Culture
Vermeer et son Faussaire (Contrescarpe) – Le dernier Vermeer, de Dan Friedkin
Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 12 juin 2024
Le falsificateur (qui crée à la manière de… en trompant les experts) en général, et Han van Meegeren, celui qui « inventa » des Vermeer en particulier, ne cessent de fasciner les curieux d’art. Sous forme d’une ‘Conférence théâtralisée’, François Barluet ouvre le dossier au Théâtre de la Contrescarpe jusqu’au 30 juin et n’hésite pas à convoquer van Meegeren (Benoît Gourley) pour une discussion vivante sur son parcours édifiant. Le cinéma n’est pas en reste, Le dernier Vermeer, de Dan Friedkin (2019) se concentre sur le procès (un peu trop) spectaculaire qui accuse van Meegeren d’avoir vendu un Vermeer à Goering. Deux occasions pour Olivier Olgan pour se frotter aux frontières volatiles de l’identité et de l’expertise en art.
Vermeer et son Faussaire, de et avec François Barluet (Contrescarpe)
Trépidante et vertigineuse Il ne faut pas se fier à la forme revendiquée de « conférence théâtralisée », sauf l’originalité du jeu de questions-réponses d’une dizaine de minutes qu’acceptent de bonne grâce les deux protagonistes avec le public à l’issu du spectacle.
François Barluet signe avec finesse un pièce bien documentée, bien construire et bien jouée qui répond aux fascinations du spectateur pour la multiplication des faux dans le marché de l’art. L’actualité ne cesse de se nourrir de ces changements d’attribution – non sans fracas – des signatures de maitre, au fur et à mesure que les progrès de la technique s’affine. Ainsi la présence de la bakélite, résine inventée en 1909, permet de trahir l’authenticité des tableaux de maîtres des siècles précédents.
Tout commence par la frustration (réelle) du directeur de la prestigieuse Collection Courtauld (jouée François Barluet) quand il apprend à l’occasion d’un prêt son « Entremetteuse » de Dirck van Baburen à l’exposition Vermeer du Louvre en 2017, que son tableau est un faux ! Dépité, il décide d’ouvrir le dossier des faux dans l’art. Au fil de ses premières émotions, il s’inquiète des méfaits des falsificateurs encore intacts sur toutes les cimaises des musées du monde. Et notamment ceux du plus célèbre d’entre eux, Han van Meegeren (1889-1947), celui trompa Goering qu’il convoque !
L’apparition de ce dernier jouée par un Benoît Gourley, onctueux et arrogant à souhait – et le dialogue qui s’ouvre sans concession – permet d’aborder la vie – voir l’édifiant destin – de ce falsificateur assumé. La confrontation – riches d’anecdotes, de références érudites – donne l’occasion de percer les secrets techniques (vieillissement, toile ancienne, pigments), de cerner les opportunités historiques qu’il a saisi pour se faire une place, tromper les experts, et s’enrichir, … L’ambiguïté est bien évidemment de mise dans ses motivations, mais son talent est indéniable pour brouiller les pistes et séduire soin audience. Et la part de mystères qui l’entoure, il ne répondra pas sur le nombre de ses toiles encore ‘en activité’ confirmées par les experts.
Déjà fasciné entre réalités et légendes du marché de l’art, le spectateur est plongé dans le vertige quand François Barluet n’hésite par à s’interroger sur l’authenticité de L’Astronome de Vermeer, jadis dans la collection Rothschild qui aurait pu faire l’objet d’une copie avant sa saisie par les Nazis et restitué après la 2e guerre par les Monuments Men après sa découverte dans une mine de sel … Il est « étonnant » qu’au lieu d’être intégré dans la prestigieuse exposition du Rijk Muséum de 2023, Le Louvre, désormais propriétaire, est choisi de l’exposer au Louvre Abu-Dhabi, loin des expertises…
L’histoire et la légende de van Meegeren est loin d’être close !
Le dernier Vermeer, de Dan Friedkin (2019)
Centré en pleine épuration sur le procès qui fit de Han van Meegeren un collaborateur des nazis en leur vendant un trésor national, le film de Dan Friedkin brosse le portrait d’un esthète arrogant et (très) ambigüe quant à ses motivations ; pouvoir de l’artiste non reconnu, frustration face aux experts, vengeance contre un monde de l’art aveuglé ou supercherie antinazie…. Il est bien incarné par Guy Pearce, acculé à se défendre pour ne pas risquer la prison à vie.
L’enquête à charge et au pas de charge menée par un héros très carré de la résistance hollandaise (Claes Bang) tient le spectateur en haleine avec les rebondissements nécessaires à la dramaturgie, même si ils s’écartent souvent des faits : Van Meegeren a été arrêté et ramené de France, la falsification n’a pas été révélée en plein procès, mais en prison,…
Malgré tout, la reconstitution est soignée et nourrie la légende du ‘prince des faussaires’ et la volatilité des « valeurs » en art.
Pour aller plus loin sur Vermeer et son faussaire
Jusqu’au 30 juin 2024, Vermeer et son Faussaire, les vendredis à 19h, les dimanches à 14h30, Théâtre de la Contrescarpe : 5, rue Blainville 75005 Paris – Tél. : + 33 1 42 01 81 88 – billetterie@theatredelacontrescarpe.fr
The Last Vermeer, de Dan Friedkin (2019), scénario de John Orloff, Mark Fergus et Hawk Ostby, adaptation du livre The Man Who Made Vermeers de Jonathan Lopez (2009), avec Guy Pearce, Claes Bang et Vicky Krieps
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