Culture
Le carnet de lecture de Jean-Michel Verneiges, Festival Abbaye de Saint-Michel en Thiérache
Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 10 juin 2022
Au sein de l’ADAMA pour le rayonnement culturel de l’Aisne, Jean-Michel Verneiges développe plusieurs projets au long cours, dont le Festival de Laon (34e édition en septembre) et le Festival de l’Abbaye de Saint-Michel en Thiérache. Le directeur artistique brosse les enjeux de sa 36e édition du 12 juin au 10 juillet 2022 au cœur d’un magnifique patrimoine faite de cinq dimanches aux journées thématiques bien remplies (entre deux et trois concerts) dédiées à la musique ancienne et baroque. Dés dimanche, L’éclat Napolitain, le 12 juin associe Provenzale à Alessandro Scarlatti, l’ensemble Marguerite Louise et Les Arts Florissants.
Le dimanche uniquement mais du matin jusqu’au soir
Une première initiative improbable en 1987 – un train partant de Paris un dimanche matin sous l’égide de France Musique a été le premier jalon pour révéler l’un des joyaux du patrimoine de l’Aisne tout juste restauré. “ Ce format du dimanche uniquement mais du matin jusqu’au soir est devenu l’atout marketing et la spécificité du Festival, non seulement structurante pour faire de la musique dans l’abbaye de Saint Michel en Thiérache, mais pour notre action dans le département de l’Aisne. Le partenariat avec France Musique, toujours d’actualité, a été au-delà puisque la présence du Philharmonique de Radio France au Festival de Laon en résulte » confie Jean-Michel Verneiges, son directeur.
S’appuyer sur un projet global
Dès 1992 grâce au soutien de la Fondation Orange, la programmation de musique ancienne et baroque s’est élargie autour du répertoire d’orgue. Pour atteindre sa vitesse de croisière : 5 dimanches consécutifs avec au moins deux concerts (11h30, 16h30) souvent trois (14h30), un déjeuner pour rencontrer les musiciens, le tout ficeler par une thématique cohérence par journée : comme par exemple L’éclat Napolitain, le 12 juin associant de Provenzale à Alessandro Scarlatti ou Un temps d’Histoires sacrées le 3 juillet de Carissimi à Charpentier où sont associés les meilleurs ensembles du moment.
Le cœur battant du mouvement baroque
L’équilibre entre la fidélisation du public (avec des ensembles récurrents, Les Arts Florissants, La Fenice, …) et un renouvellement (par de nouveaux ensembles, Marguerite Louise, Le Caravanserail, …) s’approche plus d’un « bricolage artisanal » que d’une science exacte, mais Jean-Michel Verneiges le maitrise parfaitement : « L’important est de s’appuyer sur un projet global : faire vivre des instruments dans le site autour de l’orgue. Les journées se construisent sans idée préconçue soit la mise en perspective de compositeurs (Carissimi et son élève Charpentier sous le thème ; soit autour d’un artiste par exemple Julien Chavin autour de Venise, Vivaldi et Monteverdi), …. Le partage avec les artistes est un avantage acquis » reconnait le patron de l’ADAMA qui en invite certains à des actions de sensibilisation à l’année.
L’enjeu du prolongement territorial
Le succès d’un festival de mesure a sa capacité à rayonner dans et hors de son territoire. « Certains de nos artistes programmés cette année sont déjà arrimés dans la saison 22-23 comme Benjamin Alard à Soisson en mars 23 ».
D’autres initiatives y contribuent aussi comme les concerts avec les musiciens professionnels (formateurs, enseignants) tout le long de l’année : « Fabio Bonizzoni participe activement à ses ateliers de musique ancienne produit par des musiciens locaux. Autre dispositif à l’année, les « scènes partagées » qui engagent un soliste comme Gaétan Jarry avec les professeurs des conservatoires du territoire. »
Le secret des actions de sensibilisation de l’Adama ?
« Pour réussir, rien ne doit être factice. Il faut sortir d’une logique du chiffre pour privilégier le partage artistique à hauteur d’archet. » glisse Jean-Michel Verneiges. Le défi de l’enracinement d’un festival dans son territoire s’appuie sur des musiciens qui plus que jamais doivent oublier la tentation de la tour d’ivoire.
