Lifestyle
L’éco-design sous ses plus beaux atours avec Louise Rué
Auteur : Anne-Sophie Barreau
Article publié le 18 avril 2023.
[Pour un design éthique] Le vivant, et avec lui le respect des cycles de vie, ou encore la célèbre formule de Lavoisier « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », sont au cœur de la pratique du design de Louise Rué. Une appétence pour Anne-Sophie Barreau qui puise aux racines de l’histoire de la jeune designer. De cette terre qui était le terrain de jeu de son enfance, Louise Rué multiplie les initiatives protéiformes qui partant de la création d’objets avec des matières recyclées pour Boutures d’objets, embrasse un large spectre d’activités de l’éco-design.
Je suis issue d’une famille d’agriculteurs, j’ai toujours adoré trifouiller la terre avec mes grands-parents.
Ce lien entre design et agriculture était pour moi naturel.
Louise Rué
Le végétal, la terre au sens large, sont en majesté.
Plateau en marc de café ou noyaux d’avocats, recherche autour du mycélium, abécédaire poétique des plantes, jardin « Perspective d’avenir » : de quelque côté que l’on se tourne dans le court – elle est diplômée de l’École supérieure d’art et de design de Saint-Etienne (ESADSE) depuis 2016 – mais déjà riche parcours de Louise Rué : le végétal, la terre au sens large, sont en majesté.
Est-ce l’école justement qui a développé pareille sensibilité chez celle dont le mémoire de fin d’études avait pour titre « Cultiver la terre, les nouvelles logiques du design dans les petites exploitations agricoles alternatives » ? Non, c’est même tout l’inverse : « À l’époque, on estimait que les sphères du design et de l’agriculture étaient étrangères l’une à l’autre, on me déconseillait d’aller dans cette direction, se souvient la jeune designer, mais les choses ont changé depuis : aujourd’hui, toutes les écoles de design intègrent ces problématiques de développement durable et d’éco-conception ». Cette sensibilité, qui fait donc d’elle une pionnière, doit tout en revanche à ses racines.
Objets en mycélium
Notre champignon est hydrofuge, doux, simple d’utilisation.
Louise Rué
Reprenons : du plateau Silexus, en référence à ses arêtes qui font penser au silex, dessiné par celle qui se définit avant tout comme « designer en objets et mobilier », on admire d’abord la ligne épurée et élégante, avant que sa composition – marc de café ou noyaux d’avocats donc – ne laisse plus place au doute : il n’est pour Louise Rué aucun objet qui ne soit éco-conçu. Un credo qu’elle partage avec Laurence Saugé, « une incroyable chercheuse de matière », consultante en éco-design et créatrice du studio Boutures d’objets, installée comme elle à Orléans.
Après le plateau Silexus, le tandem s’est lancé dans l’expérimentation autour du mycélium : « Cette matière vivante nous intriguait, nous ne savions pas quoi en faire, mais nous avions envie de tester. Nous avons créé des objets, un miroir, des pots…nous y sommes presque, mais le mycélium reste une matière fragile, d’où l’idée que son utilisation soit une alternative à autre chose ».
Et pour commencer à ces mousses qu’utilisent les fleuristes pour conserver les fleurs qui sont un désastre au plan environnemental : « Elles produisent des microparticules qui vont directement dans l’eau ou les poumons ».
Le mycélium pourrait bien être la solution : « notre champignon est hydrofuge, doux, simple d’utilisation, nous sommes en train de créer différentes formes en partenariat avec les fleuristes du collectif de la fleur française qui ne travaille qu’à partir de fleurs de saison » dit Louise Rué, heureuse que l’expérimentation ait pu être présentée lors des dernières Journées européennes des métiers d’art (27 mars -2 avril 2023) à la Villette Makerz, le laboratoire collaboratif de conception et de fabrication.
Poésie
J’ai voulu que les lettres retournent à leur premier stade, qu’elles soient retransformées en plantes.
