Culture
Musicale : Drôle de Jam - Divalala - Songe à la Douceur, des bonbons pour les fêtes
Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 15 décembre 2022
Face aux grosses machines (42e Street au Chatelet, Cabaret au Lido, et Starmania à La Seine Musicale), Singular’s recommande trois bijoux de proximité pour leurs musiques toniques, la qualité des comédiens-musiciens et la fraicheur d’un humour bon enfant : le plus swinguant, Drôle de Jam (L’Essaïon jusqu’au 30 janvier 23), le plus choral, Les Divalala, C’est Lalamour (Le grand point virgule jusqu’au 28 mars 23), le plus doux amer, Songe à la Douceur (Théâtre Paris Villette jusqu’au 3 janvier 23) constituent des délicieuses friandises pour les oreilles et réchauffent le cœur qui fait boom !
Drôle de Jam (L’Essaïon)
A tous ceux qui croient que le jazz reste un brin élitiste et un peu trop américain, la folie musicale de ce quintet déjanté bousculera leurs certitudes. Chanter (bien) français et adapter tous les standards dans la langue de Molière, tel est le défi qu’annonce d’emblée et relève l’adapteur et guitariste Bruno Buijtenhuijs. De sa guitare ensorceleuse, le virtuose transforme tous les plus grands standards du Jazz (de Duke Ellington à Miles Davis) en d’irrésistibles machines à swing et à gags, avec une imagination un rien potache, toujours bravache.
C’est joyeux, insolent, et tonique. Ses complices savent jouer au sens propre sur tous les registres, passant du poétique au grivois, du skat aux imitations en tout genre. Le un brin macho (je n’en veux qu’) A tes seins (1967) de Claude Nougaro devient en mode féministe je n’en veux qu’à tes … faisant rimer « nouille » et « cou…).
Ici tout est permis pour le parti de faire rire ou d’en rire ! Les 70 minutes filent à telle allure que le public en redemande, heureusement, notre quintet en a sous les doigts et dans la voix pour notre plus grand plaisir, avec des rythmes qui trotteront longtemps dans la tête. Un cocktail jouissif euphorisant.
Divalala, C’est Lalamour (Le grand point virgule)
Humour second degré et chansons et enchainements ciselés, le trio vocal Divalala passe à la moulinette de leur abattage et de leur charmes les plus grandes chansons d’amour françaises, d’hier (Sardou, Gainsbourg, Halliday,,…) et d’aujourd’hui (Soprano, Oldelaf, ..) Un leitmotif moqueur et tendre unit les enchainements impeccables de tous les états de l’amour. Parfaitement rodé, le Trio triomphe depuis 2010, et sait parfaitement jouer des contrastes, ciseler des émotions, projeter des sentiments : « mon premier c’est désir/mon deuxième du plaisir/mon troisième c’est souffrir/et mon tout fait des souvenirs ».
Pour ensorceler la salle, Angélique Fridblatt, Gabrielle Laurens et Marion Lépine n’ont ni froids aux yeux ni aux jambes pour booster une revue façon Las Vegas : changements de costumes rapide et efficace, d’un kitch glamour ou psychédélique assumé, le tout sur fond de tubes verticaux lumineux, que transforme le théâtre en karaoké géant Le public ne s’y trompe pas quand il est invité à chanter par notre trio de chanteuses-comédiennes.
La réussite du medley tient à sa qualité d’exécution et de changement de tableaux, et à la parfaite synchronisation de leurs voix a capella. Le plaisir et le cœur que le Trio projettent font de ce spectacle de proximité un chef d’œuvre en péril tant on prend goût à cette variété de qualité, sans écran ni artifice.
Songe à la Douceur (Théâtre Paris Villette)
Entre Vincente Minelli et Jacques Demy, le spectacle de Justine Heynemann rend hommage aux comédies musicales d’antan. Celles où l’on dansait pour un rien, où toute émotion ou situation appelait une chanson, où l’on ne marche pas mais on vole, où l’on ne cause pas mais on s’aime.
Autre source d’inspiration, le roman éponyme de Clémentine Beauvais, paru en 2016, qui est lui-même une adaptation contemporaine d’Eugène Onéguine d’Alexandre Pouchkine : les amoureux s’appellent Tatiana et Eugène, ils maitrisent tous les modes et les codes de la communication actuel, textos, skype , mais rien ne vaut la caresse et le baiser. C’est inventif, jamais prise de tête ni de poings. C’est fluide
Avec grâce et subtilité, l’histoire de ces deux amours adolescentes qui se croisent, s’étoffent et puis s’effacent prend corps et poésie grâce à six comédiens -chanteurs, mais aussi musiciens et danseurs. Le décor immense du Théâtre Paris Villette porte et reflète cette fenêtre onirique, jardin peuplé de fleurs de papier qu’on effeuille au gré des sentiments et d’instruments de scène (le banc, le nid, le lit) et de musiques : on passe du baiser au piano, de saxo à la déclaration.
Les tons des amours comme les tonalités de sons évoluent au rythme des situations, animé par une Cupidon à la fois chœur et aiguillon. La musique est douce-amère, fusionnant pop et new age, avec des mélodies tranquilles et sans risque. C’est léger comme un sourire, virevoltant comme une bulle de savons ; c’est une parenthèse « en-chanté » entre des vies qui se recherchent, des amours qui se perdent, des regards qui se croisent. Encore une dernière étreinte, un joli au revoir et la pluie de paillettes enveloppe et efface tout. Le jeune public visé repart enchanter malgré ou à cause des sucreries qui lui rappelle la Nouvelle Star.
#Olivier Olgan
Où se jouent ces musicales de proximité ?
Drôle de Jam
Jusqu’au 30 janvier 23, les Lundis, 21h, Théâtre de L’Essaïon, 6, rue Pierre au lard, 75004 Paris
de et à la guitare Bruno Buijtenhuijs, collaboration artistique d’Agnes Boury Avec : Rachel Pignot (chant), Julie Costanza (chant), Franck Richard (Contrebasse), Geoffroy Boizard (Guitare)
Les Divalala, C’est Lalamour
Jusqu’au 23 mars 2023, les mardi à 19h30, certains dimanches à 17h30, Le grand point virgule, 8bis rue de l’arrivée
Avec Angélique Fridblatt, Gabrielle Laurens, Marion Lépine, Mise en scène : Freddy Viau. Direction musicale et Orchestration vocale : Raphaël Callandreau
Songe à la Douceur
d’après le roman de Clémentine Beauvais, Songe à la douceur (éditions Sarbacane)
mise en scène : Justine Heynemann – musique : Manuel Peskine, livret : Rachel Arditi, Clémentine Beauvais, Justine Heynemann, scénographie : Marie Hervé, costumes : Madeleine Lhopitallier, lumières Aleth Depeyre, chorégraphie : Alexandra Trovato et Patricia Delon
avec Manika Auxire ou Lucie Brunet, Rachel Arditi, Elisa Erka ou Charlotte Avias, Valérian Béhar-Bonnet, Manuel Peskine, Benjamin Siksou
jusqu’ au 30 décembre, Théâtre Paris-Villette, 211 Avenue Jean Jaurès, 75019 Paris,
puis en tournée :
- 13 janvier 23, Centre dramatique national de Sartrouville (78)
- 27 janvier, Théâtre de La Celle-saint-cloud (78)
- 10 mars, Théâtre d’Angoulême (16)
- 6 avril, Théâtre d’Agen (47).
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