Culture
Le carnet de lecture de François Thalaud, maire d’Esteil, Puy-de-Dôme
Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 18 février 2021
Il compte parmi ceux dont le confinement a changé la vie. En quittant Paris pour le Puy-de-Dôme. François Thalaud n’avait pas prévu d’être élu en septembre maire du village d’Esteil. Plus question de partir pour l’ancien producteur de France 5. Au contraire. Ce passionné de baroque a déjà créé l’ association « Esteil en Histoire de sauvegarde du patrimoine religieux et historique ». tout en révant d’un festival de musique baroque.
Dans ce bourg d’une soixantaine d’habitants où sa mère vit toute l’année, le jeune maire François Thalaud élu le 20 septembre a rompu avec Paris. Le Marianne d’Or de la démocratie locale 2020 fourmille déjà de projets; terre à terre comme celui de rénover l’église, mais aussi de ceux qui font rêver ce passionné de patrimoine et de musique baroque. L’association « Esteil en Histoire, Sauvegarde du patrimoine religieux et historique » dont le statut vienne d’être promulgué au journal officiel constitue à la fois une étape et un laboratoire de projets.
Celui qui a produit pendant des décennies des émissions culturelles haut de gamme (Entrée libre sur France 5 avec Claire Chazal, entre autres) s’est d’emblée donner l’ambition de préserver et de promouvoir le très riche patrimoine religieux et historique qui l’entoure, autour d’Issoire notamment.
Et pourquoi un jour, créer un festival de musique baroque ?
Celui de La Chaise Dieu (19-29 aout 2021), pas très loin reste une référence, et un moteur. Ses goûts l’y invitent comme en témoignent son carnet de lecture, son professionnalisme et ses nouvelles responsabilités lui imposent de ne pas mettre la charrue avant les bœufs et prendre son temps. Esteil vaut bien un peu de patience !
Le carnet de lecture de François Thalaud
John Dowland. Lachrimae. Thomas Dunford (luth), Ruby Hugues (soprano), Reinoud Van Mechelen (ténor), Paul Agnew (ténor), Alain Buet (basse) (outhere music). J’apprécie particulièrement la langueur Élisabéthaine. Le temps alenti, de ma nouvelle ruralité, se retrouve dans les compositions de John Dowland. Ce luthiste Anglais émerge avec son contemporain William Shakespeare, dans un temps (fin 16e et début 17e siècle) de renaissance artistique outre-manche. Musique et théâtre sont alors deux arts complémentaires. Il est très intéressant de constater que le thème de l’amour qui se cache dans son œuvre musicale sous celui, admis, de la mélancolie et de la souffrance trouve de nos jours un écho si fort. Quatre notes descendantes constituent une larme mélancolique et paradoxalement il y sourde à la fois la chaleur et la lumière. Nous avons tous bien besoin de cet apaisement.
Rameau’s Funeral (Paris 27 septembre 1764), Jean Gilles, Messe des morts. Skip Sempé, Capriccio Stravagante, Judith van Wanroiji, Robert Getchell, Juan Sancho, Lisandro Abadie, Les 24 Violons, Collegium Vocale Gent (Paradizo). Notre époque nous met face au risque de la mort, il nous faut apprendre à la regarder en face, mettre des mots sur cette émotion si particulière. La solennité du plus célèbre des requiem français de l’Ancien Régime nous aide à lui donner une vibration émotionnelle plus confortable. Ce service funèbre de J.P. Rameau, composé par Jean Gilles et donné à l’Oratoire du Louvre à Paris le 27 septembre 1764 éclaire et célèbre de manière majestueuse, brillante et déterminée le chemin vers le séjour de l’éternelle paix.
Bach. Le clavier bien tempéré, Glenn Gould (Sony classical). Le confinement génère un certain dérèglement de nos sens. Notre espace se clos, nos libertés ne peuvent plus s’évader ; le temps semble lui-même changer de rythme. La mesure contrapuntique quasi hypnotique de l’interprétation du clavier bien tempéré de J.S. Bach par Glenn Gould est très révélatrice de ce qu’est le confinement actuel de nos âmes. Gould fut l’exemple même de l’homme retranché dans sa solitude. Soyons inspirés par sa méditation profonde ; au-delà des notes jouées en virtuose, Gould recherche un passage, le rituel de ce qui se passe pour aller d’une note à l’autre.
Philippe Jaroussky, Beata Vergine. Ensemble Artaserse (Virgin Classics, 2006). La formule de Pierre Bergé reprise en tatouage par Xavier Dolan, « À l’impossible, nul n’est tenu » résonne dans le parcours et l’onde de la voix de tête de Philippe Jaroussky. Les motets de Beata Vergine interprétés avec son ensemble Artaserse en 2006, ont rapproché et réconcilié l’homme que je suis devenu avec l’enfant que je suis resté. Le lamento y figure la passion de l’âme et notre empathie universelle. Et puis, mantra oblige, il faut toujours avoir un Russe pour la culture de son jardin secret.
Norah Jones, Come away with me (EMI – 2002) Notre besoin d’évasion s’affirme également par la recherche d’un idéal amoureux. Un azur, une pureté, une légèreté, la beauté, s’incarnent dans la voix et le regard de Norah Jones. La grâce d’une femme, de dos, à son piano, dans un patio bucolique où tout devient acoustique, érotique. Du rêve en riff, You Rock !