Le carnet de lecture de Jean-Michel Verneiges
Rivales, Véronique Gens, Sandrine Piau, Julien Chauvin, Le Concert de la Loge (Alpha Classics, 22) Présenté et enregistré à l’Abbaye de Saint Michel l’année dernière, ce programme est doublement intéressant : il associe deux magnifiques cantatrices, Véronique Gens et Sandrine Piau qui s’inscrivent dans la rivalité de deux grandes cantatrices françaises: Madame Dugazon (1755-1821) et Madame Saint-Huberty (1756-1812). Et il met en valeut toute une musique du XVIIIe siècle méprisée où Gluck joue un rôle d’innovation considérable. Parmi ceux qu’il a inspire comme Monsigny, Edelmann, , De Persuis, Cherubini, Sacchini, Grétry et Dalayra, se retrouve Johann Christian Bach et le duo de La Clemenza di Scipione. Il est très étranger de découvrir que le fils Bach est plus rédevable à Gluck qu’à son père !
Rossi : La lyra d’Orfeo & Arpa Davidica, Christina Pluhar (Erato Warner, 19) Ce magnifique triple cd dont un a été enregistré à Saint Michel rend hommage à Luigi Rossi (1597-1653) injustement méconnu alors qu’il fut pourtant le plus grand représentant du premier baroque à Rome, une génération après Monteverdi. Le compositeur attitré des Médicis à Florence, puis du cardinal Barberini à Rome accepta la commande de Mazarin pour ce qui fut le premier opéra italien écrit spécifiquement pour la Cour de France. Christina Pluhar, entourée de ses chanteurs fétiches (Véronique Gens, Céline Scheen, Philippe Jaroussky, Jakub Jozef Orlinski, Valer Sabadus et Giuseppina Bridelli) apporte un nouvel éclairage sur une influence déterminante de l’art musical français au XVIIe siècle !
Bach : The Sonatas for Violin and Cembalo Obbligato (vol.1) Fabio Bonizzoni et Ryo Terakado (Challenge Classics, 22). Musicien très intelligent et claveciniste très race, Fabio Bonizzoni est venu pour la première fois à Saint Michel en 2004 pour jouer les Variations Golberg en exigeant de venir avec son propre instrument. Depuis il est venu sans discontinuer tout en s’investissant de plus en plus dans nos actions pédagogiques, avec une vraie aisance pour assumer son rôle de transmission et de partage avec les musiciens professionnels de la région.
Paris – Weimar, de Benjamin Alard (Récital le 10 juillet 22). L’organiste titulaire de l’église Saint-Louis en l’Ile à Paris propose un axe franco-germanique sur l’orgue historique Jean-Boizard (1714) de l’abbaye mêlant les styles et les couleurs, sous l’invocation de Bach. La circulation des hommes et des œuvres, de Muffat à Guilain en passant par Froberger, entre Salzburg, Paris et Vienne. De Bach lui-même, l’hommage à la musique française avec l’Aria emprunté à L’ Impériale de François Couperin, dont Benjamin Alard offre parallèlement sa transcription de La Sultane. Mais aussi avec la Pièce d’orgue, de la période de Weimar, aux trois mouvements titrés en Français. En apothéose, le point final du Livre d’orgue de Nicolas de Grigny, recopié par Bach en 1713, un an avant la construction de l’orgue de l’abbaye de Saint-Michel en Thiérache.
Salve, Gaétan Jarry, grand orgue et direction, Ensemble Marguerite Louise (concert 3 juillet 22). Un grand programme français inspiré par Marc Antoine Charpentier, cultivant sa double sensibilité française et italienne, nourrie par son séjour romain auprès de Carissimi. Un maître de la musique sacrée rompu au style concertant comme à certaines formules de l’opéra, mis au service d’une haute inspiration spirituelle. Un panorama des plus beaux motets, en alternance avec des Suites d’orgue françaises, dont le caractère liturgique n’abdique pas non plus les emprunts au monde instrumental et vocal profane.
Informations pratiques
Du 12 juin au 10 juillet 2022 , 36e édition du Festival de musique ancienne et baroque de l’Abbaye de Saint-Michel en Thiérache,
02830 Saint-Michel – Tél. : 03 23 58 23 74 – festival.saintmichel@laposte.net
voir la chaine youtube
en savoir plus sur les initiatives de l’ADAMA, Hôtel du département, rue Paul-Doumer, 02010 Laon cedex 3, Tél. : +33 3 23 24 60
dont le Festival de Laon (septembre – octobre 22)
Partager