Culture
2023, une année de cinéma d'une diversité exemplaire pour Calisto Dobson
Auteur : Calisto Dobson
Article publié le 8 janvier 2024
Quoi de bon du coté de l’année cinématographique 2023 ? Une inflation de sorties cinématographiques de toutes sortes, un défilé sans fin de films sur tout support. Alors le cinéma est en crise paraît-il. Corrigez-moi si je me trompe, mais jamais il n’y a eu autant de productions diverses et variées (certaines avariées diriez-vous), à se mettre sous les mirettes.
Par facilité, par curiosité, par affinité, pour l’essentiel en salles, voici le carnet d’une année de cinéma rétrospectif et subjectif de Calisto Dobson ; parmi tout ce que notre cinéphile a pu voir, et retenir, il est toujours loisible de (se) poser la question : qu’est-ce qu’un bon film ? Mais la diversité autorise toutes les discussions.
Qu’est-ce qu’un bon film ?
Un film que nous avons aimé ? Un de ceux plébiscités par le public ou par la critique ? La question est fatale. Une des réponses les plus célèbres est certainement celle de John Ford qui est apparu cette année en caméo sous les traits de David Lynch dans le magnifique The Fabelmans du magicien Spielberg :
Un bon film c’est d’abord une bonne histoire, ensuite une bonne histoire et enfin une bonne histoire.
Steven Spielberg,The Fabelmans
Oui, mais pas forcément dans cet ordre.
aurait préciser Jean-Luc Godard.
Alors de bonnes histoires, il y en a toujours, sont-elles seulement suffisamment bien racontées.
Notre Agenda 2023
Respectons l’ordre de sortie, puisque ce qui nous paraît être un bon film aujourd’hui pourrait nous sembler mauvais demain et vice versa.
Pour débuter 2023, commençons par tricher avec Avatar 2 La Voie de l’eau, sorti le 14 décembre 2022. James Cameron nous projette ni plus ni moins dans le cinéma du futur. Au risque de paraître grincheux, il fallait bien un très grand écran et une 3D mirifique pour apprécier à sa juste valeur ce spectacle grandiose. Encore plus impressionnant que l’épisode du lancement d’une saga digne héritière des superproductions pionnières, La Voie de l’eau et sa déferlante titanesque redonne foi en la magie du cinématographe.
Babylon de Damien Chazelle
18 janvier 2023. Oui je sais, trop long pour certains, simplement trop pour d’autres, Babylon de Damien Chazelle en a laissé sur le carreau et n’a pas été le succès unanime attendu. Doté d’une Margot Robbie ébouriffante et d’un Brad Pitt au charme classieux, Babylon est parcouru de séquences d’anthologie, sa démesure est une lettre d’amour fou au cinéma de tous les genres. Le réalisateur de La La Land n’en finit pas de vouer une passion sans limite aux films tout en portant un regard mélancolique sur ce qui la motive.
Tàr, de Todd Field
25 janvier 2023. Todd Field n’avait jusqu’à présent que Little children comme long métrage à son actif. Un film de cinéma pour adultes consentants névrosés. Avec Tàr il déploie une prodigieuse toile contemporaine. L’élégance formelle du film au service de l’évocation de la chute d’une femme d’autorité en quête permanente d’excellence est une magnifique illustration de l’intelligence de sa mise en images pour une splendeur de cinéma d’aujourd’hui.
La Grande magie, de Noémie Lvovsky
8 février 2023. Noémie Lvovsky m’avait charmé avec Camille redouble en 2012, j’avoue j’ai raté le suivant Demain et les autres jours sorti en 2017. En revanche, son petit dernier La Grande magie mérite plus que ce qu’il a reçu. Adapté d’une pièce de théâtre italienne La Grande magia d’Eduardo de Filippo, Noémie Lvovsky réussit un grand petit film bourré d’une pétulante légèreté. Je le recommande vivement à ceux qui désespèrent d’un cinéma français sclérosé dans ses turpitudes existentielles
Ant-Man et la Guêpe : Quantumania de Peyton Reed
15 février 2023. Non je ne suis pas d’accord, Ant-Man et la Guêpe : Quantumania de Peyton Reed, n’est pas le ratage annoncé un peu partout. Vous voulez que nous parlions de The Flash ou encore mieux The Marvels ces deux bouses intergalactiques ? Bien sûr ce n’est pas non plus le film de super héros le plus réussi de l’année, (voir plus loin Les Gardiens de la Galaxie Volume 3 ou Spider-Man across the Spider-Verse), cependant visuellement magnifique, c’est drôle et bourré de pirouettes pyrotechniques qui ont ravi le petit garçon de dix ans qui est en moi.
