Les 1001 trésors du Parcours des Mondes 2023 (Saint-Germain-des-Prés, Paris)

jusqu’au 10 septembre 2023, Parcours des Mondes dans les galeries de Saint-Germain-des-Prés, rues des Beaux-Arts, de Seine, Jacob, de l’Échaudé, Bonaparte, Jacques Callot, Mazarine, Guénégaud et Visconti, Paris 6e – catalogue pour préparer sa visite

Comme chaque année, mais cette fois avec le soutien de la météo, le 22e Parcours des Mondes offre un stimulant parcours sur cinq continents au cœur de Saint-Germain des Prés jusqu’au 11 septembre à la découverte de l’immense patrimoine spirituel et esthétique des arts dits ‘tribaux et premiers’, d’Afrique, d’Océanie et des Amériques. Le Salon Opus Ancient Artfair se concentre lui sur les arts asiatiques et anciens du 20 au 24 septembre.  Entre offre muséale (par la qualité des objets) et foire (par la diversité des 58 galeries (contre 42 en 2022). L’amateur trouve un dépaysement créatif. Pour amorcer votre sérendipité, Singulars a retenu 5 expositions exemplaires de cet esprit de curiosités.

Le directeur artistique du parcours c’est vous

Difficile de faire un choix tant l’offre culturelle – de près de cinq continents – de cette 22e Parcours des Mondes se déguste tranquillement à pied dans l’un des plus beaux quartiers de Paris. Mise en scène des galeries, présentation des objets, médiateurs nombreux dans chaque galerie, tout est fait pour nourrir l’attention des visiteurs, et d’en faire des collectionneurs. Difficile aussi de trop s’attarder tant il y a de belles choses à voir. Ici le concept de « parcours » porte bien son nom. Il n’est ni guidé, par un directeur artistique, à part une carte du quartier accessible dans chacun de la soixantaine d’adresses inscrites. Ni guindé, vous pouvez franchir le seuil en toute liberté, selon votre envie ou l’accroche d’une thématique ou d’un objet.

Pour être fidèle à son ADN, le Parcours des Mondes se doit encore et toujours de faire le lien entre les peuples à travers les continents et les âges. Cela implique que les Arts Premiers du monde entier soient présents mais qu’également, la création contemporaine et les œuvres qui nous sont parvenues depuis l’antiquité, s’y confrontent.
Yves-Bernard Debie, Président de Parcours des Mondes 

Montagu Gallery (Barcelone) Tapies, Gris amb nus, 1975 Parcours des Mondes 2023 Photo OOlgan

Des nouveautés et des initiatives

La plus marquante reste ce « showcase » qui permet à de jeunes marchands souvent en régions ou de pays limitrophes, d’accéder à l’audience de l’évènement.

La fraicheur du « cabinet de curiosités » de la Galerie Spectandum de Louvain est stimulante.

Le cabinet de curiosités de Spectandum, Louvain, Showcase Parcours des Mondes 2023 Photo OOlgan

A la différence de la majorité des galeries – certaines comme EDO qui a fait appel à une designeuse Sandra Behanmon (clin d’œil à la Paris Design Week qui court jusqu’au 16 septembre plutôt du coté de Bastille) pour présenter sa collection, Spectandum a fait le choix d’une accumulation réjouissante pour l’oeil gourmand, traversant les périodes et les genres ; un masque côtoie un écorché en papier maché, une statuette médiévale un statue océanique. … « bazar » qui tranche avec le sérieux des showrooms organisés dans un dépouillement impeccable.

EDO, Lucas Ratton x Sandra Benhamou, 2023 Parcours des Mondes 2023 Photo OOlgan

D’autres ont choisi tout de même chercher à se différencier  comme « Unû » aux armes de prestige africaines sélectionnées par Jacques Billen dans cette recherche d’une esthétique qui le caractérise déjà en tant que marchand d’antiquités égyptiennes.

Jacques Billen & Bruno Claessens, UNÛ, armes prestigieuses d’Afrique. Parcours des Mondes 2023 Photo OOlgan

Cet esprit de sélection pour ce week-en dédié devient plutôt rare, tant crise oblige ? les galeristes restent dans leur sillon à présenter le meilleur de leur stock, sans trop chercher à éditorialiser. Saluons tout de même que l’esprit d’ouverture reste intacte, puisque certaines galeries prêtent leur espace à leurs confrères étrangers pour des véritables happenings, comme Fernando Fujol a Mar Galea (Barcelone) (chez Hervé Courtaigne), Shared Passion, la collection Claes (chez Jousse entreprise), Art Tribal de la Galerie Olivier Larroque (Nimes) (chez GOT) et Montagut Gallery (Barcelone) (chez Loevenbruck)

