Gastronomie
Le homard : on en pince pour lui sur les grandes tables
Auteur : Blandine Vié
Article publié le 22 juillet 2019 à 20 h 39 min – Mis à jour le 13 septembre 2019 à 11 h 19 min
Un marcheur à dix pattes
Il fait partie des macroures marcheurs avec pinces (homard, langoustine, galathée), se distinguant ainsi des macroures marcheurs sans pinces (langouste, cigale) et de ceux qui ont la queue atrophiée ou brachyoures (les crabes). Le homard a en effet une queue bien développée et deux pinces dont l’une est toujours plus grosse que l’autre.
Comme la majorité des décapodes (possédant dix pattes), son corps se compose de deux parties :
- le céphalo-thorax (à la fois tête et thorax), baptisé « coffre », avec deux paires d’antennes de part et d’autre du « rostre » ou bec pointu, deux yeux, une bouche et cinq paires de pattes ambulatoires qui y sont rattachées, quatre terminées par une griffe et les deux pinces. Ces dernières sont indifféremment placées à droite ou à gauche selon les individus, la plus petite étant munie de dents de scie et formant étau, l’autre, plus volumineuse servant à écraser les mollusques dont il se nourrit ;
- l’abdomen, composé de segments articulés appelé »queue », chacun portant une paire de pattes nageoires (qui ne sont pas prises en compte dans le nombre de pattes global), celles du dernier segment, le »telson » étant élargies en forme de palettes.
Tendre sous sa carapace
Comme les autres crustacés, son corps est recouvert de chitine, substance cornée qui se durcit en formant une carapace. Mais pour grandir, il doit muer régulièrement, une nouvelle carapace plus grande se reformant à chaque fois. Le homard mesure couramment de 30 à 35 cm mais peu atteindre une taille plus élevée. Son poids (et son prix) est évidemment en proportion de sa taille. Sa chair est fine et douce, presque fruitée.
Homard, tes papiers !
Le meilleur des homards est évidemment le homard bleu ou homard breton, dit encore homard de Chausey. Il vit sur les fonds rocheux de nos côtes, est d’un noir bleuté ou d’un brun violacé. Mais même pêchés dans les eaux bretonnes, tous n’ont pas pour autant droit à ce qualificatif de « breton » (qui n’est pas une appellation officielle) et s’ils ne viennent pas véritablement de cette zone très circonscrite (comme les homards que sert Alain Passard à l’Arpège), ils doivent être commercialisés sous l’appellation de « homards européens ».
Le homard appelé « demoiselle de Cherbourg » n’est pas une espèce particulière mais une appellation fantaisiste qui désigne seulement un homard de très petite taille (homard-portion) provenant de la Manche. Sa saison va d’avril à début septembre.
Ce homard d’Armorique est à ne pas à confondre avec son cousin canadien pêché généralement à la taille limite de 450 g (livre anglaise) voire d’élevage — raison pour laquelle on en trouve toute l’année —, dont la chair est bien moins fine, avec une texture presque ‘buvard’, flasque et filandreuse, surtout s’il est trop cuit. C’est ce « lobster » que l’on sert généralement dans les « bars à homard » et un certains nombre de brasseries, sauf mention contraire.
Il rougit à la cuisson
Il est à noter que tous les crustacés, quelle que soit leur coloration naturelle, possèdent un pigment rouge insoluble alors que les autres disparaissent à la cuisson, ce qui explique pourquoi ils semblent rougir.
Comme tous les crustacés qu’on n’achète pas déjà cuits, il sont meilleurs s’ils sont vivants à l’achat. Cela implique de les plonger vivants dans le l’eau bouillante pour un homard à déguster froid, voire de les couper à cru en deux moitiés longitudinales pour le griller, ou en tronçons pour un civet. Ces méthodes ne manquent évidemment pas de cruauté, aussi depuis janvier 2018, la Suisse a-t-elle interdit en restauration de plonger les homards dans de l’eau bouillante sans les avoir au préalable assommés (par ordonnance du Conseil fédéral). Exemple qu’il est possible de suivre. Vous pouvez aussi préférer, comme Gérard de Nerval, promener votre homard en laisse dans les jardins du Palais Royal, ce qui n’est pas, à proprement dit un signe de bonne santé mentale. Pour se justifier, Nerval disait : « J’ai goût des homards, qui sont tranquilles, sérieux, savent les secrets de la mer et n’aboient pas comme les chiens. » Excentricité qui se révéla être l’un des prémices de sa folie.
Ses recettes emblématiques
Il s’invite quelquefois sur les plateaux de fruits de mer (avec supplément), froid accompagné d’une mayonnaise, ou en entrée, sous forme de salade ou de médaillons, mais son répertoire classique se décline surtout à travers des recettes chaudes. Héritage du grand cuisinier Escoffier, il y a tout d’abord le homard Thermidor, grillé avec une sauce béchamel enrichie de moutarde et de fromage râpé ; le homard à l’américaine que d’aucuns baptisent « à l’armoricaine » (voir encadré), classique de la restauration ; ou encore le civet, avec une sauce relevée de piment. Plus virginal, le homard grillé sur lequel on dépose simplement une noix de beurre demi-sel en fin de cuisson requiert généralement tous les suffrages, de même que les escalopes de homard au beurre de homard.
