Lifestyle

Maximum a l’art et la manière de réutiliser des déchets pour en faire des meubles

Auteur : Anne-Sophie Barreau
Article publié le 18 octobre 2024

(Pour un design éthique) Aujourd’hui, l’industrie rejette un tiers de sa production sous forme de rebus. Le coup de génie de Maximum, qui depuis 2015 fabrique des meubles exclusivement à partir de chutes de production, est de donner une seconde chance à la matière en quantité…comme en qualité : le surplus industriel est en effet considéré pour sa forme et pour toutes les propriétés acquises au cours du processus de production. « Un monde est à construire avec ce que nous mettons à la poubelle » dit Romée de la Bigne responsable du studio d’architecture spécialisé. Le co-fondateur de la marque, avec Basile de Gaulle et Armand Bernoud, revient pour Anne-Sophie Barreau sur l’esprit Maximum, et la différence fondamentale entre le recyclage et la réutilisation.

  

Maximum est une manufacture qui conçoit et fabrique du mobilier en série, à partir des pertes de matière générées par les industries françaises.
Depuis 2015, la marque pionnière de l’upcycling à l’échelle industrielle, a produit 7000 meubles et revalorisé plus de 100 tonnes de déchets.

D’où vous est venue l’idée de créer des meubles exclusivement à partir de chutes industrielles ?

Romée de la Bigne, Armand Bernoud et Basile De Gaulle, fondateur de Maximum copyright Maximum

En tout premier lieu, Maximum est une aventure collective. Nous sommes trois co-fondateurs : Basile de Gaulle et moi-même nous occupons de la partie création et production, et Armand Bernoud est en charge du volet commercial. Avec Basile, nous sommes de purs produits des écoles d’art françaises.  Nous nous sommes rencontrés sur les bancs de l’École nationale supérieure des arts décoratifs. Nous avons passé notre diplôme ensemble sur le thème du système D, soit cette capacité à solutionner un problème avec l’existant. Pendant nos études, nous nous sommes en effet pris de passion pour la matière.  Nous allions fouiller dans les poubelles du campus de Normal Sup où l’école est installée.
Un jour, nous sommes tombés sur des lots de tubes à essai, neufs, sous blister. On a tout de suite vu qu’en rentrant une tête de stylo dedans, on pouvait en faire un beau stylo. L’enseignement était double : non seulement, il était possible de faire des objets désirables avec ce qui était jeté, mais en outre, en raison de la quantité de ces tubes à essai – 4 ou 5 lots de 500 tubes -, l’expérience nous ouvrait les yeux sur l’ampleur du problème posé par un déchet non valorisé.

L’idée a germé que l’appareil industriel pouvait être un outil adéquat pour faire face à l’ampleur de ce problème. Nous avons lancé Maximum dès notre entrée dans la vie active.

Ce volume que vous trouvez a priori est donc conservé a posteriori

Absolument, mais il n’y a pas que le volume, c’est d’ailleurs la différence fondamentale entre le recyclage et la réutilisation.

Aujourd’hui, on ne parle que de recyclage, on pense que l’humanité sera sauvée si tout est recyclé. Il n’y a rien de plus faux. Le recyclage est souvent synonyme de destruction quasi totale de toutes les qualités présentes dans le déchet.

Prenons l’exemple d’une bouteille d’eau. Si elle est recyclée, tout le travail de soufflage, de volume, de finesse de la paroi maîtrisée au dixième de millimètre, et avec lui l’énergie utilisée, sont perdus. Tout cela pour arriver à des copeaux de polyéthylène qui vont eux-mêmes être transformés. Autrement dit, on est dans une dépense énergétique perpétuelle. Notre approche de designer est de considérer qu’il y a peut-être quelque chose à faire avec les qualités de cette bouteille.

Gravêne série de chaises fabriquée à partir des rebuts de A.Schulman spécialisée dans la coloration du polyéthylène copyright Maximum

Faire d’une contrainte un avantage

Billex, un tabouret fabriqué entièrement avec les broyats de billets de banque ratés par la Banque de France copyright Maximum

En somme, vous faites d’une contrainte un avantage

C’est tout à fait cela. J’aime beaucoup cette métaphore issue de l’Aïkido, ce sport de combat japonais, selon laquelle on essaye de retourner la force de l’adversaire contre lui-même. La matière grise est en fait beaucoup plus malléable et souple que la matière solide. Si on a besoin d’utiliser un matériau, le mieux est d’essayer de se demander pourquoi et comment on veut l’utiliser plutôt que de le transformer.

Dans la phase de conception, partez-vous de la forme du surplus industriel pour aller vers celle du meuble ou l’inverse ?

Il est difficile de répondre de façon simple à cette question, la méthodologie est assez complexe. En vérité, c’est un aller-retour permanent. Qui plus est, il est impossible d’écarter les considérations marketing. Nous créons une collection de meubles pour une cible bien déterminée.

Nous avons une feuille de route portant sur le déchet, ce qu’il a à offrir, mais aussi sur la fabrication elle-même, sur la façon dont on va pouvoir produire le meuble sans que ce soit trop couteux. Il y a une espèce de triptyque à respecter.

