Culture
Le carnet de lecture du Trio vocal Musica Humana, inventeur du Bingo Musical
Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 16 juin 2021
Ce Bingo aurait pu rester un gag de La Cité de la Voix, voici que le spectacle Bingo ! Un loto musical, du trio vocal Musica Humana (TMH) est programmé aux festivals du Midsummer au Château d’Hardelot le 20 juin, et de Vézelay le 22 août ! Appuyée par une mise en scène de Corinne Benizio, alias Shirley dans le duo Shirley et Dino le trio – Yann Rolland, Martial Pauliat et Igor Bouin- mêle répertoire vocal, magie, impros et gags pour nous émerveiller. La musique ancienne mène à tout surtout quand on sait la jouer au Bingo.
Du plain chant au plein air
Pour le retour de la culture en plein air, les spécialistes du plain chant ont décidé de jouer sans frein la carte du ludique. Et de poursuivre le projet de TMH de « développer de nouvelles manières de faire découvrir les répertoires de la Renaissance et plus largement de la musique vocale » par un brin de folie que mérite ces temps troublés.
Le trio composé du baryton Igor Bouin, du ténor Martial Pauliat, et du contre-ténor Yann Rolland a décidé de ne pas le faire à moitié. La feuille de route de ce Bingo coche toutes les cases de la démocratisation culturelle : Proximité avec le public, répertoires pouvant aller dans tous les sens, goût du jeu, de l’aventure et des spectacles « transversaux », plaisir de l’improvisation et rigueur dans le travail…
Sortir de sa zone de confort pour stimuler la curiosité
Pour des spécialistes de la musique du temps de François Ier, il s’agit de ne rien renier de leur pedigree (formations et collaborations impeccables) mais d’embrasser et de valoriser un gigantesque répertoire. Stimuler la curiosité, ouvrir des portes sur des répertoires peu exposés s’appuie ici sur un autre format, un véritable jeu de loto, participatif. Avec pourquoi pour pimenter la sortie de la zone de confort, la touche experte de Corinne Benizio, alias Shirley du duo Shirley et Dino qui connait son métier coté décalage déjanté. Avec un dispositif tout terrain, pour s’échapper des salles de concerts et aller dans des salles des fêtes, ou en extérieur, « comme un vrai loto populaire » revendique TMH.
Transformer les codes du concert
Cartes à remplir, effets de manches et d’impro, voir lasers et cotillons, Igor Bouin assume tout à l’issu du premier spectacle en résidence à la Cité de la Voix, centre national d’art vocal de Vézelay : « On fait vraiment vivre une partie de loto, avec son quine, son double quine, son carton plein. On imagine dans nos rêves les plus fous que ça soit un spectacle qui puisse à la fois toucher le public traditionnel des concerts de musique classique, et aussi le public traditionnel des parties de loto et que justement ces joueurs de loto soient fiers de se dire que ce jeu est chouette. Et qu’ils repartent avec des étoiles dans les yeux ! »
Mais sans oublier l’essentiel, d’avoir fait entendre du Guillaume de Machaut, Clément Janequin, en même temps que Diane Tell ou Starmania. Bingo !
Le carnet de lecture du Trio Musica Humana
Les choix d’Igor Bouin, baryton
Rodrigo, Le concerto d’Aranjuez, par Thibault Garcia, Ben Glassberg, et l’orchestre du Capitole (Erato) Une œuvre que j’admire énormément car elle m’accompagne quasiment automatiquement en tournée. En tournée, je l’écoute dans le train et je m’endors toujours au début du célèbre adagio et je me réveille au grand fortissimo de celui-ci et je me rendors paisiblement ensuite jusqu’au bout de l’œuvre. Et déjà, pour cela, je ne remercierai jamais assez Rodrigo de m’offrir ces moments de repos si important lorsque l’on enchaîne les productions.
Cependant, il m’arrive également d’écouter cette œuvre hors tournée, et je reste éveillé jusqu’au bout bien sûr. J’aime énormément la version enregistrée récemment par Thibault Garcia et l’orchestre du Capitole. Pour moi, le concerto d’Aranjuez fait partie de ces « tubes » de la musique classique dont on peut, en tant que musicien, être fier. C’est une œuvre riche et qui parle au plus grand nombre.
