Restaurant Polidor : une réminiscence du XIXe siècle
Auteur : ANNE BÉRIC LE GOFF Article publié le 26 novembre 2018 à 19 h 52 min – Mis à jour le 7 décembre 2018 à 11 h 59 min
Polidor est une survivance du Paris du XIXe siècle d’avant le Second Empire. Une sorte de restaurant estudiantin séculaire à la patine intacte déclinant avec une régularité de métronome une cuisine ménagère roborative qui tient au ventre les soirs d’hiver. Affaire de femmes – en tout cas en salle- pour un service plutôt rapide, efficace et cordial.
Intangible – presque ! – semainier. Le lundi boudin purée (11€), le mardi et le vendredi hachis parmentier (12€) grand moment ! , mercredi tripes à la mode de Caen (12€). Pour le jeudi, petit changement la saucisse aux lentilles a troqué son origine auvergnate contre une saucisse de Montbéliard (12€). Quant au week-end, c’est le gigot d’agneau flageolets (17€).
Dans l’ensemble, les assiettes sont copieuses. On en a pour son argent. La pintade fermière aux choux et aux lardons (15€) est sacrément goûteuse tout comme le saucisson lyonnais accompagné de pommes de terre tièdes (13 €). Encore que le pavé de veau (ci-dessous) servi dans une cocotte avec sa crème de morilles purée (21€) fasse belle impression. Même le baba à 4€ spongieux de rhum dans sa drôle de crème anglaise ne fait pas pâle figure.
Honnête carte des vins qui sont gentiment tarifés. Le «Vin du Polidor» est un costières de Nîmes de la maison à 16€ la bouteille, mais on peut tomber sur un beau Crozes Hermitage signé Laurent Combier à 38 €.
Pour rassurer le client sur le fait maison généralisé – à l’exception notable toutefois des frites McCain- un écran plat au fond de la salle diffuse parfois des images de la cuisine, du travail de la viande ou de la confection de la tarte aux pommes… Ecran plat bien anachronique si l’on songe que le Polidor abrite encore des WC turcs au fond de la cour. Survivance d’un vieux Paris à faire classer par Stéphane Bern, ce témoignage d’un âge d’or du quartier latin et qui ne fait pas peu pour sa réputation auprès des touristes étrangers. Las ! cette « turquerie » va bien disparaître un jour comme a disparu à la fin de l’été 2018 l’obligation de régler en liquide avec l’irruption du lecteur de carte de crédit…
Il n’empêche … pendant que les mandibules sont à leur office, les mirettes flânent le long d’un décor évocateur de ce lieu qui vit défiler selon les époques de futures gloires littéraires comme Joyce, Jaurès, Barrès, Verlaine, Valéry, Vian ou Hemingway.
Le meuble à casiers noirs (au fond de la première salle) qui, pendant tant d’années, a abrité les serviettes d’habitués est demeuré intact. Tout comme la grande salle de plus 120 places assises qui nous projette dans l’univers des bouillons du XIX° siècle.
Dommage que l’esprit bistrot convivial et familial ait un peu disparu. On retrouve encore parmi les touristes, quelques profs et étudiants égarés mais on est très loin de l’esprit bohème du Quartier Latin où l’on refaisait le monde. Ce n’est pas la faute du Polidor mais d’une époque où l’on mange les yeux rivés à son mobile…
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