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Portraits of Penhaligon’s ou le Downton Abbey olfactif

Auteur : Marie-Laure de Vienne
Article publié le 19 janvier 2019 à 22 h 52 min – Mis à jour le 24 janvier 2019 à 20 h 39 min

La mythique marque britannique Penhaligon’s développe depuis deux ans la ligne de parfums Portraits, où chaque fragrance désigne un caractère aristocratique haut en couleur, à l’instar des membres de la famille Crawley de Downton Abbey. Demandez Lord George, Lady Blanche ou The Coveted Duchess Rose, Monsieur Beauregard,.. So British !

Caractères de fiction ou rêves de nez, personnages éventés ou réminiscences imaginaires d’une société intemporelle, ancrée au fin fond du Devon ou du Yorkshire … les Portraits of Penhaligon’s captent l’essence, au sens propre et figuré de cette aristocratie britannique droit dans ses bottes, mais la tête dans les grandeurs passées : sont-ils aussi policés, éduqués, courtois qu’on a coutume de le dire ? Entre l’ordre social, l’humour, la provocation ; un parfumeur a eu, comme un showrunner de série, l’idée de développer une saga – olfactive – à l’accent et aux rites so british. Now let me spill the beans !!! (laissez-moi vous conter leurs petits secrets familiaux !!!)

Les acteurs très typés d’un conte olfactif très « upper class »

Les quatre premiers personnages à être sortis de leur grandiose manoir, Lord George et Lady Blanche, leur fille Duchess Rose et son époux The Duke plantent en septembre 2016 le décor.
Couronné d’une tête de cerf, Lord George est le roi de son domaine forestier : port altier pour cet homme puissant qui jamais ne dévoile le fond de ses pensées respectant avec fierté son pays et le précepte « never explain never complain ». Entre les harengs du petit déjeuner et le porto de l’après-dîner, il avoue juste une faiblesse pour les femmes ! Et son flacon de révéler une fragrance raffinée et très masculine, sensuelle sans la jouer ‘latin lover’. Alberto Morillas, son concepteur le dessine avec une fougère boisée ambrée avec des notes étonnantes de brandy, de savon à raser et de fève tonka.

Caractère bien trempé, Lady Blanche cache du feu sous ses soies liquides. Photo © DR

Statut social élevé pour son épouse, Lady Blanche, une femme à la silhouette de tigresse qui ondule dans la famille avec calme, résignation et mystère. Mais attention ‘qui s’y frotte s’y pique’ ; car comme Shakespeare l’avait prédit : « l’Enfer même est moins furieux qu’une femme méprisée ». Et une femme finit toujours par savoir et apprendre ! Seul un nez féminin, Daphné Bugey, pouvait traduire les méandres psychologiques de la vie de Lady Blanche. C’est un floral vert mais narcotique qui caractérise notre tigresse.

Dans la saga imaginée par Portraits of Penhaligon’s, demandez la Duchesse. Photo © DR

Quand Rose fuit en épousant The Duke…

Besoin vital d’échapper à la pesanteur familiale, leur fille Rose a fui en épousant – il ne faut tout de même pas quitter son rang – The Duke ; mais de ce mariage prometteur, la pauvrette a vite déchanté. Un mari perpétuellement retenu par ses amis, ses sorties mondaines et la vie est vite devenue terne ; alors que la généreuse poitrine de Rose rêve de faire sauter les lacets d’un corset somme toute très victorien. Sous les traits d’une louve jaillit un jus délicat de roses, de douces mandarines réveillé – allez savoir pourquoi – par des notes charnelles et sensuelles de bois et de musc. Ne vous fiez donc pas aux apparences : cette rose là n’est point mièvre.

Comique et charmant, mais rusé comme le renard de son flacon ; The Duke est un dandy décadent que seule sa passion pour le théâtre distrait. Il fait tomber tous les cœurs, mais pas uniquement celui des femmes en une ambivalence pénible pour son épouse. La transgression, le froid et le chaud, la nuit et le jour, le suave et le piquant caractérisent l’odeur de The Duke qui révèle une odeur mixte de rose envoûtante ultra épicée, de cuir tanné et de gin.

La prochaine figure est Flora, la cousine ingénue. Photo © DR

Amis et cousins nourrissent l’arc dramatique

Clara, la maîtresse de George qui sous ses airs nonchalants s’émancipe au volant d’un bolide, fume avec ses collègues. « My Goodness so shocking »… Mais Dieu merci, Clara n’est pas une Lady ! Le parfum de cette femme paon est un oriental sensuel autour de vanille rhum, de cannelle musc, de patchouli ambré. Représenté en lion, le fils caché de George et de Clara, Roaring Radcliff, profite de la vie sans les fardeaux d’un titre : quel bonheur de jouir de la liberté sans le poids du blason ! La fragrance invite au plaisir et à l’indépendance par sa douceur de l’alcool – le rhum -, son excès d’épices chaudes et sensuelles, son ivresse de tabac.
En 2017 et 2018, des amis se mêlent à la famille avec un français Monsieur Beauregard que nos bienveillants amis d’Outre Manche ont dessiné sous les traits d’un coq prétentieux ; une énigmatique comtesse Dorothea (une chouette) qui aime les scones et les jeunes garçons ; Sohan, un aigle révélateur d’un homme intelligent à l’œil perçant qui entend se construire une réputation ; Yasmine, une chatte persan qui pourrait paraître froide et distante mais dont les griffes sortent via le café brûlant et piquant qui s’associe aux fleurs du jus.
Plus de 13 personnages caractérisent cette assemblée familiale ultra contrastée et teintée de convenances et de bonnes manières, de liberté et d’audace. Et l’épopée n’est pas prête de finir avec l’arrivée annoncée en mars de l’ingénue cousine Flora, une sainte-n’y-touche avec un jus hespéridé aromatique et l’impudent cousin Matthew jamais présent au bon moment et apte à avaler toutes les couleuvres via une odeur citrus-boisée….

