Sarah Bernhardt, Frida Kahlo, Alice Guy, Céleste de Châteaubriand : quatre biopics qui décoiffent
L’extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt, texte et mise en scène de Géraldine Martineau

L’extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt, de Géraldine Martineau Th Palais Royal Photo Fabienne Rappeneau
Pour celle que l’on désignait, « l’impératrice du théâtre », « la scandaleuse ». ou « la divine », il fallait un spectacle non conformiste à sa démesure et surtout un récit débridé pour rendre justice à sa devise, « Quand-même ! ».
Mêlant jeux de lumières, projections vidéos d’archives, scènes de groupe, le pari est relevé haut la main par la troupe de 10 artistes, incarnant plus de 35 personnages menée tambour battant par Salma Bordes, auteure et metteure en scèbe de ce show Sara B.!
C’est même la succés de la rentrée qui se prolonge jusqu’au 26 janvier 25 au Théâtre du Palais-Royal. Ne ratez pas cet hommage à la grande Sara magniquement incarnée par Estelle Meyer, vous apprendrez aussi beaucoup je l’ai fait moi-même sur son panache et son engagement pour changer le regard sur les femmes. Lire plus par Olivier Olgan
Frida, texte et mise en scène de Paõla Duniaud

Frida, de Paõla Duniaud incarnée par Ana Lorvo (Manufacture des Abbesses)
Autre destin dont il n’est pas facile de séparer le mythe des faits, celui de Frida Kahlo, artiste peintre mexicaine hors ! Le spectacle écrit et mis en scène par Paõla Duniaud réussit une double gageure, ne pas sombrer dans le pathos d’un destin « de celle qui a passé toute sa vie à mourir » comme le fait dire l’auteure, garder le rythme d’une vie incandescente croquée par Carlos Fuentes : « Elle montrait à tous que la souffrance ne pouvait altérer ni sa maladie, ni épuiser la pluralité de son être. »
Véritable force de la nature, elle a su trouver la lumière et la faire briller dans la douleur et la désintégration. Un destin on ne peut plus dramatique dans lequel elle puisait sa joie de vivre.
Paõla Duniaud
Eclairant une narration chronologique très sobre (en dehors d’un prélude qui promet un joyeux tumulte !), le dispositif scénique grâce à un castelet à roulettes à la fois très simple et astucieux permet de faire vivre le kaléidoscope des lieux où Frida s’est à la fois épanouie, artistiquement, politiquement et intimement : des nombreuses hôpitaux à la Casa Azul, maison de ses parents qui devient aussi son atelier et le creuset de sa relation tumultueuse avec Diego Rivera !

