Culture

Edi Dubien, Eclairer sans fin (musée de la Chasse et de la Nature-JBE Books)

Publié par Olivier Olgan le 24 avril 2025

« Je parle d’une existence à protéger : aussi bien les enfants que la nature, les bêtes, une part de nous » Avec une rare intensité et une émouvante justesse, Edi Dubien s’est investi dans le musée de la Chasse et de la NatureJBE Books jusqu’au 17 août 25.
Au sens propre, plus de 200 œuvres s’immiscent et dialoguent avec la collection permanente et, figuré en explorant des thèmes liés à l’identité, à l’enfance et ses rapports avec la nature.
Plus qu’une confrontation, ce chaman privilégie la douceur de subtiles relations d’échange, de coopération, et de métamorphose, pour mieux instiller pour Olivier Olgan, une sentiment de consolation d’une résiliente bienveillance.

Dans mon travail, tout parle de chaos, d’enfance, de genre, de nature, de résilience et d’amour. Mon travail est une arme.
J’ai besoin de pudeur, de transmettre la sensation de ne pas connaître ce que l’on croit connaître. Je crois en un au-delà, en une vérité silencieuse. Je suis très exigeant dans ce que je fais. Il y a tellement à faire, à dire.
Edi Dubien, Lettre à un jeune terrien, Artension, n°182

Edi Dubien, Eclairer sans fin (musée de la Chasse et de la Nature) photo OOlgan

Cet Orphée chaman est comme chez lui dans les collections du musée de la Chasse

Edi Dubien, Eclairer sans fin (musée de la Chasse et de la Nature) photo OOlgan

Même si beaucoup d’artistes se sont bien intégrés dans les collections permanentes du musée de la Nature, l’œuvre d’Edi Dubien y dialogue plus que d’autres comme une évidence. Tant l’autodidacte né en 1963 ne cesse d’explorer la relation sensible entre l’homme, l’animal et la nature. Biches, loups, renards, sangliers, chouettes, blaireaux, compagnons de route de son enfance blessée, peuplent son monde onirique et mélancolique.

Comme Orphée, Edi Dubien sait charmer les animaux. C’est le don qu’il transmet à chacun des enfants qu’il représente. Son œuvre nous fait pénétrer dans un bois. Sacré certainement. Ici, l’enfance et la nature, comme à l’abri du monde vrai, se fondent et s’empruntent mutuellement
Thomas Jolly

Edi Dubien, Eclairer sans fin (musée de la Chasse et de la Nature) photo OOlgan

Habiter les lieux, vivre la nature comme un tout

Edi Dubien, Eclairer sans fin (musée de la Chasse et de la Nature) photo OOlgan

De salles en salles, où elles rayonnent autant qu’elles empreignent,  les quelques 200 peintures, sculptures et dessins questionnent avec subtilité, sans effet de manche l’identité et la métamorphose. Ici avant lui et après lui, l’humain, l’animal et la nature forment un tout. Mais les dialogues qui s’installent  font rayonner cette évidente familiarité, ils nous incarnent autant  qu’ils nous révèlent. Surtout, malgré ou grâce à la présence vulnérable et solaire, ils réenchantent notre aptitude à la métamorphose.

Il n’est pas besoin de savoir qu’elles sont et autant de reflets d’une identité affirmée d’un artiste né fille et devenu homme. Mais il y déploie son histoire comme espace de liberté. C’est l’un de nos pouvoirs – un de nos savoirs – les plus humanistes. Celui de nous transformer. De nous travestir. Et par là même de nous raconter, nous fictionner, nous représenter. Mais miroir, donc, de la fragilité de la nature, humaine ou animale de son incomplétude.