Enfin, si vous n’êtes pas comme Victor Hugo dont on dit qu’il mangeait tout dans le homard, même la carapace, préparez plutôt une bisque avec cette cuirasse, de même qu’avec le corail, la lymphe (jus qui s’écoule) et les matières crémeuses du coffre si vous ne les appréciez pas — vous pouvez aussi les incorporer à une mayonnaise — ou encore les œufs si votre spécimen est une femelle grainée. Vous pouvez la servir en potage ou la concentrer pour préparer un fond de sauce (qui se congèle très bien).
Mais la créativité débridée des chefs d’aujourd’hui renouvelle astucieusement le classicisme de ces recettes. On le sait, la Maison Rostang (restaurant doublement étoilé) a fait du « lièvre à la royale » son plat-phare. Un plat qui aurait été inventé pour Louis XIV, fou de gibier mais qui, ayant de sérieux problèmes bucco-dentaires à la fin de sa vie, ne pouvait plus mâcher. Nous vous avons livré d’autres »vérités » historiques dans notre article sur le sujet — –>Le lièvre à la royale, ou comment courir plusieurs lièvres à la fois —, chacun choisira la sienne.
Toujours est-il que le gibier étant un produit saisonnier, le chef Nicolas Beaumann a créé un « homard à la Royale », subtile transposition de la recette du lièvre à la royale pour les beaux jours. Au printemps elle se fait avec une farce de coquilles saint-jacques, de homard et de champignons, et en été les coquilles sont remplacée par une farce fine de poisson. Quant à la sauce homard au vin rouge liée au beurre de homard, elle donne à la fois onctuosité et puissance à ce plat d’anthologie. On peut néanmoins préférer la « Queue de homard en salade de tomates et fraises marinées, la pince en gelée d’eau de tomates, les coudes en ravioles transparentes. » Une parfaite réussite de la Maison Rostang là encore.
La querelle de l’américaine et de l’armoricaine
La recette classique, c’est le homard « à l’américaine », sorte de civet qui se prépare avec une sauce à base d’oignon, d’échalotes et d’ail, flambée au cognac, mouillée au vin blanc sec et au fumet de poisson ou de crustacés. On y ajoute un bouquet garni, un peu de concentré de tomate et de piment de Cayenne (ou d’Espelette pour une version plus douce). Après mijotage, on lie cette sauce avec un roux blanc (farine et eau) détendu de crème fraîche. C’est une sauce qui convient également pour les poissons à chair ferme comme la lotte ou le turbot.
L’appellation « à l’armoricaine » est une altération de l’appellation « à l’américaine », probablement parce que les côtes de Bretagne — l’Armorique — sont riches en crustacés.
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Quelques adresses et les meilleurs alliances homard et vins de Singular’s
Savourer quelques spécialités
Maison Rostang pour son Homard « à la Royale » ou Homard « bleu cuit au moment »
20 rue Rennequin, 75017 Paris – Tél. 01 47 63 40 77.
Ouvert du mardi…
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Maison Rostang pour son Homard « à la Royale » ou Homard « bleu cuit au moment »
20 rue Rennequin, 75017 Paris – Tél. 01 47 63 40 77.
Ouvert du mardi au vendredi de 12 h 30 à 14 h et de 19 h 30 à 21 h 30, le samedi et le lundi le soir seulement. Fermé le dimanche.
Le Dôme pour son Homard à « l’armoricaine »
108 boulevard du Montparnasse, 75014 Paris
Tél. 01 43 35 25 81
Ouvert 7 jours sur 7 de 12 h à 15 h et de 19 à 23 h
Déguster
Un vin blanc s’impose…
• Saint-Aubin 1er cru en Rémilly 2017 du domaine Au pied du Mont Chauve (100% chardonnay). Le nez est d’une grande fraîcheur, toasté et floral, avec des notes d’agrumes (pamplemousse et orange) dominantes. L’attaque en bouche est juteuse et se révèle ample. Son équilibre entre volume et acidité lui confère une grande fraîcheur qui autorise tous les mariages avec le homard, des recettes les plus classiques aux plus audacieuses.
Prix : 42 € au caveau – Domaine Au Pied du Mont Chauve (Domaines famille Picard), 5 rue du Château, 21190 Chassagne-Montrachet – Tél. 03 80 21 98 57.
• Saint-Aubin 1er cru Sur le sentier du Clou 2017 du domaine Roux Père & Fils (100% chardonnay). Le nez est sur des fleurs blanches, des fruits (abricot-pomme), des épices douces (cannelle) mais cependant à la fois mûr et minéral. La bouche est harmonieuse, entre matière et fraîcheur, veloutée, longue, idéale pour enrober le charnu et la délicatesse du homard.
