Culture
Le Carnet de lecture de Stéphanie Huang, violoncelliste, Musique à Deauville
De Schumann à Kaija Saariaho : les prochains concerts sont une magnifique synthèse de l’ampleur et de la diversité de Stéphanie Huang ; la violoncelliste interprète Richard Strauss avec la pépinière collective Musique à Deauville, le 13 avril. La Lauréate du Concours musical international Reine Elisabeth de Belgique 2022 investit ensuite les grands Concertos de son répertoire: Schumann, avec l’Orchestre de la Fondation Arthur Grumiaux le 19, l’admirable Sept Papillons pour violoncelle seul, de Kaija Saariaho le 30 avec l’Orchestre de Paris à la Philhar de Paris, enfin la redécouverte de Marie Jaëll, avec l’Orchestre Lamoureux le 17 mai à la Salle Gaveau.
Cette « Gén4 Deauville » qui a tout d’une grande pour Olivier Olgan incarne bien la relève.
Une artiste bien née
Sa biographie en témoigne : Stéphanie Huang est née d’abord dans une famille de musiciens, qui l’engage dans la musique dès son plus jeune âge. Bonne picohe ! Elle remporte un premier Prix au Concours Dexia et fait ses débuts à l’âge de douze ans au Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles dans les Variations sur un thème rococo de Tchaïkovski. Pratiquement dans la même salle, quelques années après, elle est Lauréate du Concours musical international Reine Elisabeth de Belgique 2022 où elle remporte également les deux prix du public (le prix Canvas-Klara et le prix Musiq3).

Stéphanie Huang à Musique à Deauville 2023 photo Yannick Coupannec
Une « Gén4 Deauville »
Parmi ses engagements, la jeune lauréate cooptée intègre le collectif de Musique à Deauville en 2023 et revient en 2024. Elle trouve ses marques dans cette pépinière où quatre générations de musiciens se côtoient pour partager ensemble des répertoires, et un incubateur de programmes que l’on créé nul par ailleurs. Elle partage et se fond dans cette « éthique collective musicale » qui soude depuis 29 ans des générations de musiciens que son cofondateur Yves Petit de Voize définit si bien :
À Deauville, chaque génération coopte toujours la suivante, dans le même désir de partage, de complicité et d’évolution musicale que. Pour nombre de ces jeunes musiciens, Musique à Deauville offre l’opportunité tant attendue de jouer, souvent pour la première fois en public, la majorité des œuvres programmées.
Une musicalité de réconciliation
En juin 2024, elle remporte le concours au poste de premier violoncelle solo de l’Orchestre de Paris, intégrant la formation en janvier 2025. Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre sa carrière en soliste et musique de chambre comme en témoignent ses prochains concerts, le concerto de Schumann, avec l’Orchestre de la Fondation Arthur Grumiaux le 19 mai, ou le concerto de Marie Jaëll, avec l’Orchestre Lamoureux le 17 mai.

