiteur est de nature curieuse, il peut s’évader plus loin, comme nous y invite ses PolarOils…
L’artiste nous emmène également dans l’envers du décor et nous propose de découvrir ce que l’on ne voit normalement pas, par le biais d’une série de cliché peints inversés : ce sont cette fois-ci des dos de femmes, aux soutiens-gorges rapidement mal agrafés, alors que de face ces femmes sont probablement magnifiquement apprêtées. Que cache la photographie ? Et par leurs prismes, que ne dévoilent pas les images de nos réseaux sociaux aux vies parfaites ?
Séverine de Volkovitch, Delphine Guillaud, galerie Backslash
Nous nous garderons bien de répondre, laissant tout le loisir à chacun de se rendre à la galerie Backslash, qui porte elle aussi bien son nom de promesses créatives.
#Olivier Olgan
Le carnet de lecture de France Bizot
Paris-Texas, de Wim Wenders
C’est mon premier grand choc cinématographique. Je l’ai vu à sa sortie en 1984.
C’est un des plus beaux films sur la passion amoureuse…ou plutôt sur la folie amoureuse.
L’errance et la perte de tout repère.
Interprétation magistrale de Harry Dean Stanton et Nastassja Kinski et musique de Rye Cooder.
Passionnée de musique et toujours à l’affût de ce qui sort aujourd‘hui…je reste très attachée à ce qui a rempli “musicalement” la chambre de mes 15 ans : The Doors, les Stones, Pink Floyd, Steely Dan, James Brown, The Who, Janis Joplin, Patti Smith, Lou Reed…etc.
LA Woman, disque incontournable des Doors, sorti en 1971.
Strange Days, sorti en 1967 dont la couverture reste forte dans ma mémoire.
En y réfléchissant, je me dis que les couvertures des disques à l’époque m’ont beaucoup influencée.
Fernand léger
J’ai eu la chance d’avoir eu des parents très amateurs d’art. Considérant l’art au dessus de tout. Très jeune, j’ai découvert Fernand Léger que je trouvais fascinant de puissance. C’est en l’aimant lui que j’ai été amenée et poursuivre mes découvertes et me passionner pour la peinture ….
La recherche du temps perdu, de Marcel Proust
Lecture récente, fascinante, découverte absolue.
Je suis heureuse d’avoir attendu avant de le lire car je ne pense pas que, plus jeune, j’aurais savouré comme aujourd’hui