Fernando Pujol, Magie ou religion, (chez Hervé Courtaigne) Parcours des Mondes 2023 Photo OOlgan

Le choix du pas de coté

A la différence des années précédentes, une thématique ou un croisement entre art premier et art contemporain se fait plutôt rares. Certes, vous pouvez compter sur leur équipe bienveillance pour vous éclairer sur la portée de chaque objet qui vous saura attirer l’œil. Et ils seront nombreux.
Certaines pourtant ont pris les risques du croisement et méritent que l’on s’y attarde en images :

Quelques uns des rares Bronzes de Sibérie retrouvés et authentifiés par la galerie Grusenmeyer-Woline  Parcours des Mondes 2023 Photo OOlgan

Frozen Magix – L’art chamanique sibérien (galerie Grusenmeyer-Woline)

Kulai Bronze, Sibérie, galerie Grusenmeyer-Woline Parcours des Mondes 2023 Photo OOlgan

Le Temps cyclique, éternel et récurrent est le fil conducteur qui tisse la trame de cette ancienne tradition. Au sein de ses profondeurs, des visages émergent des visages, des figures résident à l’intérieur de figures, et les esprits des animaux et de la forêt sont invoqués. Les forces de vie sauvages et vibrantes du règne animal s’entrelacent avec le monde humain, tandis que les êtres anthropomorphes se fondent harmonieusement avec les déesses énigmatiques de la solitude nomade.

Dans les solitudes glacées de la Sibérie, une ancienne magie prospère. Elle se manifeste dans un bestiaire mystique, où les anciennes valeurs et les désirs primordiaux prennent forme. Ces espaces vierges deviennent une toile de fond pour un ensemble sauvage d’identités, liées par un système de croyances partagé. C’est un enchevêtrement d’interdépendance, où les chamans sibériens émergent en tant que gardiens du savoir et défenseurs du bien-être, luttant contre les démons et invoquant les esprits de la guérison. (Galerie)

Coco Fronsac face aux arts du Grand Nord & , Aura, 2023 (Tischchenko Gallery, Parcours des Mondes 2023) Photo OOlgan

Coco Fronsac dialogue avec les chefs d’œuvres du Grand Nord (Tishchenko Gallery)

Coco Fronsac , Aura VII crucifix danois, 2023 (Tischani Gallery, Parcours des Mondes 2023) Photo OOlgan

L’oblitération de l’image est un des axes du travail de Coco Fronsac qui procède par effacement, partiel ou total, pour créer une réalité seconde qui relève d’un monde onirique inquiétant, parfois dérangeant et toujours surprenant. Avec cette série d’œuvres où toute figuration est absente elle donne l’impression de s’aventurer dans un domaine nouveau.

Ces formes circulaires parcourues de longs ruissellements réalisés au goudron bitumeux semblent l’effet d’un hasard qui rompt avec sa pratique du dessin maîtrisé qui recouvre l’image préexistante.

Ici pas de détournement, pourtant la finalité est la même, laisser à deviner ce que dissimulent ces coulures. Quel est l’univers qu’elles paraissent voiler ? A l’observateur de se rendre au-delà … ou pas.

Le don du rêve n’est pas offert à tout le monde.
(Claude Stéphani, pour Tishchenko Gallery)

Achile Adonon (sculpture) + Youss Atacora (huiles), Galerie Vallois, Parcours des Mondes 2023 Photo OOlgan

Achille Adono + Youss Atacora (Galerie Vallois)

Si les deux artistes, nés au Bénin respectivement en 1988 et 1987, ont exposé à de nombreuses reprises en Europe et en Afrique, ce sera la première fois que leurs œuvres seront présentées à Paris.

Achille Adonon, Les fantômes de la nuit, (détail) 2022 Galerie Vallois, Parcours des Mondes 2023 Photo OOlgan

Panafricain dans son engagement, Youss Atacora est sans doute l’un des artistes émergents béninois les plus en vue. L’histoire et le temps sont pour lui une source d’inspiration, qu’il s’agisse des héros historiques du continent africain et de la défense des droits du peuple Noir, des sujets liés à l’histoire béninoise ou des éléments plus intimes, touchant à son histoire personnelle.