The Fabelmans, de Steven Spielberg
22 février 2023. Et Steven Spielberg devient nostalgique. The Fabelmans, chronique inspirée de sa prime jeunesse, celle qui l’a clouée à une caméra, enchante et pince le cœur. Grandir c’est très certainement souffrir et se battre pour préserver sa part d’enfance. Avec pour point d’orgue sa rencontre avec l’un de ses maîtres John Ford dans une scène finale prise dans un chien et loup émotionnel; David Lynch incarne avec brio le plus célèbre borgne d’Hollywood.
Empire of light, de Sam Mendès
1er mars 2023. Sam Mendès fait partie de ces réalisateurs contemporains dignes de l’élégance des grands classiques du cinéma. Avec Empire of light, après Babylon et The Fabelmans, un hommage plus transversal est rendu à la force des films. En faisant d’une simple employée de salle de cinéma, une héroïne bouleversante incarnée par Olivia Colman avec la dignité d’une Deborah Kerr, le réalisateur d’American Beauty parvient à nous rappeler ce qu’est un beau film.
John Wick Chapitre 4, de Chad Stahelski
22 mars 2023.,Parfois les suites déçoivent, quelquefois elles semblent au contraire transcender ce qui les a motivées. Avec John Wick Chapitre 4, nous avons assisté à une démonstration de force bien sûr, celle qui démontre qu’il est toujours possible de mettre la barre plus haut. Pour les amateurs du genre, cet épisode (qui devait clore la saga, mais si réussi qu’un 5ème est en route), rut dans tous les brancards et pousse cette figure du comics contemporain dans ses derniers retranchements. Avec cette folie sur grand écran Chad Stahelski a produit l’une des grandes œuvres pop de l’année.
Donjons & Dragons : l’Honneur des Voleurs, de Jonathan Goldstein et John Francis Daley
12 avril 2023. Jonathan Goldstein (XII) et John Francis Daley, le duo qui avait commis Game Night, une comédie passable en 2018, s’est retrouvé à redorer l’honneur des voleurs, leur version de l’exploitation du jeu Donjons & Dragons avec le bien nommé Donjons & Dragons : l’Honneur des Voleurs est une réussite. Il fallait bien ça pour faire oublier les catastrophes industrielles Donjons & Dragons 1, 2 et 3. Du pur divertissement sans prétention et plein d’humour ce qui ne gâche rien.
Chien de la casse, de Jean-Baptiste Durand
19 avril 2023. Chien de la casse est un premier film qui emporte le morceau. Au casting un trio de choc, LA révélation de l’année Raphaël Quenard (que l’on a vu partout), la divine Galatea Bellugi (aussi dans La Fille d’Albino Rodrigue, voir plus loin) et enfin le magnétique Anthony Bajon pour évoquer une jeunesse d’aujourd’hui entre dérive, désenchantement et promesses à tenir. Je n’ai pas vu Le Ravissement qui vient de recevoir le Prix Louis Delluc du meilleur premier film, en revanche avec sa liberté de ton et la justesse de son point de vue, Jean-Baptiste Durand l’aurait à mon avis tout autant mérité.
Misanthrope, de Damián Szifron
26 avril 2023. Attention avec Misanthrope (To Catch a Killer en VO), nous tenons sans doute l’un des films le plus sous-estimé de l’année. Ce thriller de facture classique brille par l’intelligence de son scénario et de sa mise en scène. Damián Szifron nous avait percutés avec Les Nouveaux Sauvages, après quelques tergiversations il est revenu aux affaires et son film mérite la palme du meilleur passé à l’as. Dommage, rattrapez vous en VOD.
Les Gardiens de la Galaxie 3, de James Gunn
03 mai 2023. Je l’avoue, le deuxième épisode de la saga Les Gardiens de la Galaxie Vol.2 m’avait laissé sur ma faim. Faut dire que le premier m’avait tellement enthousiasmé qu’il était difficile de satisfaire mes attentes. Le troisième épisode a traversé bien des péripéties avant d’atterrir sur nos écrans. Entre la pandémie et une polémique envers James Gunn son réalisateur à la suite d’une ancienne série de tweets douteux, le film a failli ne jamais voir le jour. Du seul point de vue cinéphage c’eût été dommage. En effet 3 est le nombre magique, revenir aux sources en racontant les origines de Rocket, tout en multipliant les mises en avant de personnages secondaires est un pari gagnant. Les Gardiens de la Galaxie 3 retrouvent leur mojo et nous la banane.