Bupo, un bureau fabriqué avec d’anciennes portes d’immeubles tertiaires copyright Maximum

L’inspiration scandinave semble être une ligne de force au sein de votre production

C’est tout à fait possible mais si c’est le cas, c’est inconscient. Nous avons déjà beaucoup à faire avec notre feuille de route, laquelle, encore une fois, est de proposer une marque de meubles cohérents à partir de déchets, qui plus est conçus facilement et de manière durable. Si nous parvenons à cet équilibre, par la force des choses, cela en effet produit une esthétique, mais c’est probablement ce que nous acceptons de maîtriser le moins !

D’où vient ce surplus industriel ?

Nous nous limitons aux frontières françaises pour des questions d’impact carbone évidentes. Le but n’est bien évidemment pas de faire traverser des déchets aller retour dans la France entière. Qui plus est, nous avons une logique de proximité. Nous privilégions d’abord les déchets disponibles en Ile-de-France. C’est par exemple le cas des portes issues des chantiers de déconstruction que nous transformons en bureaux.

Les banquettes Bultan sont des les barrières Vauban de la Préfecture de Police pliées  en 4 copyright Maximum.

Parlez-nous de l’endroit où vous êtes installés à Ivry-sur-Seine

Notre manufacture occupe un espace de 1300 m2, c’est beaucoup, mais nous commençons malgré tout à être à l’étroit, notre collection de meubles a en effet vocation à s’étendre. Qui plus est, nous sommes en train d’identifier les bâtiments susceptibles d’accueillir notre nouveau projet, « Tissium », qui consiste à fabriquer un  matériau à partir de matières textiles usagées et de poudre de peinture.

Les architectes constituent notre cœur de clientèle. Ce sont des interlocuteurs privilégiés à tous égards. Indépendamment du fait qu’ils sont nos principaux clients, ils sont aussi les professionnels les plus à même de comprendre les enjeux de Maximum.

Les platines de Polix réutilisent les rebuts broyés puis sur-expansés de Knauf Industrie copyright Maximum

Sur quels types de chantiers travaillez-vous avec les architectes ?

J’évoquais plus tôt l’exemple des bureaux.

Nous sommes en mesure de récupérer des portes dans le cadre d’un chantier de déconstruction, puis dans la phase de réaménagement de ce même chantier, de fournir des bureaux faits à partir de ces portes de chantier. Dans ce cas, on est dans un circuit court total.

Mais nous sommes aussi en mesure d’offrir une solution pour le déchet en série. D’une part, parce que nous produisons nous mêmes en série avec une matière qui conserve exactement les mêmes qualités. D’autre part, parce que nous avons mis en place un studio d’architecture, « Maximum Architecture », lequel étudie en particulier les déchets dits « exceptionnels ».

Projet Papillon est la revalorisation de la chenille du Centre Pompidou copyright Maximum Architecture

A cet égard, notre chantier le plus emblématique est celui de la réhabilitation des escalators et de la chenille du Centre Pompidou. Les verres courbes qui constituaient le tube étaient disponibles. Grâce au souhait d’un client de proposer des salles de réunion pour le siège social de son entreprise à Saint-Ouen, nous avons pu revaloriser un tiers de la chenille sous la forme d’un immense ruban de verre qui serpentait et faisait des salles en se repliant sur lui même.

Projet Papillon utile la chenille du Centre Pompidou pour des structures de bureaux copyright Maximum

De beaux déchets

Maximum revalorise décidément bien plus que de la matière…

Clavex est une table entièrement fabriquée à partir de matériaux issus de bennes des partenaires copyright Maximum

Énormément de choses invisibles sont présentes dans le déchet. Par exemple, quand on utilise des échafaudages pour faire la structure de notre table Clavex, ce que nous revalorisons, tout autant que l’acier et le travail nécessaire pour réaliser cet échafaudage – les découpes laser, la galvanisation, les soudures -, c’est aussi la technicité, les mois de travail d’ingénierie qui ont été nécessaires…

Quand nous avons emménagé à Ivry-sur-Seine, le bâtiment était en mauvais état, nous avons dû faire des travaux et n’avons utilisé que des déchets. Pour les toilettes par exemple, nous avons utilisé les anciennes portes de douches du campus de CentraleSupelec. Pendant le chantier, j’ai pris une photo que j’ai publiée sur Instagram. Une étudiante l’a vue et a interpellé un de ses anciens camarades : « Regarde, ce sont les portes de douches de notre campus ! ».  En plus de ce que je viens de nommer, il y a donc aussi l’attachement émotionnel, la valeur patrimoniale illustrée à l’extrême par le cas du verre courbe de la chenille du Centre Pompidou.

Les déchets, en particulier ceux qui ne sont pas issus de chutes de production, sont comme des éponges, exactement comme les objets. Ils ont capté des instants de vie, de l’émotion…J’ai coutume de dire qu’il faut être fou pour mettre un déchet à la poubelle.

Anne-Sophie Barreau

Plus sur Maximum

le site de Maximumles magasins où trouver le mobilier crée avec la réutilisation de déchets industriels

Maximum architecture,  studio d’architecture, de design et de scénographie qui puise toute sa matière première dans les bennes du BTP et des industries

Partager

Articles similaires

Confection artisanale et éco-responsabilité : le pari réussi des Bougies de Léa

Voir l'article

La facture instrumentale joue la carte du bois local grâce à l’ITEMM

Voir l'article

Pour la tenue des Volontaires des JO, le réseau Résilience conjugue mode inclusive et design éthique

Voir l'article

Courbet, la maison de joaillerie éco-responsable de la Place Vendôme

Voir l'article