Stéphanie Huang violoncelliste photo Caroline Doutre Festival Nouveaux Horizons 2022
Arracher les partitions du convenu ou de l’oubli
Sa musicalité ? Savoir concilier des qualités souvent contradictoires : la souplesse et la rigueur, le sens de la mélancolie et le refus de la facilité, le goût de la couleur et la recherche de l’harmonie. Avec seul ou des complices, la musicienne démontre que des pépites restent toujours à pêcher dans le cours de l’histoire, qu’il suffit d’y plonger son instrument. Le vif plaisir qu’elle y prend devient le nôtre jusqu’à l’émerveillement surtout quand elle les dynamite du son profond de son violoncelle Jean-Baptiste Vuillaume généreusement prêté par le Fonds de Dotation Adelus.
L’éthique du sens
Chaque détail d’une partition est mis en lumière avec justesse et discrétion, amour et rigueur. Elle cristallise une compréhension, une modestie aussi, pétrie d’humanité et d’imperfection. Elle nous fait penser à l’éthique d’un des grands maîtres de son instrument, Anner Bylsma:
« Ils n’éblouissent pas l’amateur par un glorieux fantasme ; ils réconfortent avec une image authentique, une reflet réel. La justesse, c’est bien. La vérité, c’est encore mieux. »
La traque est infinie Miss Huang!
Mais vous avez les bonnes voiles pardons les bonne cordes pour mener votre instrument très loin!
Le Carnet de lecture de Stéphanie Huang
Wagner – Tristan et Iseult, Prélude de l’acte 1
On sent la puissance du désespoir, la puissance de ce malheur certain, de ce destin inéluctable mais avec cette pointe d’espoir à chaque fois. Ce prélude m’émeut, les harmonies me donnent les larmes aux yeux, tout ce jeu de leitmotivs qui se suivent et s’entremêlent… je ne m’en lasserai jamais.
Brahms
Mon compositeur préféré. Un des rares compositeurs dont j’aime la quasi-totalité des œuvres. Sa musique est sophistiquée, profonde, émotionnelle. Les deux sonates pour violoncelle sont des chefs d’œuvres et sa musique de chambre me fait vibrer. J’ai joué pour la première fois son quintette à cordes op. 111 en août 2023 à l’Août Musical de Deauville, c’était un rêve de petite fille de jouer cette œuvre !
Violoncelliste préférés
Yo-Yo Ma : Violoncelliste incroyable, humain incroyable et radieux, un modèle pour moi.
Gary Hoffman: Violoncelliste authentique, le jeu le plus honnête et pur qui existe à mes yeux (oreilles).
Maurice Gendron: Violoncelliste du 20e siècle qui me touche particulièrement. Son sens du phrasé, sa sonorité, son vibrato… je déguste avec bonheur chacune de ses interprétations.
Les Quatre Filles du docteur March, de Louisa May Alcott
Un livre que j’ai lu plusieurs fois dans mon enfance et qui a été une source d’inspiration, en montrant différentes possibilités de destin de jeunes filles, de sœurs, de femmes qui ont grandi ensemble et qui suivent chacune leur voie, leurs envies, et leur ambition. Un livre rempli de très belles histoires d’amour également…
Inception, de Christopher Nolan
J’adore les films de Christopher Nolan, je trouve que c’est un très grand réalisateur. Certes, il me faut à chaque fois plusieurs visionnages pour comprendre ses films car ils sont toujours assez complexes dans leur rapport au temps. Mais je les trouve fascinants d’imagination. Inception me fait un peu penser à la société actuelle, car à travers les médias et Internet, on manipule notre subconscient à coup d’images, de publicités, de milliers d’autres moyens pour nous insuffler des besoins ou des idées. Nous pensons qu’elles viennent de nous-mêmes….
Mais la plupart du temps, nous sommes les victimes de tout un système de manipulation informatique générée par des algorithmes dont personne ne comprend le fonctionnement.
Metropolitan Museum: la collection d’art d’Egypte Antique
Je suis allée à New York l’année dernière pour la première fois, et j’ai visité cette partie du MOMA. Fascinant de voir ce que l’homme était et accomplissait entre 300 000 avant Jésus Christ jusqu’au IVe siècle après JC.
Fascinant dans notre monde actuel où nous ne faisons plus grand chose avec nos mains de voir tout ce que l’homme a été capable de créer et de construire pendant des millénaires… et de réfléchir à tout ce que nous avons ainsi perdu et gagné depuis.
Et de voir un temple égyptien datant de 15 avant JC de mes propres yeux, cela a été une expérience très marquante.
Auteur de l'article

Pour suivre Stéphanie Huang
Le site de Stéphanie Huang
13 avril, 16h30 – Richard Strauss (1864-1949) Sextuor deCapriccio pour deux violons, deux altos et deux violoncelles (1941) et Métamorphoses TrV 290 arrangement de Rudolf Leopold pour septuor à cordes, Musique à Deauville complétés par la Sonate pour violon et piano op. 18,
19 avril – Schumann, Cello Concerto, Orchestre de la Fondation Arthur Grumiaux, Mont-sur-Marchienne
30 avril – Kaija Saariaho, Sept Papillons pour violoncelle seul, Orchestre de Paris, Philharmonie de Paris
17 mai – Marie Jaëll, Concerto pour violoncelle et orchestre en ré mineur, La Muse et le Poète, Orchestre Lamoureux, Salle Gaveau, Paris
06 juin, avec Emmanuel Coppey, Arthur Hinnewinkel, Fondation Singer-Polignac
09 juillet, Ravel Trio & La Truite avec Fedor Rudin, Manuel Vioque-Judde, Lorraine Campet, Adam Laloum, Festival Musiques Vivantes, Vichy
du 12 au 26 avril, 29e Musique à Deauville, Salle Élie de Brignac-Arqana. Année après année, le Festival de Pâques de Deauville tient l’exigence de son « éthique du collectif musicale » définie il y a presque 30 ans par les musiciens fondateurs réunis par Renaud Capuçon et Yves Petit de Voize en 1997; celle d’ un creuset de partages et de transmission entre générations de musiciens, mais d’ouvrir la curiosité d’un public de « mélomanes actifs ».
L’écosystème vertueux – grâce au soutien indéfectible de la ville, de son maire Philippe Augier et du Groupe Barrère – repose sur une double dynamique : mettre le pied à l’étrier à de jeunes artistes cooptées pour jouer, cadrés sur scène par de jeunes « anciens« , investir des formats et des répertoires pour des programmes inédits comme en témoigne encore celui de l’édition 2025 que seule la résidence collective permet de préparer et jouer sur scène. En savoir plus par Olivier Olgan
La programmation a suivre sur la radio B•concerts et sur B.Records
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