La Fille d’Albino Rodrigue, de Christine Dory
10 mai 2023. Réalisatrice d’un des derniers films de Guillaume Depardieu (Les Inséparables en 2008), Christine Dory a mis 15 ans pour réaliser le suivant, La Fille d’Albino Rodrigue. Âpre et rugueux, ce deuxième long métrage avec la révélation Galatea Bellugi mérite toute notre attention. Une jeune fille placée en famille d’accueil revient chez elle pour des vacances. Sa mère (Émilie Dequenne pétrifiante à souhait), et son frère lui racontent que son père alors qu’il devait l’accueillir s’est volatilisé. De la relation particulière qu’elle a tissée avec ce dernier, elle va tirer un fil qui la fera douter de sa disparition. Armée d’une volonté farouche, sa quête la conduira vers son émancipation. Dur et poignant, ce film inspiré d’un fait divers, ne laisse pas indemne. Une des réussites du cinéma français de cette année dans ce qu’il a de plus admirable.
Spider-Man : Across The Spider-Verse, de Joaquim dos Santos, Kemp Powers et Justin Thompson
31 mai 2023. Après Les Gardiens de la Galaxie 3, le grand film Marvel de l’année est un film d’animation. Revenir aux sources visuelles du comics, voici la merveilleuse idée des aventures animées du jeune Miles Morales. Ce deuxième épisode Spider-Man : Across The Spider-Verse après Spider-Man : New Generation subjugue et surclasse son prédécesseur déjà sacré en son temps meilleur volet des aventures de Spider-Man de tous les temps. En plongeant leur jeune héros dans une série d’univers parallèle, le nouveau trio de réalisateurs Joaquim dos Santos, Kemp Powers et Justin Thompson ont réalisé un tour de force. Leur film est une œuvre d’art traversée d’une multitude de styles graphiques, nourrie de tout ce que charrie la pop culture contemporaine.
Indiana Jones et le Cadran de la Destinée, de Steven Spielberg
28 juin 2023. Attendu comme le Messie depuis une paye, comment ne pas citer Indiana Jones et le Cadran de la Destinée. Faisons fi des esprits chagrins, James Mangold en lieu et place de Steven Spielberg s’en est très bien tiré. Le film est virevoltant, Indy en a pris un coup dans l’aile et l’assume. Passablement grincheux, il nous émeut et sa pseudo nièce est prête à prendre le relais. Vous n’avez pas aimé ? Comme vous n’aviez pas aimé Le Crâne de Cristal ? Tant pis pour vous, votre cœur a sans doute des rides.
Mission : Impossible -Dead Reckoning Partie 1, de Christopher McQuarrie
12 juillet 2023. Tom Cruise l’infatigable a encore frappé. Mission : Impossible -Dead Reckoning Partie 1 est ravageur. Son association avec Christopher McQuarrie depuis trois épisodes semble lui avoir donné une deuxième jeunesse. Faut-il rappeler qu’il s’agit du scénariste du cultissime Usual Suspects et réalisateur d’une petite pépite chaudement recommandée intitulée Way of the Gun. Leur bonne entente a propulsé la saga Mission Impossible dans la stratosphère. Et cet opus en deux parties ne déroge pas à la règle. Paraît-il que le public l’aurait boudé. Pour nous autres vite la suite.
Oppenheimer, de Christopher Nolan
19 juillet 2023. Boum ! Le voilà le plus grand film de l’année. Avec Oppenheimer Christopher Nolan a fait de l’histoire de la gestation de la bombe A et de son créateur une passionnante introduction à la modernité. Tout est parfait dans ce film. Chaque plan est au cordeau, comme si de chacun d’entre eux dépendait l’équilibre général, la mise en scène accompagne le propos à la façon d’un costume sur mesure. Cillian Murphy trouve ici le rôle qui redéfinit sa carrière et faire passer un film de plus de trois heures en cinq minutes est un tour de force.
Barbie, de Greta Gerwig
19 juillet 2023. J’aime beaucoup Greta Gerwig, je suis très heureux de son succès. Sinon Barbie ? Franchement ? Pschitt.
