Le Tour du Théâtre en 80 minutes, de Christophe Barbier (Théâtre de Poche-Montparnasse)

« Quatre-vingts minutes pour comprendre qu’entrer en scène n’est pas une question de vie ou de mort : c’est beaucoup plus important ». Habitué du théâtre politique, Christophe Barbier reprend Le Tour du Théâtre en 80 minutes au Théâtre de Poche-Montparnasse jusqu’au 4 novembre 2024, le lundi à 21h. C’est avec une gourmandise communicative que le très médiatique journaliste troque son écharpe rouge pour le costume de bateleur de scène. Et il sait y faire ! De sa langue inimitable, il nous plonge dans le paradoxe du comédien, dévoile les liens entre théâtre, religion et politique. Il convainc brillamment Olivier Olgan que nous avons beaucoup à apprendre sur notre monde et nous-même du miroir – autant clairvoyant que réfléchi – que nous tend le théâtre.

L’art de la comédie en général, et du comédien en particulier

Christophe Barbier vous prend par le col pour son Tour du théâtre en 80 minutes (Théâtre de Poche-Montparnasse) Photo Raphaëlle Gaillarde

Pendant que le spectateur pénètre dans la Petite Salle de Théâtre de Poche Montparnasse, Christophe Barbier est déjà à sa table de maquillage. Le temps que tous se placent, il achève de se préparer.

Le rituel de désincarnation pour incarner un autre personnage c’est le même depuis les Grecs, depuis 2500 ans. J’ai voulu raconter sur scène la traversée de cet océan qu’est une représentation théâtrale du maquillage jusqu’au rappel.

Dès la plongée au noir, le comédien grimé surgit tel un ressort de sa chaise dans son élégant costume de gentilhomme du XVIIe pour nous saisir au col. Pendant plus de 80 minutes, il ne nous lâchera pas d’un verbe gourmand de bons mots et d’anecdotes sur l’art de la comédie en général, et du comédien en particulier. Il parle vite, comme si sa vie en dépendait. D’une langue recherchée et souvent fleurie, il nous plonge en apnée dans sa passion de toujours. Avant même d’être journaliste, il avait créé sa troupe à 17 ans et à signé depuis une trentaine de mises en scène !

Je fais beaucoup de théâtre. C’est mon volcan intérieur. Je n’abandonnerai pour rien au monde le journalisme mais ma passion c’est le théâtre et toutes ses émotions.
Christophe Barbier, note d’intention

Traverser l’histoire

« Parcourir en une heure l’histoire du théâtre, c’est traverser l’histoire tout court » veut nous convaincre le boulimique. Et il y réussit tant il a de choses à dire et à transmettre ! Ce spectacle crée en 2017 puise dans son monumental Dictionnaire amoureux du Théâtre (Plon, 2015) Plus de 1200 pages qui lui permet un voyage fécond, que dire une épopée ! Et dans cette cavalcade qui croise Molière, Louis Jouvet, Dumas, Guitry, …  le hâbleur tantôt pétillant, tantôt caustique, est convainquant. Il connait son métier, pour nous faire rire d’une bonne formule mot dont il a le secret, ou nous charmer d’une astuce de professionnel, et même mine de rien nous faire réfléchir.

Christophe Barbier utilise tous les ressorts du comédien pour Le Tour du théâtre en 80 minutes (Théâtre de Poche-Montparnasse) Photo Raphaëlle Gaillarde

Le théâtre donne, à la politique, l’éternité ; la politique offre, au théâtre, l’incandescence. Sans théâtre, la politique est vaine ; sans politique, le théâtre est court.

Car, une fois tous les aspects du métier abordés – du trac au rappel, du paradoxe à la condition du comédien, l’homme à l’écharpe rouge des plateaux télés – d’ailleurs elle réapparait subrepticement sur ses épaules – nous confie, plutôt déploie, tant il y met du cœur et de la raison le grande conviction de sa vie ; « la Grande histoire du théâtre est indéfec­tiblement liée à la politique, tant le pouvoir et la comédie ont partie liée ». Le récit – d’Antigone à Anouilh – prend une autre couleur, toujours haletante pour « raconter l’histoire du théâtre en France, c’est tendre un miroir aux spectateurs. »
D’ailleurs, il sait aussi les impliquer, ravis de constater que le comédien tient tant à son public.

« Il n’y a pas de mot « fin » dans un dictionnaire, aucun rideau ne tombe dans l’histoire du théâtre. Que résonnent les trois coups ! Ils sont la preuve que mon cœur bat. »
Christophe Barbier, dernière ligne de la préface de son Dictionnaire amoureux du théâtre (Plon).

Nous sortons un peu sonné, mais nourri et porté de ce désir d’aimer et d’aller davantage au théâtre.

Olivier Olgan

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