Culture

L’Olympisme, une invention moderne, un héritage antique (Le Louvre - Hazan)

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 18 juillet 2024

(Olympiade culturelle) Pierre Coubertin n’était pas seul ! Qui sait que, derrière l’Olympisme, se cachent, notamment Michel Bréal (1832-1915) inventeur du marathon, et des érudits français et grecs attachés à promouvoir la paix par la pratique du sport en repartant de l’étude des textes et des témoignages archéologiques de la Grèce antique.  Avec ses qualités scientifiques habituelles, au-delà des idées reçues, pour Olivier Olgan, L’Olympisme, une invention moderne, un héritage antique au Louvre jusqu’au 16 septembre 2024 revient sur la genèse de sa « fabrique » , mettant l’accent sur l’iconograhie imaginée par Émile Gilliéron pour forger l’idéal olympique… et renforcer l’unité du peuple grec.

  

Pierre Coubertin n’était pas seul

Si Pierre de Coubertin reste dans l’imaginaire collectif le fondateur des Jeux modernes en 1894, avec notamment par la création du drapeau avec les anneaux olympiques, l’exposition du Louvre met en lumière plusieurs personnalités françaises et grecques moins connues qui ont œuvrées à leur naissance, et ce qu’ils ont puisés de l’étude de l’histoire, de l’archéologie, des lettres classiques. Avec le rôle fondamental qu’a joué la ville de Paris, avec son personnel et ses institutions, dans l’idéal olympique.

Invention moderne, les 1ers Jeux ont mobilisé tous les savoirs naissants : l’histoire, l’archéologie, la philologie mais aussi la photographie et le cinéma. Ces deux nouveaux médias, produits de la société industrielle, participent à l’aventure olympique en relayant les progrès de la science. Celle-ci porte un intérêt particulier au mouvement et cherche à retrouver le geste des athlètes d’Olympie.

La réinvention des concours de la Grèce antique.

Le terme de « concours » est plus juste que celui de Jeux. Il traduit l’esprit de compétition, l’âgon, qui anime les concurrents. Ils ne sont pas pensés comme un divertissement même si le public de la Grèce ancienne s’enthousiasmait pour les épreuves. L’expression de « Jeux » est cependant entrée dans le langage commun et les écrits scientifiques.

Les concours panhelléniques sont des compétitions athlétiques destinés à tous les grecs. Ils sont une manifestation religieuse en l’honneur des dieux : Zeus à Olympie et à Némée, Apollon à Delphes et Poséidon à l’isthme de Corinthe. Un espace sacré, le sanctuaire, est réservé au temple et aux trésors, offrandes des cités en l’honneur de la divinité. Un espace profane est occupé par les installations sportives : palestre, gymnase, stade, hippodrome.

Une genèse franco-grecque oubliée

Le mérite de l’exposition est de nuancer le rôle de Coubertin, en éclairant celui de personnalités fascinantes cherchant à comprendre le sport grec à partir de l’étude des textes antiques et des témoignages archéologiques. Michel Bréal (1832-1915) linguiste et historien est l’inventeur du marathon dont la course est inconnue à Olympie, et de son trophée. Les Grecs Dimitrios Vikélas (1835-1908) et Spyridon Lambros ont valorisé l’héritage historique pour construire le souverainiste de leur nation, désormais indépendance. Le peintre et dessinateur suisse Émile Gilliéron (1850-1924) fut l’artisan de la fabrique de l’imagerie olympique.
Enfin l’importance de la ville de Paris.  Si les premiers Jeux Olympiques modernes sont organisés à Athènes en 1896, c’est à Paris qu’ils sont créés deux ans plus tôt au nom de la paix favorisée par la pratique du sport.

Récompenser les athlètes et diffuser l’image olympique

Chargé d’inventer l’imagerie olympique de la 1re Olympiade de 1896 mais aussi celle des jeux intermédiaires, les Mésolympiades 1 de 1906, Émile Gilliéron s’est inspiré des découvertes des fouilles des grands chantiers archéologiques (Acropole d’Athènes, Marathon, Béotie, Eubée etc.) qu’il avait couverts, pour inventer les trophées des vainqueurs. Ce sont l’origine des premiers outils de communication modernes appliqués à la promotion sportive :  affiches, émission de timbres de jeux athlétiques au monde, naissance de la philatélie olympique, …

Les sources antiques sont sollicitées pour reconstituer les gestes sportifs des anciens Grecs afin de les adapter aux nouveaux jeux. Mais l’olympisme moderne, ainsi élaboré, constitue un phénomène propre au XXe siècle qui est finalement assez éloigné de ce qu’étaient les concours  antiques.

L’iconographie olympique au service du nationalisme.

Les arts visuels convoqués pour renforcer l’unité du peuple grec servent aussi à consolider l’Olympisme. On peut, sans tomber dans l’anachronisme, renvoyer aux concours panhelléniques dont la vocation est de rassembler les Grecs dispersés entre cités rivales autour de la méditerranée et de rappeler leurs points communs : une religion et des valeurs communes exprimées lors des concours athlétiques en l’honneur de Zeus.

Parallèlement, les médias modernes : le cinéma et la photographie permettent de réinventer des gestes sportifs antiques et servent la science qui porte un intérêt particulier à la décomposition des mouvements du corps.

La représentation du corps viril.

Indissociable de l’éducation militaire, le sport et les concours athlétiques antiques sont réservés aux hommes et plus spécifiquement aux seuls citoyens. La présence des femmes le plus souvent cantonnée à la représentation allégorique de la Victoire prendra plusieurs décennies avant de s’imposer grâce à la persévérance d’une poignée de femmes dont Alice Milliat, sportive et militante qui organise les 1ers Jeux féminins à Paris en 1922.
Le combat pour des sports égalitaires traverse tout le 20e siècle et bouscule les fondements initiaux de l’Olympisme. Ce n’est que récemment que le CIO a inscrit dans la Charte olympique l’égalité sportive entre les hommes et les femmes.

Olivier Olgan

Pour aller plus loin

Jusqu’au 16 septembre 2024, Musée du Louvre.

Catalogue : L’olympisme. Une invention moderne, un héritage antique, sous la direction de Alexandre Farnoux, Violaine Jeammet, Christina Mitsopoulou – Coédition musée du Louvre éditions  Hazan, 336 p., 45 € .

Quand les grecs anciens faisaient du sport, de Alexandre Farnoux (Musée du Louvre/Éditions Hazan, 180 p^. 27€) Quelles étaient les pratiques sportives des Grecs antiques ? Loin des stéréotypes et idées erronées dont les compétitions sportives contemporaines se réclament, Alexandre Farnoux dessine une image concrète de la pratique sportive antique, de l’importance de l’entraînement dans l’éducation et la préparation à l’armée, des liens entre religion, politique et compétition, le rôle et les enjeux de la victoire. faisant revivre l’ambiance des « concours ».

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