Frida, de Paõla Duniaud met en scène 25 ans du couple Frida (Ana Lorvo) et Diego Ribera (Sacha Vučinić) Manufacture des Abbesses
Car si Sabrine Ben Njima, Thierry Mulot, et Paõla Duniaud incarnent une dizaine de personnages ; des parents aux médecins au chevet de Frida, en passant par Léon Trotski, c’est le couple explosif qui est à juste titre l’épicentre du récit d’une relation de 25 ans, aussi politique et esthétique qu’ épique!
Sacha Vucinic brosse un Diego Ribera tout en puissance et avidité à la fois amant et bourreau des cœurs, infidèle et aiguillon artistique, carrefour et accélérateur de leurs engagements politiques et nationalistes, surtout communiste. Face à l’ogre, Ana Lorvo dans le rôle de Frida est époustouflante de vérité, de justesse pour canaliser le feu intérieur qui brule son corps et consume son cœur.
Une ode à : « Viva la vida! »
Délaissant le mythe hypertrophié, c’est d’abord l’histoire d’une femme de son temps qui est brossé, avec cette modernité de ton et de mœurs qui en font l’icône actuelle : un art puisé dans les replis de ses souffrances et inspiré de sa culture mexica, un engagement politique en rupture avec le pouvoir en place, un amour déconstruit, une bisexualité assumée, … le cocktail enivrant d’une indépendance d’esprit et d’une pratique artistique décomplexée qui reste une inspiration pour les générations futures.
avec Ana Lorvo, Sacha Vučinić, Thierry Mulot, Sabrine ben Nijma, Daphné Dumons, et Paõla Duniaud
Jusqu’au 30 novembre 24, les Mercredi, Jeudi, Vendredi, Samedi à 19h, Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron, 75018 Paris, du mercredi au samedi à 19h
Alice Guy, Mademoiselle Cinéma, texte de Caroline Rainette et mise en scène avec Lennie Coindeaux
La statue d’Alice Guy fut une des icones de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques! Il était temps de réhabiliter ce destin artistique hors du commun, invisibilisé comme quasi toutes les artistes féminines. C’est pour cette pionnière du cinéma, réalisatrice, productrice à la tête de l’un des premiers studios hollywoodiens que Caroline Rainette a écrit et interprète « Alice Guy, Mademoiselle Cinéma ».
Alice Guy, Mademoiselle Cinéma, texte de Caroline Rainette (Funanbule Montparnasse) Photo luca lomazzi
Pionnière du cinéma, première femme cinéaste au monde, raconter la vie d’Alice Guy c’est aussi se pencher sur la condition des
femmes. Car dans un milieu masculin, Alice a évidemment dû se battre pour se faire, sinon aimer, du moins accepter.
Caroline Rainette
L’auteure comédienne nous plonge avec ses deux complices Lennie Coindeaux et Jérémie Hamon, dans la naissance plutôt difficile du 7e art – des deux cotés de l’Atlantique – pour croquer une véritable aventure technique et industrielle, artistique et personnelle. Une belle réussite bien troussée d’un théâtre populaire qui divertit autant qu’il instruit. Lire plus par pour Olivier Olgan
avec Caroline Rainette, Lennie Coindreaux et Jérémie Hamon,
Jusqu’au 10 décembre, Théâtre Le Funambule-Montmartre (Paris 18), les lundis et mardis à 19h ou 21h (en alternance, une semaine sur deux)
Un faune au crépuscule, Règlement de compte conjugal chez les Chateaubriand, texte et mise en scène, de Marc Delaruelle

Un faune au crépuscule, de Marc Delaruelle, avec Claude Mailhon et Patrice Ricci (Studio Hébertot) Photo DR
Personnalité méconnue à l’ombre d’un Géant, Marc Delaruelle, qui assure également la mise en scène de sa pièce, met en lumière Céleste de Chateaubriand (1774 – 1847) souvent mise de côté au profit des autres femmes de « L’Enchanteur », dont en premier lieu sa maîtresse historique Juliette Récamier.
L’autre bonne idée est d’avoir confié le rôle à Claude Mailhon. Elle est tout simplement prodigieuse dans les habits de l’épouse de l’auteur des Mémoires d’outre-tombe. La comédienne est habitée, elle est Céleste telle que l’on l’imagine au côté d’un François-René (Patrice Ricci) qui parait en contre-champ plus terne. Il ne nous paraît pas incarner avec suffisamment de force la figure du Héros romantique.
Nous sommes en 1828, chez le couple à Paris à l’Abbaye-aux-Bois. Le salon est meublé chichement. Chateaubriand a 50 ans – il va vivre encore 20 ans – et Céleste fatiguée des incessantes tromperies de son mari menace de le quitter. Une scène de ménage s‘ensuit.
Le texte de cette dispute bien troussé

Un faune au crépuscule, de Marc Delaruelle, avec Claude Mailhon et Patrice Ricci (Studio Hébertot) Photo DR
Les répliques fusent, de la verve, du rythme, malgré quelques incongruités de langage trop contemporaines et des erreurs historiques : Céleste menace son mari de divorcer sauf que…. le divorce a été abrogé depuis 1816.
Mais la dispute faute de recul finit par tourner en rond. Réduire le couple à leur aigreur réciproque, sans élargir et piocher dans la vie foisonnante de François-René, c’est oublier le rôle que joua Céleste dans l’œuvre de mon mari, notamment tenant salon et organisant des lectures de ses œuvres. Malgré ce regret, la pièce est plaisante.
On passe un bon moment, et c’est déjà beaucoup. Patricia de Figueiredo
avec Claude Mailhon et Patrice Ricci
jusqu’au 30 octobre 24, tous les mardis 21h et mercredi 19h, Studio Hébertot, 78 Boulevard des Batignolles – 75017 Paris. Tel 01 42 93 13 04