Edi Dubien, Eclairer sans fin (musée de la Chasse et de la Nature) photo OOlgan

« Mon travail, si on le regarde bien, n’est pas juste une célébration de la nature et des animaux. Il parle de réparation et d’échange. »

La responsabilité de l’autoportrait

Edi Dubien, Eclairer sans fin (musée de la Chasse et de la Nature) photo OOlgan

Dans l’ensemble de sa production artistique, les représentations d’autoportraits dominent largement. L’artiste s’y cache et s’y montre tout à la fois. Il nous livre sans concession son histoire : celle d’un individu qui a dû apprendre à apprivoiser son histoire, à se battre contre son corps et contre la société.

« Le politique (collectif) rejoint inévitablement le personnel (intime). L’autoportrait joue un rôle moteur au sein d’une cosmogonie où le réel est combiné à une dimension étrange, surréelle et poétique. »
Julie Crenn, 2017, extrait du texte pour l’exposition Voyage d’un animal sans mesure, Maison des arts, centre d’art contemporain de Malako

Le chaman Orphée entre l’humain et la nature

Edi Dubien, Eclairer sans fin (musée de la Chasse et de la Nature) photo OOlgan

Au fil des salles, le visiteur est saisi par la mise en scène d’une harmonie aussi fascinante que paisible entre l’homme et la nature. Aux antipodes d’une nature menaçante ou anxiogéne. Le chaman représente la faune et la flore comme des entités protectrices qui viennent soigner les traumatismes de l’enfance, de notre relation au monde.

Si la figure de l’enfant revient sans cesse, c’est mieux nous faire toucher du cœur que l’homme se réalise venant du chaos. La céramique monumentale de la première salle  inspirée des films La Nuit du chasseur (1955) de Charles Laughton et Dead Man (1995) de Jim Jarmusch. Ici, dans cette barque entre deux eaux, tout est magie !

« Nous avons terrorisé le monde animal, et aujourd’hui, il est difficile de percevoir sa vraie nature. En ce sens, dans mes dessins, je fais le parallèle avec mes frayeurs d’enfant. (…) Je parle d’une existence à protéger : aussi bien les enfants que la nature, les bêtes, une part de nous.
J’ai commencé à prendre soin de la nature, et je me suis rendu compte qu’en prenant soin d’elle, je prenais soin de moi. »

Edi Dubien, Eclairer sans fin (musée de la Chasse et de la Nature) photo OOlgan

Revenu les Enfers et en est revenu.

Edi Dubien, Eclairer sans fin (musée de la Chasse et de la Nature) photo OOlgan

Sa force, il la transpose dans tous les enfants qu’il représente. Ce chaman vit en ayant triomphé de ses peurs et nous invite à rattraper le temps perdu en reconstruisant une part de nous-même, pour renouer avec la Terre dans un jus résilient.

Je parle aussi bien d’un animal que de moi-même, je parle aussi bien d’une plante que de moi-même, je parle de naissance et de bouleversement.
Edi Dubien

Auteur de l'article

Pour suivre Edi Dubien

Le site Edi Dubien
Sa Galerie Alain Gutharc, 7 rue Saint Claude Paris

Jusqu’au 17 aout 2025, Eclairer sans fin, musée de la Chasse et de la Nature, Paris-3e

Catalogue, avec un avant-propos de Thomas Jolly et un entretien entre Edi Dubien et du commissaire Rémy Provendier-Commenne. JBE Books, 160 p. 

Comme dans certaines traditions d’Amérique latine, il incarne le cycle de la vie, porteur d’un message de renaissance. Edi Dubien réinvente ces symboles pour interroger notre lien à la vie et à la métamorphose, nous invitant à redécouvrir ce qui fait sens dans notre existence.
Rémy Provendier-Commenne

Jusqu’au 28 avril, Edi Dubien, Le Petit Prince,  Galerie Moutains, Rosa-Luxemburg-Platz
Weydingerstr. 6, 10178 Berlin

A lire : Les Animaux de tout le monde et les animaux de personne, de Jacques Roubaud, illustré par Edi Dubien, Gallimard, mars 2024
A voir : Edi Dubien, L’art de créer des liens avec le vivant, Arte TV

Pistes de lecture pour prolonger des liens avec le vivant

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