Les « tubes » sont très importants et qu’il faut les jouer le plus régulièrement possible pour les éprouver en tant qu’interprète et aussi parce qu’il permette une belle connivence avec le public. Evidemment, cela n’empêche pas de proposer des œuvres inconnues et de faire vivre de nouvelles expériences musicales inédites au public. En tout cas, je vous invite à re-découvrir le concerto d’Aranjuez, surtout son premier mouvement, qui nous embarque instantanément dans un monde heureux où le soleil brille, où la guitare chante et où l’orchestre nous réchauffe le cœur.
La Jeunesse de Picsou, du dessinateur et scénariste Don Rosa. C’ est une œuvre de bande dessiné extraordinaire. Ecrite au début des années 1990, on suit l’évolution du jeune Balthasar Picsou, de sa jeunesse en Ecosse, jusque son arrivée aux Etats-Unis et son accession au titre « d’Homme le plus riche du monde ». Cette série m’a énormément marqué enfant et continue à m’émerveiller par l’intelligence du scénario de Don Rosa et le détail formidable de chacune de ses planches. L’histoire de chaque épisode est au moins aussi riche que celle d’un opéra, et on y retrouve à chaque fois plusieurs degrés de lecture.
J’adore ces œuvres qui parlent à la fois aux enfants et aux adultes et qui rendent les gens, selon moi, plus intelligent tout en restant extrêmement facile d’accès. De plus, Don Rosa arrive à rendre l’univers de Picsou touchant, intriguant et suscitant même le débat. Ce qui n’était pas facile à la base, cet univers ayant des personnages pas forcément faciles à rendre complexe. Pour finir, c’est une œuvre que je conseille fortement à lire dans le train, après avoir fait un petitsomme en écoutant le concerto d’Aranjuez. Lire plus sur Wikipédia
Les choix de Martial Pauliat, ténor
Philippe Katerine – 88 % (Feat Lomepal) [Version Longue]. Un disque important pour moi c’est Confessions de Philippe Katerine pour sa liberté de ton. Il s’empare des codes du HipHop pour faire une forme singulière et tellement forte. Les questions qu’il aborde me touche directement, notamment celle de la masculinité. Je l’ai vu en concert juste avant le confinement et j’ai pleuré d’émotion du début jusqu’à la fin… Merci Philippe d’exister.
Just Kids, de Patti Smith. Un roman autobiographique dans lequel Patti Smith raconte sa jeunesse, sa recherche artistique, son histoire d’amour avec le photographe Robert Mapplethorpe, son arrivée a New York, ses premiers succès… C’est un livre qui m’a beaucoup aidé quand j’avais 20 ans. Elle aussi ça vaut le coup d’aller la voir en concert, c’est une énorme claque. Lire plus sur Wikipédia
Les choix de Yann Rolland, contre-ténor
Billie Holiday, Nina Simone, Notorious Big, Miles Davis (d’autres bien sûr mais je m’éloigne de l’idée de synthèse !!) m’ont fait découvrir le groove et l’émotion, chacun à leur manière depuis ma petite enfance et je les écoute toujours autant, leur musique est toujours présente dans mes écouteurs toute l’année. Je remarque que ce que j’écoute le plus est sûrement la musique noire américaine.
Mais je crois que dans cette idée très compliquée de trouver la musique qui m’accompagne depuis toujours et pour toujours, je dois sans doute quand même faire la place au génie Jean-Sébastien Bach, avec ce motet O Jesu Christ mein’s Lebens Licht, qui dure bien 9 minutes et que je peux écouter des heures entières ! C’est l’absolu !
Les frères Coen, notamment avec The Big Lebowski m’ont touché par leur humour, leur univers décalé mais tellement humain, leur vision du monde, leur musique! J’ai compris beaucoup de choses étant adolescent grâce à ce film inoubliable.
La dimension cachée, d’Edward T.Hall (Seuil). L’essai du grand anthropologue américain représente sûrement ce qui me passionne le plus dans la vie, avec la musique. Les humains, à travers les interactions, l’incroyable jeu de la vie qui se déroule à chaque instant, entre chaque être, il n’existe rien à mes yeux de plus infiniment excitant que de participer et d’observer ce grand jeu, ce grand bazar, avec l’aide des outils mis à disposition par les sciences humaines.
Pour suivre le Trio Musica Humana
Le site TMH
Prochaines dates :
- 20 juin 21, 16 heures Midsummer Festival, Château d’Hardelot
- 22 août 21, 13h, Rencontres musicales de Vezelay
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