En Eaux Très Troubles, de Jon Turteltaub
2 août 2023. Alors le premier fût une pochade amusante mais une pochade, nous sommes à peu près d’accord. Sauf que succès oblige, nous voilà avec Ben Wheatley (Kill List , Free Fire), aux manettes et ça change la donne. Certes Jon Turteltaub n’avait pas vraiment démérité avec En Eaux Troubles, mais la suite En Eaux Très Troubles est une sacrée surprise. Alors que pas grand monde n’attend autre chose que de s’en servir de prétexte à ingurgiter un méga seau de pop corn, il en sort un de ces projets délirants qui fait passer le premier épisode pour un documentaire animalier soporifique. Vous voilà prévenus, plaisir non coupable garanti.
Reality de Tina Satter
16 août 2023. Un de mes trésors cachés de cette année, Reality de Tina Satter ne dit rien de son nom et en dit tout. Le propos est d’une simplicité biblique. Il reprend au mot et au silence près l’interrogatoire de Reality Winner par le FBI le 3 juin 2017. Lanceuse d’alerte qui a défrayé la chronique après avoir fait fuiter des informations confidentielles qui prouvent une implication russe dans l’élection de Donald Trump. Montrer la réalité nue d’une intervention du FBI face à une jeune femme que rien ne permet de soupçonner. Ce petit bout de cinéma sans aucun effet de manche passionne.
Anatomie d’une Chute, de Justine Triet
23 août 2023. Le voilà le grand succès public ET critique de l’année, la palme d’or 2023 Anatomie d’une Chute, de Justine Triet a mis (polémique cannoise exceptée), tout le monde d’accord.
Tout en sobriété, une mise en scène maîtrisée nous captive de bout en bout pour une proposition de cinéma sans forfanterie qui nous invite à débattre avec nous-mêmes. Un peu à la façon de deux autres films de procès formidables de ces dernières années, Une Intime Conviction d’Antoine Raimbault et La Fille au Bracelet de Stéphane Demoustier.
Le Règne Animal, de Thomas Cailley
4 octobre 2023. Le Règne Animal de Thomas Cailley reste à mes yeux la réussite la plus originale de 2023. Après Les Combattants il y a déjà presque dix ans, Thomas Cailley a pris son temps pour nous offrir une bonne histoire bourrée d’allégories sans suffisance. Nichées au cœur de notre époque, toutes les questions que ce film pose le sont à même la trame de son déroulé.
Killers of the Flower Moon, de Martin Scorsese
18 octobre 2023. Martin Scorsese est un cinéaste majeur de notre temps. Son adaptation du livre somme de David Grann sur les tentatives d’appropriations des terres pétrolifères appartenant aux indiens Osages par les blancs dénonce une nouvelle fois la folie cupide nourrie de racisme de la société américaine soumise au dieu dollar. Killers of the Flower Moon est une fresque qui n’est pas sans rappeler La Porte du Paradis du regretté Michael Cimino en ce qu’elle pointe du doigt de la façon la plus catégorique le creuset de violence absolue sur lequel s’est bâti la nation américaine. Illustration de la célèbre phrase à l’origine controversée : « Les États-Unis sont le seul pays à être passé de la barbarie à la décadence sans jamais avoir connu la civilisation. »
Le Garçon et le Héron, de Hayao Miyazaki
1er novembre 2023. S’il existe des sortes de dieu parmi les artistes, Hayao Miyazaki pourrait bien en être l’un des plus grands représentants. Annoncé comme son testament, le très beau Le Vent se Lève en avait laissé certains sur leur faim. Sans doute, trop nostalgique, manquant de cette touche de merveilleux qui habite son (ses ?) univers. Avec Le Garçon et le Héron, le maître de l’animation japonaise nous ébouriffe à nouveau en adaptant à sa façon un classique de la littérature nippone Et Vous Comment Vivrez-Vous ? de Genzaburō Yoshino. Les mots se bousculent tant cet opus des studios Ghibli est fantasmagorique. Y plonger revient à suivre Alice non pas au fond d’un terrier mais aux confins d’un imaginaire proprement hallucinant.
L’Enlèvement, de Marco Bellocchio
1er novembre 2023. Marco Bellocchio réalise des films depuis plus de soixante ans. Constamment politique, son œuvre ne cesse de gratter au fond de la psyché de la société italienne. L’Enlèvement ne déroge pas à la règle puisqu’il s’inspire d’un fait authentique de la deuxième moitié du XIXème siècle. La captation par l’église catholique romaine d’un enfant né dans une famille juive pratiquante au prétexte que ce dernier aurait été clandestinement baptisé. L’acuité et l’élégance formelle du film dressent un miroir confondant de ce que l’aliénation à la religion peut produire de plus délirant aux conséquences dévastatrices.
