Saviez-vous qu’il existe un label « Bon Bœuf Bourguignon » ? Créé par le éditeur et photographe Marc Combier et le restaurateur Gérard Allemandou, l’association L’Observatoire du Patrimoine Gourmand  récompense un établissement proposant un bœuf bourguignon selon deux versions, Tradition ou Variation. Dans la joyeuse équipe de gastronomes qui valorise la qualité d’une recette patrimoniale, Matthieu Aussudre est journaliste gastronomique (Fou de Pâtisserie, Le Fooding, …) et chercheur indépendant en histoire de l’alimentation. Il vient de publier Le bœuf bourguignon, petite histoire d’un grand plat (éditions Menu Fretin). Un petit mais précieux précis selon Patricia de Figueiredo pour tout savoir sur le plat le plus populaire de la cuisine française.

C’est en rencontrant Marc Combier, créateur du label « Bon Bœuf Bourguignon », bourguignon de souche, que Matthieu Aussudre, chercheur indépendant en histoire de l’alimentation s’est lancé dans une meilleure connaissance de ce plat : « Il fallait définir ce qu’était un bœuf bourguignon ; il m’a demandé de dresser une grille d’évaluation ; j’ai donc fait des recherches. »
L’idée du livre s’est confirmée avec le soutien de Laurent Séminel, des éditions Menu Fretin.

La chose la plus marquante dans l’histoire du bœuf bourguignon est qu’il n’a rien à voir avec la Bourgogne !

En fait, c’est à Paris qu’il se trouvera pour la première fois sur les cartes du Bouillon Duval, ancêtre de nos bouillons, fondé en 1854 par un boucher des Halles où il était servi des pot-au-feu à une clientèle ouvrière et petite bourgeoise.

Le bœuf bourguignon est donc plutôt né à Paris et pas en Bourgogne.
Matthieu Aussudre.

En effet, si des préparations à base de bœuf – daube notamment- existent avant, c’est en 1867 il apparait officiellement dans le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse.

Le Baca’v, le bistrot du chef Émile Cotte labélissé BBB pour sa Joue de bœuf braisée à la bourguignonne Photo Marc Combier

On évoque un pour la première fois un « bœuf bourguignon, sans donner plus d’information, si ce n’est qu’il s’agit d’un mets préparé au vin.

Il apparaît sur la carte du buffet de la gare de Dijon en 1905 et sur une carte géographique dessinée par le chef Alain Bourguignon (ça ne s’invente pas) en 1929 comme « spécialité gourmande de la région ».

Le plat est aussi un bon indicateur historique, économique et politique suivant son aura ou sa relégation parmi les plats emblématiques d’une époque.

Le restaurant El Sur à Paris 5e créé par Gonzalo Cruz, l’inventeur de la confiture de lait raffolait labélisé BBB Photo Marc Combier

Un précis complet et détaillé pour un plat

Tout est détaillé dans ce précis. Outre l’histoire du plat, les éléments qui le composent : la viande, les garnitures, le choix du vin, .. autant d’ingrédients qui servent aussi comme critère d’évaluation au Label Bon Boeuf Bourguignon.  Passionné, Matthieu Aussudre suggère des accords BB et vins, revient sur le meilleur récipient pour proposer aussi des recettes, dont celle du fameux Auguste Escoffier datant de 1903.

Synthèse d’un gros travail de documentation et de bibliographie, ce petit précis – qui tient toutes ses promesses –  fera le bonheur des curieux, des amoureux du bœuf bourguignon et plus généralement de la culture gastronomique.

Un label pour le respect du bœuf bourguignon

Les Antiquaires labélisé BBB Photo Marc Combier

Aujourd’hui, le BB revient sur le devant de la scène. Il fait en effet partie de ces plats soit disant « régressifs » pour certains gastronomes, mais surtout réconfortants qui font du bien aux papilles quand la recette valorise les ingrédients qualité dans une actualité stressante.  Pour maintenir la qualité de la recette, le Label BBB est né. Plus de 70 adresses ont été testés depuis 2018 par une trentaine de gastronomes bénévoles qui tournent suivant les lieux, 50 ont été labelisés!

Quand on demande à Matthieu Aussudre quels sont ses meilleurs souvenirs de testeur, deux adresses tiennent le haut du pavé : Le Café des Ministères dans le 7^e « un bœuf bourguignon très généreux, et techniquement parfaitement réalisé »
et Le Bistrot du Maquis avec le chef André Le Letty, « une sauce inoubliable, légèrement acidulée ».

Le BB du Bistrot du Maquis (Paris 18e) labelisé 2020 Photo Marc Combier

J’aime participer à ce projet, je suis un défenseur de l’exercice de critique gastronomique. Dans la plupart des cas, il y a consensus pour approuver ou rejeter l’impétrant, dans de rares cas seulement, nous avons connus de gros écarts de notes.

Patricia de Figueiredo, membre du jury du Label BBB

Le carnet de lecture de Matthieu Aussudre 

 La véritable histoire des pâtes, Luca Cesari, Buchet-Chastel, 2022.

 Un livre de fact-checking historique qui s’attaque aux légendes et aux anecdotes souvent fumeuses qui entourent l’histoire de plats de pâtes célèbres dans le monde entier. Luca Cesari, auteur gastronomique, charge dans ce livre les « gastropuristes » et s’attaque à une forme de roman national gastronomique italien avec un ton mordant, parfois volontairement provocateur, tout en étant rigoureux et sérieux sur le fond. Une manière originale de faire de l’histoire de l’alimentation qui m’a parfois inspiré lors de la rédaction de mon livre. 

Plats du jour, sur l’idée de nouveauté en cuisine, Bénédict Beaugé, Métaillé, 2013.

En 2013, j’ai pu faire un stage avec Bénédict Beaugé, alors mon professeur d’histoire de la cuisine à l’ISTHIA de Toulouse, qui était en pleine promotion pour son livre Plats du jour. Ce stage et cette rencontre ont changé ma vie et ont décidé définitivement mon orientation professionnelle. C’est probablement un des livres francophones les plus importants sur la cuisine de ces 15 dernières années qui donne énormément de clefs pour comprendre la cuisine contemporaine avec de nombreuses mises en perspective historiques. 

Un principe d’émotions, Pierre Gagnaire, Catherine Flohic, Argol, 2011.

Entre le livre d’entretien et la monographie, Un principe d’émotions est un ovni dans les livres de chefs, et c’est de loin mon préféré. Déjà parce que Pierre Gagnaire s’y livre franchement, et qu’on n’aborde jamais la cuisine d’un chef de cette manière : c’est à dire totale. Un document exceptionnel pour comprendre la cuisine de ce grand créateur.

La gastronomie est-elle une marchandise culturelle comme un autre ?, Julia Csergo, Menu Fretin, 2016.

Un essai brillant sur la patrimonialisation de l’alimentation et de la cuisine, qui propose une autre voie que celle que propose la France en la matière. Le livre a bientôt 10 ans et aborde pourtant une pluralité de thèmes qui sont très sensibles aujourd’hui : souveraineté alimentaire, défense du bien manger pour tous, uniformisation des goûts et des pratiques culturelles, etc. A remettre d’urgence sur toutes les tables de chevet.