Culture

Les Musicales du Luberon privilégient les sources de l’émotion

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 18 juin 2024

Depuis plus de 35 éditions, Les Musicales du Luberon animent tout l’été du 5 juillet 5 octobre 2024 les plus beaux sites de cette partie de la Provence, d’Apt à Ménerbes. Patrick Canac, son président fondateur, désormais rejoint Laure Kaltenbach-Fournier confie à Olivier Olgan les ressorts de cette manifestation aux artistes éclectiques – de Xavier Phillips et les solistes de Lausanne au Trio Sõra de Thibault Cauvin à Pierre Génisson et Karine Deshayes – qui a choisi cette année de revenir aux « sources de l’émotion « procurées par la musique.

  

Pourquoi avez-vous souhaité pour cette édition « capter les sources de l’émotion » ?

Patrick Canac et Laure Kaltenbach-Fournier, les deux coprésidents des Musicales du Lubéron Photo DR

Patrick Canac. Nous reconnaissons tous l’effet que la musique exerce sur notre quête d’absolu, particulièrement la musique classique tournée vers le cœur et l’esprit, sources de nos émotions et de nos désirs d’évasion. Avec les magnifiques interprètes que nous allons suivre, nous remonterons vers les compositeurs pour qui toucher l’émotion est une évidence, comme Beethoven qui érigeait la musique en maîtresse de nos sens, mais aussi Mozart, Haydn, Schubert, Brahms, Bizet, Tchaïkovski…. Peut-être que le public est-il séduit par notre désir de partage, d’attention à son égard et de proximité avec les artistes ?

Nous avons dénommé notre saison « Aux sources de l’émotion » : cette expression résume bien ce que nous nous employons à faire depuis 35 ans :  toucher les âmes sans concession sur l’excellence.

Laure Kaltenbach-Fournier. Plus que jamais pour élargir le public , nous n’hésitons pas à croiser leurs regards avec des visions plus contemporaines, pourvu que ces dernières procurent des sensations analogues ou atteignent les cœurs et les âmes. Pas d’intellectualisme gratuit mais des découvertes d’artistes ou de compositeurs, des esthétiques diversifiées, des œuvres instrumentales, lyriques, sacrées,  de la musique de chambre ou symphonique et des tarifs abordables. Cette année, nous restons dans cette épure avec les deux concerts symphoniques cités, un concert avec l’ensemble Sarbacane consacré à un Schubert convivial et joyeux ; une « Carmen intime » en partenariat avec l’opéra du Grand Avignon en version de poche qui conserve sa trame intemporelle dramatique grâce à une mise en scène très astucieuse de Fréderic Roels, le directeur de l’opéra du Grand-Avignon.

La Maison Basse du Savannah Collège of Arts and Design de Lacoste est l’un des sites des Musicales du Lubéron Photo Musicales du Lubéron

Sur quels fondamentaux reposent le succès et la longévité des Musicales du Luberon ?

Les resplendissantes carrières des Taillades, réputées pour leur remarquable acoustique Photo Musicales de Lubéron

Patrick Canac. La transmission pour partager la passion de la musique classique est au cœur de notre projet. La nécessaire persévérance est aussi nécessaire pour avoir et donner accès à des concerts dans les lieux les plus sublimes – et secrets – du Luberon : au majestueux Château de Mille où les dégustations viendront enrichir la soirée ; à Ménerbes, dans l’accueillante église Saint Luc et, pour la première fois, au Domaine de la Citadelle magnifiquement réaménagé par ses nouveaux propriétaires ; dans l’écrin paysager du théâtre en plein air à la Maison Basse du Savannah Collège of Arts and Design de Lacoste ; dans les resplendissantes carrières des Taillades, réputées pour leur remarquable acoustique où France Télévision retransmettra le spectacle de Pierre Génisson pour un Mozart 1791 ; au-delà les monts de Vaucluse, dans l’église Saint-pierre à Bédoin.

Laure Kaltenbach-Fournier. La politique tarifaire volontairement accessible notamment aux plus jeunes s’appuie sur des partenaires fidèles et convaincus qu’il faut permettre au plus grand nombre d’apprécier le talent des artistes et leur capacité à nous enchanter. Le jeune public est aux cœur des initiatives que nous déployons toute l’année comme récemment avec le guitariste classique exceptionnel Thibault Cauvin (qui parcourt la France actuellement avec M pour leur album L’heure miroir) présent à l’ascension avec des classes d’Arles ou les concerts dédiés aux jeunes générations à Apt ou les ateliers consacrés aux enfants. Ce sont plus de 800 enfants qui ont bénéficié de cet accès à des artistes d’exception en 2023.

Comme tous les festivals, c’est un équilibre fragile qui nécessite le soutien d’une équipe de (formidables !) bénévoles et de membres actifs.

Parmi cette belle programmation, vous souhaitez nous en dire plus sur deux évènements  ?

Patrick Canac et Laure Kaltenbach. Deux moments très forts méritent un développement dans une programmation elle aussi très forte !  Que de superlatifs mais la composition d’un programme a toujours un effet très puissant sur notre enthousiasme !

