Culture

Le goût de la Francophonie, d’Emmanuel Maury (Mercure de France)

Auteur : Jean de Faultrier
Article publié le 9 octobre 2024

« Le français est notre butin de guerre » (Kateb Yacine). A l’heure où la France vient d’accueillir pour la première fois en 33 ans le 19e Sommet de la Francophoniela Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts les 4 et 5 octobre 2024), un petit livre attachant et précieux « Le goût de la Francophonie » (Mercure de France) rappelle l’essentiel, qu’il faut aimer sa langue. Emmanuel Maury, déjà auteur d’une anthologie « Les plus belles voix de la poésie francophone » (Éditions Michel de Maule) nous tend quelques passages en guise de main pour marcher avec lui sur des chemins heureux confortant l’idée que la langue, la nôtre, constitue pour Jean de Faultrier un capital inaliénable.

Ze book to buy !

Telle pourrait être l’accroche de cette note de lecture s’il fallait s’incliner devant la tendance de nos spots publicitaires à vanter des produits typiquement français (que sais-je ? une voiture, une friandise) au moyen d’une interpellation systématiquement proférée en anglais quand les affiches prolongent dans notre espace public les mêmes slogans tout en suggérant hypocritement une traduction en police minuscule couverte de colle opaque dans un coin corné.

 » [La Francophonie…] On le voit d’emblée, elle recouvre à la fois une réalité et un projet politique ».
Emmanuel Maury, Le goût de la francophonie 

La langue de la République est le français

En son temps, le ministre Jacques Toubon avait doté notre arsenal législatif d’une loi magnifique promulguée un jour symbolique, le 4 août -de l’année 1994-, encadrant l’immense besoin de préserver nos échanges et notre culture dans la langue de notre pays. Le Ministère de la Culture rappelle aujourd’hui que ce texte, inscrit par ailleurs dans un corpus complexe de règles, est un écho à l’article 2 de la Constitution selon lequel « la langue de la République est le français ».

Comme souvent dans ce pays, il faut une loi pour rappeler un principe qui lui est supérieur, tout comme il faudra sans doute une autre loi pour rappeler que, bien qu’il soit inutile de redonder, la loi Toubon est d’application constante.

Aimer la langue

Doté d’une énergique résolution intellectuelle et politique, Emmanuel Maury nous propose à travers ses ouvrages un regard érudit et précieux sur notre pays qu’il aime et notre langue qu’il affectionne. Auteur d’ouvrages d’histoire ou de romans, il aurait pu se lancer dans une narration à la croisée du document savant et du récit édifiant, mais il a préféré laisser avec révérence la parole aux auteurs qu’habite une langue française qu’ils ont portée aux sommets des arts que sont la poésie, le récit, l’invention, la littérature.

Il en résulte une invitation attachante à chercher dans les fragments d’œuvre des écrivains cités le début ou le renouveau d’un lien d’amour, l’envie d’aller au-delà ou d’y revenir, le plaisir d’y être bien avec sa langue.

Car d’amour il en est question et pas seulement de goût.

Constituant une immense famille plus qu’une communauté, ceux qui parlent français partagent ce lien ineffaçable avec ce qui peut exprimer à leur manière le beau comme le laid, le fort comme le faible, le réel comme l’inventé. C’est un propre partagé par toutes les langues qui incarnent ainsi un territoire, un lieu, une âme. Une langue, c’est la signature d’un territoire.

« Enfin, l’ambition francophone passe par renouer pleinement avec son objet premier : la promotion des valeurs humanistes.  »
Emmanuel Maury, Le goût de la francophonie 

« Le français est notre butin de guerre » (Kateb Yacine)

J’aime beaucoup la phrase de Kateb Yacine, il faudrait que, toutes origines confondues, toutes conditions mêlées, ceux qui parlent français aient intimement la certitude que ce qui leur permet de penser, de s’exprimer, de partager leur permet aussi d’exister. Ce n’est pas une question d’intelligence, de milieu, de formation, il s’agit simplement de ne pas emprunter à d’autres ce que nous avons en propre, d’abdiquer notre identité lexicale dans d’obscures postures mimétiques, de laisser piller par abandon un trésor que nous avons reçu comme une grâce.

« Et elle [la langue] l’a conduit à un monde merveilleux parsemé de symboles, que les mots, selon lui, ne peuvent que suggérer sans pouvoir tout exprimer. »
Emmanuel Maury, à propos de Maurice Maeterlinck

Jean de Faultrier

Pour suivre Emmanuel Maury

Fort d’une formation complexe et éclectique, riche d’une double carrière de haut fonctionnaire et d’écrivain, Emmanuel Maury a en particulier dirigé la Bibliothèque du Palais Bourbon et été Secrétaire général administratif de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie. Au-delà de titres et de fonctions brillantes, sa personnalité exprime une soif permanente d’harmonie humaniste dont la langue est le vecteur le plus noble. Par la diversité de ses publications, il s’inscrit véritablement comme acteur d’une œuvre dans laquelle nous pouvons puiser plusieurs attaches à notre langue dont il sait partager la séduction.

A lire 

  • « Les Grands livres de notre temps les quatre-vingts œuvres qui ont marqué les dix dernières années », (anthologie, Préface de René Rémond), Paris, Éditions STH,1993.
  • « La République à refaire » (réforme), Paris, Editions Michalon, 1999.
  • « Miroirs de Paris » (poésie), Paris, Éditions Saint Germain, 2003.
  • « Coup de foudre » (nouvelles), Paris, Éditions Saint-Germain, 2003.
  • « La Confession d’un martyr » (roman), Paris, Éditions Saint-Germain, 2003.
  • « Petite anthologie de la poésie européenne : cent chefs-d’œuvre », (anthologie, préface de Marc Fumaroli), Sète, Éditions Singulières, 2008.
  • « Rien » (roman), Paris, Éditions L’Harmattan, 2011.
  • « Chemins de hasard », (nouvelles), Paris, Éditions L’Harmattan, collection « Amarante », 2016.
  • « Le dernier des Condé: la vie romanesque d’un prince de France » (biographie, préface d’Emmanuel de Waresquiel), Paris, Éditions Tallandier, 2019.
  • « Les plus belles voix de la poésie francophone », (anthologie, préface d’Abdou Diouf et avant-propos d’Erik Orsenna), Paris, Éditions Michel de Maule, 2020.
  • « Le roman secret de Chantilly – Mille ans d’histoire de France », Perrin, 2024.
  • « Le goût de la Francophonie » (préface de Tahar Ben Jelloun), Mercure de France, 2024.

A voir

A quoi peut servir un sommet de la Francophonie ? analyse d’Emmanuel Maury, invité de Vincent Roux, Figaro Live 41024
Emmanuel Maury évoque «Le roman secret de Chantilly» (Perrin), invité de Vincent Roux, Figaro Live, 80424

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