Penhaligon’s : une maison de parfums emblématique de l’Angleterre

Fin 19ème siècle, au royaume de la reine Victoria, boucs, bacchantes, glorieuses, illustres, barbes et autres moustaches sont ultra tendance, d’où l’ouverture d’une enseigne de barbier par William Henry Penhaligon, à Londres, sur Jermyn Street. En 1872, s’inspirant des bains turcs, qu’il affectionnait particulièrement, il crée sa première eau de toilette, Hammam Bouquet, qui existe toujours.
Et Penhaligon de poursuivre ses créations olfactives en imaginant des jus en référence à des lieux, à des souvenirs. Très vite W. H. Penhaligon crée des fragrances pour toute la noblesse britannique. La reine Victoria le nomme ‘barbier et parfumeur de la cour royale’, titre qui sera renouvelé à sa maison par tous les monarques ultérieurs.
1902 voit la création de Blenheim Bouquet, un jus imaginé pour le Duc de Marlborough qui deviendra le parfum préféré de Churchill, lui-même descendant de cette famille. Penhaligon’s s’honore d’être le fournisseur officiel de leurs altesses royales, le Duc d’Edimbourg, depuis 1956 et le Prince de Galles depuis 1988.
Dès 1970, la gamme des parfums et autres produits cosmétiques s’étend et conquiert les Etats Unis. Les jus sont l’œuvre de divers nez travaillant pour des maisons telles que Firmenich, Mane, Fragrance Ressources.

Un art de vivre délicieusement désuet

L’atmosphère dans une boutique de la maison Penhaligon’s est le reflet d’un art de vivre délicieusement désuet à l’anglaise : on se croirait être dans un bazar anachronique et rétro, une enseigne de barbier du 19ème. Et l’ensemble des jus révèle des colognes traditionnelles, des accords classiques autour de notes poudrées (Bluebell, Lily of the Valley, Violetta), des lavandes d’antan aux accents de mousse à raser. Mais rien de vieillot ou de « old fashion » dans ces produits là ; seulement le charme un peu suranné d’une Angleterre qu’on n’aimerait pas voir disparaître.

Impeccable mise en image et en flacon, du caractère tiré à 4 épingles, The Duke. Photo © DR

Un packaging inédit et non vintage

Beaucoup d’originalité et d’élégance dans le flacon : la forme de la bouteille est identique à tous les jus, lourde en verre mais épurée, ronde et sensuelle au toucher. Seul le capot diffère d’une fragrance à l’autre ; chaque tête incarnant la personnalité d’un membre de la famille. Ces capots sont en zamac ; ils ont polis individuellement et manuellement ; puis galvanisés à l’or.
Les dessins des coffrets sont créés par l’artiste islandaise Kristjana Williams, illustratrice diplômée de Central Saint Martins à Londres. En mêlant et entrelaçant des fragments de gravures victoriennes, elle crée et imagine des univers oniriques, des paysages magiques remplis de créatures chimériques et exotiques.

Donnez-moi Georges ! Le design du flacon est valorisé par un univers graphique très percutant. Photo © DR

Où trouver la saga olfactive Portraits de Penhaligon’s…

… aux Penhaligons’store parisiens…
-209 rue St Honoré – 75001
-34 rue des Francs Bourgeois – 75004

… sans oublier Harrods, qui a son personnage exclusif… so british !
-87-135 Brompton…

… aux Penhaligons’store parisiens…
-209 rue St Honoré – 75001
-34 rue des Francs Bourgeois – 75004

… sans oublier Harrods, qui a son personnage exclusif… so british !
-87-135 Brompton Rd, Knightsbridge, London SW1X 7XL (Royaume-Uni)

Quelques uns des 13 personnages ‘caractères’ de la saga olfactive Portraits of Penhaligon’s

  • The Tragedy of Lord George : aristocrate très à cheval sur sa réputation
  • The Revenge of Lady Blanche :  papillon mondain qui peut piquer cruellement 
  • Clandestine Clara,
  • Countess Dorothea,
  • Monsieur Beauregard,
  • Much Ado About The Duke : le jeune dandy
  • The Coveted Duchess Rose : la malheureuse femme délaissée du duc
  • Changing Constance », la soeur de Lady Blanche
  • The Blazing Mister Sam », le plus britannique des Américains épicurie

Prix : de 223 à 235 € le flacon de 75 ml.

Une iconographie originale pour une sage qui ne l’est pas moins. Photo © DR

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