Voyages

Un automne au Jardin du Luxembourg, répertoire de rencontres florales et informelles

Auteur : Jean de Faultrier
Article publié le 15 janvier 2023

Carnet d’horizons « Les dernières feuilles tombent en dansant. Il faut une grande dose d’insensibilité pour faire face à l’automne. » (E.M. Cioran) A force d’y passer on croit le connaitre et oublie de le regarder. Le jardin du Luxembourg est, par excellence, un lieu de croisement tant le catalogue des rencontres probables et des circonstances possibles est ouvert à chacune des grilles que l’on franchit aux heures convenues. Jean de Faultrier en restitue la symphonie de couleurs au fil des rencontres florales en automne.

 

Un automne au Jardin.

Ce répertoire rutilant fait se succéder enfants et bateaux, touristes et chaises, sénateurs et bassin, jardiniers et statues, écrivains et fleurs, étudiants et guignol, promeneurs et tai-chi. Arrêtons-nous sur les fleurs justement, celles que l’automne est en train de sublimer dans leur explosion de couleurs et de formes.

Automne au Jardin du Luxembourg Photo Jean de Faultrier

Une reine veille avec ses sœurs de marbre drapées dans l’automne.

En monnaie de cuivre et d’or, Paris s’offre une vêture aux broderies lumineuses, le ciel arbore l’argent, le sable des allées s’ourle de débauche.

Automne au Jardin du Luxembourg Photo Jean de Faultrier

Rien ne peut arrêter une telle cascade de nuances.

Les vasques débordent et inondent les yeux d’excès, l’homme qui marche avec une canne le sait, la dame qui presse le pas est heureuse, l’étranger qui prend son éblouissement en photo s’en souviendra. Les chrysanthèmes sont des acteurs qui se chargent eux-mêmes de la mise en scène et des costumes. Le texte ? Il tient tout entier dans le regard, celui qui effleure la surface des pétales et s’évade jusqu’à atteindre un toit vers l’Odéon ou une tour vers Saint Sulpice.

Automne au Jardin du Luxembourg Photo Jean de Faultrier

Chaque vasque inciterait au dialogue éphémère en le temps et la saison.

Automne au Jardin du Luxembourg Photo Jean de Faultrier

Même flou, l’horizon derrière les fleurs peut être incandescent.

Le choix le plus difficile ? Ce n’est pas celui du chemin qui peut nous conduire soit vers Vaugirard soit vers l’Observatoire, c’est le choix de la chaise qui va nous proposer un instant suspendu, un repos sommaire (car le dossier est ferme, il faut le dire) ou une rêverie. Les plus jeunes s’embrassent, les moins jeunes pensent aux chaisières d’antan qui monnayaient jusqu’à 0,50 Francs les instants d’une halte sous le regard maternel de Catherine de Médicis, reine de France et de Navarre.

Automne au Jardin du Luxembourg Photo Jean de Faultrier

Des chaises qui ont pour nom « Luxembourg ».

A l’automne, le temps file, le ciel a rendez-vous avec la nuit, les grilles attendent le gardien qui les rendra à l’air libéré de tout passant avant de prendre ses quartiers nocturnes au bord du bassin ou de la fontaine. Le temps de croiser le regard du cerf qui brasse les feux du soir dans le feuillage au-dessus d’une biche et d’un faon effrayés, le chasseur ne les tuera pas ce soir, leur petite harde restera inapprochée en dépit du nom que le sculpteur a voulu lui donner.

La harde immobile attend que le promeneur s’éloigne. Photo Jean de Faultrier

La harde immobile attend que le promeneur s’éloigne.

Un coup de sifflet sonne la fin d’une récréation urbaine, une force centrifuge venue du bassin dont les voiliers et canots dorment en cale sèche éloigne les passants pailletés et strassés par des cascades de feuilles en feu, en quelques enjambées ils sont tous exfiltrés hors les grilles mais l’automne les attend au carrefour des rues, leur visage tendu vers le haut accroche un ultime vitrail de feuillages serti de tiédeur sur un fond de persiennes alanguies.

Automne au Jardin du Luxembourg Photo Jean de Faultrier

La façade des immeubles s’incline devant le brasier végétal.

Laissons le poète, qui veille sur le versant Auguste Comte du jardin, clôturer nos impressions :

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !

Charles Baudelaire, Harmonie du Soir

#Jean de Faultrier, Paris, Jardin du Luxembourg, fin octobre.

Plus de feuillets du Carnet d’horizons

Pour s’y rendre

Inutile de viser la lisière de Paris aujourd’hui, on est bien proche de l’extrême centre. Inutile peut-être aussi de préciser comment s’y rendre, sauf si l’on vient d’Oban ou de Cafayate. Privilégions le vélo ou le bus qui offriront à la vue toute l’approche par le Quartier Latin en particulier.
Notons malgré tout la gare RER (réseau B) qui fut longtemps le terminus de la ligne de Sceaux chantée par Julien Clerc dans « C’est mon espoir ».

En savoir plus sur le jardin du Luxembourg (via le Sénat)

« D’abord résidence princière et maintenant siège du Sénat de la République, le Palais du Luxembourg est, depuis près de quatre siècles, un lieu chargé d’histoire. Lassée du Louvre, la reine et régente Marie de Médicis, mère du jeune Louis XIII, achète en 1611 un vaste domaine en lisière de Paris. » (extrait)

A lire 

  • Les écrivains et le jardin du Luxembourg : d’Alphonse de Lamartine à Charles Péguy, découvrez plusieurs écrivains dans l’ordre chronologique de parution.
  • Le jardin du Luxembourg – Promenade historique et littéraire, de Dominique Jardillier, Flammarion, 2018, 112 p. remarquable Anthologie littéraire

 

A trois stations de métro de chez moi, le plus connu des jardins parisiens, « Le jardin du Luxembourg ». Comme tout jardin, il a des relents de paradis terrestre : « voici des fleurs, voici des fruits, etc. » On dit que les gens heureux n’ont pas d’histoire… Et pourtant, après avoir poussé les grilles de ce jardin très fameux, j’ai eu l’impression, jour après jour, de pénétrer dans un lieu très privé, très secret, un monde à part… J’ai franchi la porte d’un laboratoire où les arbres poussent dans des bocaux, j’ai vu des collections d’orchidées, des serres et des bouquets à faire pâlir d’envie les plus grands fleuristes, j’ai vu des palmiers en ballade… Contre les grilles du verger où l’on cultive encore plus de 500 espèces de pommes et de poires en voie de disparition, un écossais en kilt jouait de la cornemuse, tandis que les abeilles s’activaient dans la ruche… Pendant que dans le jardin on se promène, rêve, joue, ou se repose, une armée pacifique de JARDINIERS s’active sans relâche, sur la scène et dans les coulisses. En effet, ce jardin est le plus privé de tous les jardins publics puisqu’il appartient au Sénat. J’ai même rencontré le président Poher, qui, depuis plus de vingt ans, en est le vrai maître de maison, « le patron ». Dans ce jardin resté royal, au cœur de la cité, j’ai suivi ces « aristocrates » de l’agriculture que sont les jardiniers qui entretiennent et cultivent fleurs et traditions… Jardiniers à Paris, Jardiniers au Sénat, c’est vraiment un métier dont ils sont fiers. Trouver un petit coin de paradis par les temps qui courent, ce n’est pas si fréquent !
Joële van Effenterre, auteur d’un documentaire, Les Jardins du Luxembourg, 1991

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