Conann, de Bertrand Mandico
29 novembre 2023. Bertrand Mandico est certainement un de nos cinéastes actuels le plus difficile à appréhender. Depuis l’hallucinant Les Garçons Sauvages en passant par After Blue (Paradis Sale), il ne cesse de renverser la table des lois esthétiques. Avec Conann , il nous livre une version transfigurée du classique de l’heroic fantasy Conan le Barbare de Robert E. Howard, en son temps adapté par John Milius (co-scénariste d’Apocalypse Now entre autres), avec Arnold Schwarzenneger. En effet un casting exclusivement féminin (à l’exception d’un travesti), transfigure et dévisage le personnage du Cimmérien, en en faisant une allégorie féministe dans une déflagration picturale et scénographique. Ses influences singularisées par sa traversée du cinéma des origines qu’il soit de Méliès ou de l’expressionnisme allemand, en passant par Jérôme Bosch exorcisé par un imaginaire proche de ce que produisit Alejandro Jodorowsky, la folie de Fernando Arrabal ou encore Guy Maddin nous offrent une théâtralité baroque unique en son genre. L’univers de Mandico a ses exigences, parvenir à s’y arrimer n’est pas donné à tout le monde.
Winter Break, d’Alexander Payne
13 décembre 2023. Pour cet avant dernier film qui aura été le dernier pour moi, à la question posée en préambule : qu’est-ce qu’un bon film ? Cette bonne histoire nous en apporte une réponse. C’est en 1999, avec L’Arriviste qu’Alexander Payne s’est discrètement fait connaître par chez nous. Depuis il affine et affirme sa filmographie humaniste. De Monsieur Schmidt (Jack Nicholson parfait en veuf retraité amer), à Sideways (son grand succès public), jusqu’à The Descendants (George Clooney dans son rôle le plus émouvant), à Nebraska (Prix d’interprétation à Cannes en 2013 pour Bruce Dern) ou encore Downsizing, il n’a de cesse d’interroger notre humanité au travers de situations qui nous confrontent à nos propres limites et ambivalences. Son petit dernier Winter Break, ne déroge pas à son champ d’investigation.
Un brillant professeur d’histoire gréco-romaine d’un collège renommé détesté par ses élèves, moqué par ses pairs se retrouve en charge d’un collégien laissé pour compte pendant les fêtes de fin d’année. L’un comme l’autre vont apprendre à se découvrir en mêlant leurs travers.
Drôle, touchant, voire émouvant, ce substitut au fameux Cercle des poètes disparus est une des bonnes surprises de la fin de l’année 2023. L’action qui se déroule à l’aube des années 70 est parfaitement reconstituée dans des tons qui lorgnent sur le sépia. Un peu à la façon de photographies kodak de l’époque. La bande son idoine nous promène entre mélancolie nostalgique et poésie hivernale. Entre amertume et optimisme, Alexander Payne réussit magistralement à nous raconter une bonne histoire.
L’Innocence, de Hirokazu Kore-Eda
27 décembre 2023. Il faut toujours attendre les derniers jours de l’année, nous ne sommes pas à l’abri de croiser un grand film. Avec L’Innocence, Hirokazu Kore-Eda nous plonge au cœur de l’enfance, dans ce qu’elle a de plus brute. Au travers de différents regards, il nous expose plusieurs faisceaux d’un même conflit. Pointant du doigt la rigidité des adultes au sein d’une société japonaise encore corsetée, il nous démontre que porter un jugement est une affaire particulièrement délicate, chacun n’ayant qu’une partie des éléments à sa portée.
Cette histoire que nous pouvons qualifier d’amitié amoureuse entre deux jeunes garçons qui pour l’un n’ose pas se l’avouer et l’autre en subit l’ignorance brille par son intelligence. En détournant l’attention par la mise en avant du comportement d’un professeur accusé à tort; Kore-Eda poursuit et dénonce pas à pas la lâcheté et l’aveuglement du monde des adultes face à l’ingénuité de l’enfance incomprise et maltraitée. Un bain de fraîcheur proche de celui de L’Argent de poche de François Truffaut.