Francois-Frederic Guy, pianiste Photo Copyright Lyodoh Kaneko

Recevoir un des maîtres français du piano jouant et dirigeant Beethoven accompagné par l’orchestre de chambre de référence en Suisse, l’ensemble Microcosme, composé de 18 musiciens excellents et passionnés. Au programme le concerto N°1 joué et dirigé du piano, une œuvre impétueuse et brillante dans la veine de Mozart ou Haydn qui comporte déjà les élans géniaux et inédits d’un compositeur, virtuose du piano, qui était devenu la coqueluche du « tout Vienne ».  François-Fréderic Guy est considéré comme une réincarnation de Beethoven, par son apparence, il suffit de comparer ses photos avec les portraits du viennois, mais aussi par son interprétation car il est en le spécialiste en Europe qui nous promet une interprétation flamboyante dans un lieu, l’école américaine de Lacoste, spécialement aménagée pour un concert philharmonique.
Francois-Frédéric Guy prendra ensuite sa baguette pour diriger la 2ème symphonie. Il démontrera encore combien il sait entrer dans la pensée de Beethoven en faisant sentir la puissance de cette partition qui recèle les premiers signes de la crise existentielle du compositeur prenant conscience qu’il allait devenir sourd.

Quel est le second évènement de cette édition ?

Patrick Canac. La présence d’ une sorte d’ « exécuteur testamentaire » de Mozart, en la personne de Pierre Génisson qui a choisi de nous faire entendre les derniers opus de cet autre génie, dont son concerto pour clarinette : le modèle d’une œuvre qui vous transperce surtout quand elle est jouée par un musicien de cette trempe accompagné par une cheffe, Debora Waldman capable de transcender une page de musique à la tête de l’Orchestre National d’ Avignon.

Ce qui nous plait dans ce que propose Pierre, c’est qu’il ambitionne d’incarner aussi bien que possible le langage de Mozart en se posant en fidèle et humble messager de son discours universel de paix et d’amour. Pierre en effet exécute un acte quasi messianique dans son approche de cette musique car elle nous montre la voie normalement impénétrable du seigneur !

Laure Kaltenbach-Fournier Une perle lyrique est aussi annoncée : une de nos plus grandes chanteuse lyrique, Karine Deshayes, viendra marier sa voix à celle de la clarinette, dans un air iconique , tiré d’un des ultimes opéras de Mozart, La Clémence de Titus. Nous sommes ravis que la direction de programmes de France télévision ait repéré ce moment pour le mettre en boite et le rediffuser !

Mais il ne faut pas oublier que Les Musicales du Luberon sont présentes à l’année sur tout le territoire : des concerts, des concertini, des conférences le samedi. Près de 30 évènements sont ainsi organisés chaque année pour permettre à tous les publics, et pas uniquement les estivants, d’avoir accès à de grands moments de musique !

Le choix de France télévision d’enregistrer vos concerts est une première, quelle dynamique cette reconnaissance lance pour les éditions avenirs ?

Laure Kaltenbach-Fournier. Cette première est importante à tout point de vue. Cette captation récompense 35 ans d’engagement pour la musique Classique et le travail de Patrick Canac et de  tous les membres du dévoué conseil d’administration, mais aussi des bénévoles, des adhérents que nous souhaitons toujours plus nombreux et du public des estivants et des habitants à l’année de cette belle région.

Cela vient démontrer qu’à côté des grands festivals, d’autres, moins connus, proposent des programmes dignes d’être vus et entendus par tous les Français !

Et cela nous donne une belle énergie pour continuer inlassablement à transmettre et partager avec des artistes qui nous enthousiasment.

Propos recueillis le 17 juin 2024 par Olivier Olgan

Informatiques pratiques

le site Les Musicales du Luberon,  Festival d’été du 5 juillet 5 octobre 2024 e
en attendant le programme d’automne et les événements de fin d’année.

  • 5 juillet, 21h30, Carmen intime, d’après Georges Bizet, pour 4 voix et 1 violoncelle, avec Axelle SAINT-CIREL (Carmen) – Lyriel BENAMEUR (Micaëla), Etienne DE BÉNAZÉ (Don José) – Aimery LEFEVRE (Escamillo), Florent AUDIBERT,  Violoncelle Mise en scène, décors, costumes et lumières de Frédéric ROELS, Chateau de Mille, Apt
  • 12 juillet, 21h30, Beethoven Flamboyant, François-Frédéric Guy avec l’ensemble Microcosme, Maison basse du SCAD, Lacoste,
  • 16 juillet, 19h30, (Eglise Saint-Pierre à Bédoin) & 17, 21h30 (Domaine de la Citadelle) Schubert dans le vent, Concert de l’Ensemble Sarbacanes, dirigé par Gabriel Pidoux
  • 23 juillet, 21h30, Mozart 1791, Karine Deshayes, Mezzo-soprano, Orchestre National Avignon-Provence, dirigé par Debora Waldman, présenté par Jean-Michel Dhuez, Théâtre des Carrières Les Taillades
  • 27 juillet, 21h30, Xavier Phillips et les Solistes de Lausanne

Festival d’Automne à Apt

  • 13 septembre, 19h, Nous aimons Brahms par le Trio Sõra, Maison du Parc du Luberon, Apt

  • 27 septembre, 15h et 19h30, A Vos classiques!, Salle des fêtes d’Apt, Orchestre National Avignon-Provence, dirigé par Debora Waldman
  • 5 octobre, 17h30, Les Rebelles à l’Opéra, avec Axelle Saint-Cirel, Lauréate des Saisons de la Voix de Gordes et Mao Hayakawwa, Chapellle du Conservatoire d’Apt

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