Lors de ses pérégrinations dans les rues de Cotonou ou d’Abomey-Calavi, Achille Adonon (1987) a observé les enfants des rues errant pieds nus. Il fut saisi de voir, jonchant ces mêmes artères, de nombreuses chaussures abandonnées, oubliées ou jetées là par leurs propriétaires. Elles sont alors devenues pour lui une métaphore du sort de ces enfants. Toujours abstraites, tantôt verticales, tantôt comme compressées, ses oeuvres intriguent et interpellent. (Cédric Destaileur, Galerie Vallois)

Franck Zanfanhouédé + King Houndekpinkou Galerie Vallois, Parcours des Mondes 2023 Photo OOlgan

Franck Zanfanhouédé + King Houndekpinkou (Galerie Vallois)

King Houndekpinkou, La veuve de lumière à Pis noirs 2, 2021 Galerie Valois

C’est d’abord par l’univers pop des mangas et des jeux vidéo que King Houndekpinkou (1987) a développé une passion pour le Japon. Plus tard, il s’y est formé à l’art de la céramique et a découvert, fasciné, la culture traditionnelle japonaise. Cette alliance du passé et du présent est à l’origine de la grande créativité du travail de King. Ainsi ses céramiques sont constituées de formes classiques (bols, gobelets, vases, bouteilles…), que l’artiste détourne de leur fonction utilitaire en les assemblant. Il les surcharge ensuite d’émaux, de peintures et dorures, donnant naissance à des œuvres insolites et très colorées. Ses coulures d’émaux évoquent autant les libations versées sur les autels vaudous que le dripping de Jackson Pollock. Il emprunte par ailleurs au Street Art la bombe de peinture aérosol, qui lui permet d’obtenir une texture mate surprenante, contrastant avec l’éclat de l’émail, de l’or et de l’argent.

Porté par la spiritualité animiste, commune à son pays d’origine, le Bénin, et à son pays de cœur, le Japon, King a une approche très profonde de la céramique. Cet art ancestral est pour lui un langage universel qui permet de rapprocher les cultures et les peuples. Pour symboliser cette conviction, il mélange les terres de provenances diverses (Bénin, Japon, Europe, États-Unis…).

Franck Zanfanhouédé, 2022 Galerie Valois Photo OOlgan

Frank Zanfanhouédé (1991) a la particularité d’être aussi tatoueur, activité qui imprègne son œuvre plastique puisque les représentations du corps et le body art sont au cœur de sa pratique. Ainsi, il manie le stylo bille avec la même précision chirurgicale que l’aiguille ; ses traits successifs d’une finesse extrême, comparables aux traits de vitesse utilisés en bande dessinée, donnent à ses dessins une vibration et une sensation de mouvement exacerbés. Tout comme King, Zanfanhouédé affectionne l’usage de couleurs vives, qui participent à l’énergie de ses créations.

Quant à ses corps féminins sculptés en bois, ils sont bien souvent tatoués, transpercés de clous, ou encore portent des agrafes de métal semblables à des scarifications. Au-delà de l’esthétique empruntant au monde rituel, ces stigmates symbolisent les violences, physiques ou psychologiques, exercées à l’encontre des femmes. Ambivalents, ces ornements métalliques peuvent aussi être interprétés comme une armure protectrice. À travers ce travail, l’artiste explique vouloir rendre plus personnellement un hommage à sa mère, disparue quand il était très jeune. Son nom d’artiste « Zanfanhouédé » est d’ailleurs une combinaison des noms de famille de ses deux parents. L’artiste emprunte les sujets de ses œuvres autant à la tradition béninoise (le Gèlèdè, les signes du Fa), qu’à des thématiques universelles plus larges, comme le Bien et le Mal, tendant parfois vers l’abstraction dans sa peinture. (Galerie)

Un des espaces investis par Nicolas Andrin, Arborigene Galerie, pour apprivoiser les Chefs d’œuvre aborigènes, Parcours des mondes 2023 Photo OOlgan

Chefs d’œuvres aborigènes d’une génération (selon Arborigene Galerie)

Pour ceux qui ont été fasciné par Sally Gabori puis Songslines, l’aventure spirituelle de l’art aborigène se poursuit grâce à l’éthique de Nicolas Andrin. Le spécialiste de l’art aborigène « d’exception »  a investi pas moins deux espaces – en plus de sa galerie, 46 rue de Seine – pour exposer son gigantesque patrimoine de chefs d’œuvre aborigènes (qu’il présente dans un livre de référence, disponible à la Galerie). Vous apprendrez grâce à Jeff sur place, toutes les subtilités de cet art imminemment spirituel, territorialisé et initiatique à travers l’expression chaque communauté.

Dierk Dierking (Suisse) x Michael Woener Oriental Art (Thailande)

(chez La Forest Divonne) rapproche l’artiste Otto Bell de leurs trésors orientaux.

Bahau Dayak, Indonésie XIXe rapproché d’Otto Bell, Untitled, 2015 (Woerner Oriental art) Parcours des Mondes 2023 Photo OOlgan

Il est temps pour vous de prendre le chemin de ce 22e Parcours des mondes jusqu’au dimanche 10 septembre.

#Olivier Olgan

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