Louise Rué
L’Abécédaire poétique des plantes, présenté lors de la dernière édition de France Design Week, est quant à lui un projet ancien, développé pendant les années de formation de la jeune designer, mais Louise Rué y est si attachée qu’elle ne manquerait pour rien au monde l’occasion de le « ressortir du placard ».
On comprend pourquoi. « C’est un projet autour de la typographie. Les professeurs nous avaient donné pour consigne de créer un spécimen, autrement dit la fiche technique d’une typographie. J’avais choisi de travailler sur l’Auriol, une typographie ancienne, plutôt Art nouveau, dont je voulais reprendre les racines profondes : Georges Auriol (1863-1938) s’était inspiré des dessins japonais de plantes pour la dessiner, il avait voulu remettre de la poésie dans le caractère. Dans un geste inverse, j’ai voulu que les lettres retournent à leur premier stade, qu’elles soient retransformées en plantes : j’ai coupé toutes les lettres en petits morceaux puis j’ai fait du puzzle afin de recréer chaque fois des plantes différentes ».
L’abécédaire poétique des plantes porte à n’en pas douter bien son nom.
Jardin à la française du futur
À l’avenir, en lieu et place du gazon, le jardin devra composer avec des plantes plus résilientes,
moins consommatrices d’eau.
Louise Rué
Dernier projet, le jardin « Perspective d’avenir », fruit d’une collaboration avec le Pack Paysagiste, conçu pour la 4ème édition du festival des Jardins de la Côte d’Azur (25 mars – 1er mai 2023). « L’idée était de réfléchir au jardin à la française de demain, de garder l’idée des arabesques, de la mise en scène et de la perspective mais de voir comment on pouvait y insuffler un souffle contemporain ».
Comment ? « En mettant de la pelouse devant, comme dans un jardin typiquement français, puis en créant un espace beaucoup plus contemporain et sauvage tout en conservant des emplacements géométriques ».
Un projet auquel les restrictions d’eau ont involontairement donné un coup de pouce quand, au dernier moment, Louise Rué et ses partenaires n’ont plus été autorisés à mettre de la pelouse : « On s’est dit on arrive trop tard, on voulait montrer un jardin à la française classique mais comme il n’y a plus d’eau, on ne peut déjà plus montrer qu’il est désuet. À la place, nous avons mis du chanvre pour montrer qu’à l’avenir, il va falloir conjuguer avec des plantes qui soient plus résilientes, moins consommatrices d’eau ». Résultat : Louise Rué et ses partenaires ont reçu le prix GREEN Deal attribué au jardin le plus éco-responsable.
Dernier projet vraiment ? Pas tout à fait : avec son compagnon, Gabin Bouvard, prévisionniste des crues, ingénieur pour le ministère de l’environnement, elle vient de créer un vase qui évalue le risque d’inondation à Orléans nous apprend celle qui à l’avenir ne souhaite rien tant que « continuer à créer de nouvelles matières pour en faire des objets qui incarnent ces nouvelles façons de consommer » et « collaborer avec des marques ou des petites entreprises pour les pousser à aller plus loin dans leur démarche d’éco-conception ».
La prochaine édition de France Design Week aura pour thème « Vivant, Vivant». Devinez qui fait partie du comité d’organisation de la Région Centre-Val de Loire orchestré par l’association Valesens et pilotera notamment à ce titre une exposition à Orléans ?
Pour aller plus loin sur le design éthique
le site de Louise Rué pour découvrir ses design : objet/mobilier – Graphisme – espace
dont les éditions de l’Abécédaire poétique et Cultiver la terre
partenaire de Boutures d’objets
- une collection d « objets singuliers » ou de « matières recyclées » pour esthètes éco-conscients & curieux – Télécharger le catalogue
- un studio aux services multiples : Ecodesign et innovation, Sourcing, développement et production & Projets sur mesure
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