Prix départ cave : 34 €. Domaine Roux, 42 rue des Lavières, 21190 Saint-Aubin Côte d’Or – Tél. 03 80 21 32 92.
• Limoux (Languedoc) Grand vin blanc 2016 du domaine de Baronarques, vignoble baron de Rothschild, 100% chardonnay. Nez fin et complexe mêlant fleurs blanches, fruité pommes-poires-agrumes (cédrat confit et pamplemousse), épicé poivre blanc-vanille-cardamome, toasté. Bouche harmonieuse entre la fraîcheur et une belle matière fruitée grillée, ample et citronnée, longue persistance sur une note saline. Bel accord sur un homard.
Prix départ cave : 35 € Domaine de Baronarques 11300 Saint-Polycarpe – Tél. 04 68 31 96 60.
• Pessac-Léognan 2018 du Château de France (80% sauvignon, 20% sémillon). Ce grand vin de Graves au nez fruité mûr (pêche-abricot) et fruits secs (noisette), puis bergamote avec une note fumée a une bouche puissante et croquante avec un bel équilibre gras-acide, un soupçon de poivre blanc et une finale intense et fraîche avec une touche de salinité, un ensemble qui escortera bien les homards servis froids ou chauds, grillés ou en civet.
Prix départ cave : 25,60 €. Château de France, 98 avenue de Mont-de-Marsan, 33850 Léognan – Tél. 05 56 64 75 39.
• Côtes de Provence cru classé Grande réserve blanc 2018 du Château de Saint-Martin (assemblage de clairette, rolle et ugni-blanc. Le nez conjugue des arômes d’amande fraîche, poire et pomme granny-smith avec des notes d’anis. La bouche est ample et ronde, très onctueuse mais équilibrée grâce à une bonne acidité tirant sur l’acidulé (agrumes). Vif et gourmand avec une belle longueur, il sera parfait sur un homard mayonnaise ou traité façon cocktail (avec du pamplemousse) ou sur un homard grillé.
Prix : 18,90 € chez les cavistes et sur la boutique.
Château de Saint-Martin, Route des Arcs, 83460 Taradeau – Tél. 04 94 99 76 76.
• Riesling Grand cru Schlossberg 2017 de chez Bestheim. Joli nez de pêche et de mirabelle qui rappelle aussi la pâte d’amandes. La bouche est ample et vive, avec une acidité grenue typique du terroir. Structure tendue mais aromatique tendre : brioche, fruité qui révèle des zestes d’agrumes confits. Peut-être insolite sur du homard mais ça lui va bien.
Prix : 14,50 € départ cave, Bestheim, 3 rue du Général de Gaulle, 68630 Bennwhir –
Tél. 03 89 49 09 29.
• Chignin-Bergeron 2017 de André et Michel Quenard, 100% cépage bergeron (roussanne). Nez intense de fruits jaunes (pêche, abricot), de fruits exotiques, de poivre blanc, d’herbes (aneth, estragon), bouche ample er croquante avec une fine amertume agrumée et une touche minérale, longue. Vraiment épatant avec un homard mayonnaise ou un homard grillé.
Prix départ cave : 9,90 €. André & Michel Quénard, Toméry, Cedex 210, 73800 Chignin –
Tél. 04 79 28 12 75.
• Mâcon-Lugny « Les Charmes » 2017 de la cave de Lugny, 100% chardonnay. Au nez, ses arômes floraux s’entremêlent harmonieusement tout en révélant des notes de noisette, de miel, d’acacia et d’agrumes. En bouche, rondeur et vivacité se marient avec élégance, une pointe d’épices impertinente venant les relever. Un mâcon-villages à prix doux qui fait face honorablement au homard.
Prix : 7,80 € à la cave. En vente aussi chez les cavistes. Cave de Lugny, 995 rue des Charmes, 71260 Lugny – Tél. 03 85 33 22 85.
• IGP Cévennes Étincelle nomade blanc 2018 du domaine Mas Seren (70% vermentino, 30% ugni blanc).
Nez délicat sur les agrumes et la pêche blanche, bouche croquante, acidulée sur le citron et le pamplemousse. À accorder sur des recettes de homard froid ou sur du homard canadien.
Prix départ cave : 8 €. Domaine Mas Seren, 1820 route de Saint-Jean-du-Gard, 30140 Anduze – Tél. 06 79 41 13 29.
… à moins que vous ne préfériez un champagne brut !
• Champagne « Confidences » brut de Chassenay d’Arce (blanc de noirs (pinot noir).
Vin subtil et affirmé à la bulle très fine, au nez délicat qui s’ouvre sur des arômes miellés avec des touches de noisette et de violette. La bouche est fraîche, élégante fruitée (pêche de vigne, abricot), avec une finale longue et soyeuse et une persistance qui met bien en valeur un homard.
Prix indicatif départ cave : 55 €. Chassenay d’Arce, 11 rue du Pressoir, 10110 Ville sur Arce – Tél. 03 25 38 34 75.
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