Rabelais, Anouilh, Michalik, Barbier, Bouvier et Murillo : six conseils pour la rentrée théâtrale
Gargantua, de Rabelais, par Pierre-Olivier Mornas (Théâtre de Poche Montparnasse)
Bon pied bon œil, Gargantua sort des anthologies scolaires où il est cantonné pour s’incarner au Théâtre de Poche Montparnasse. Le héros paillard de François Rabelais se libère du carcan stérilisant de l’analyse littéraire (déjà avec Sainte Beuve !) pour libérer la force irrésistible de son verbe.
L’adaptation et le jeu de en extraient tout le jus goûtu et bio tant il est sans additif– oups plutôt la ‘substantifique moelle’ – tant les mots charrient une exubération réjouissante, loin d’être réduite à sa seule utopie humaniste. Il fallait oser face au kisch aseptisant très tendance. Pari tenu puisqu’il entame une nouvelle saison. Pour en savoir plus
Pauvre Bitos ou Le dîner de têtes, de Jean Anouilh, par Thierry Harcourt (Théâtre Hébertot)
Bien avant Le Diner de cons que Francis Weber a d’abord conçue pour le théâtre en 1993, Jean Anouilh avait écrit Pauvre Bitos ou Le diner de têtes en 1955 sur le même principe; un quidam n’est invité à une réception que pour être humilié. Sa création fit scandale pour sa violence féroce contre une Epuration hypocrite et lâche. Invisible depuis 1967, après son succès la saison dernière, Thierry Harcourt la reprend au Théâtre Hébertot du 11 octobre au 5 janvier 2025 et prouve que l’efficacité de cette farce noire et grinçante à souhait n’a rien perdu ni de sa force, ni de sa modernité contre la bêtise, surtout quand elle se pare de la vertu. Tous les Bitos du monde s’y retrouveront, parie Olivier Olgan et riront de la légende noire du cave qui se rebiffe, grâce à une distribution brillante menée par Maxime d’Aboville dans le rôle-titre ! Pour en savoir plus
Passeport, d’Alexis Michalik (Théâtre de la Renaissance)
Depuis Le Porteur d’histoires, crée en 2013 et joué dans le monde entier, Alexis Michalik cumule sans fausse note les triomphes; Le Cercle des Illusionnistes, Intramuros, Edmond, Une Histoire d’amour, Les Producteurs. Dernier en date, Passeport, joué au Théâtre de la Renaissance jusqu’au 5 janvier 2025, le romancier, dramaturge et metteur en scène bouscule avec empathie les stéréotypes sur la question sensible de l’immigration, et des réfugiés, qu’il dissèque à hauteur d’homme, souligne Patricia de Figueiredo, soutenue par une mise en scène au cordeau et la cohérence d’une troupe d’ acteurs caméléons à l’unisson. Pour en savoir plus
Le Tour du Théâtre en 80 minutes, de Christophe Barbier (Théâtre de Poche-Montparnasse)
« Quatre-vingts minutes pour comprendre qu’entrer en scène n’est pas une question de vie ou de mort : c’est beaucoup plus important ». Habitué du théâtre politique, Christophe Barbier reprend Le Tour du Théâtre en 80 minutes au Théâtre de Poche-Montparnasse jusqu’au 4 novembre 2024, le lundi à 21h. C’est avec une gourmandise communicative que le très médiatique journaliste troque son écharpe rouge pour le costume de bateleur de scène. Et il sait y faire ! De sa langue inimitable, il nous plonge dans le paradoxe du comédien, dévoile les liens entre théâtre, religion et politique. Il convainc brillamment Olivier Olgan que nous avons beaucoup à apprendre sur notre monde et nous-même du miroir – autant clairvoyant que réfléchi – que nous tend le théâtre. Pour en savoir plus
L’usage du monde, de Nicolas Bouvier, avec Samuel Labarthe (Théâtre de Poche)
S’il reconnait que le voyage n’est pas fait pour lui, non pas peur des autres, mais de leurs pratiques alimentaires, Patrice Gree aime les voyageurs et leurs récits. Dans ses évasions en fauteuil, le pantouflard assumé a beaucoup apprécié, L’usage du monde au Théâtre de Poche Montparnasse dans une mise en scène sobre, efficace et belle de Catherine Schaub. Samuel Labarthe incarne avec beaucoup de justesse et d’humour, l’écrivain voyageur Nicolas Bouvier qui écrivait :
On croit faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait.
Faites vite cette philosophie pénétrante du voyage se prolonge jusqu’au 17 novembre. Pour en savoir plus
Pauline & Carton, de et avec Christine Murillo (La Scala Provence)
Avec truculence, Christine Murillo reprend son hommage à Pauline Carton (1884 – 1974) mythique actrice populaire dans des seconds rôles de bonne, de concierge et de mégère non domestiquée. Pour Patrice Gree, elle ressuscite celle que Sacha Guitry appelait « ma bibliothèque ambulante » qui fut sa complice et réinvente Carton à la Scala Provence du 2 au 21 juillet (pour le reprendre ensuite pour une seconde saison du 22 septembre au 25 novembre à la Scala Paris). Son rire vous habite longtemps après le spectacle, gage de réussite sans autre prétention. Pour en savoir plus
L’équipe de Singular’s