Culture
Irina Ionesco photographies 1970–1980 (Galeries Rachel Hardouin & La Lison)
Fallait-il exposer Irina Ionesco sulfureuse et désinhibée ?
Rachel Hardouin et Valérie Dufour de la Galerie La Lison qui effeuillent jusqu’au 6 mai son œuvre centrée sur la décénnie 1970-1980 le revendiquent: pour le vertige d’une sensualité théâtralisée où le rêve et la réalité, Eros et Thanatos fusionnent, et pour l’authenticité de sa pratique projetant les ambivalences d’un archétype féminin (enfin) puissant et libre, qui inspirera les stylistes des 80′: d’ Yves Saint-Laurent à Thierry Mugler. A vous de faire votre opinion pour Olivier Olgan sur cette femme sans filtre dangereuse assurément !
Entre la réalité d’une enfance complexe et le miroir d’une vie rêvée
La vie pour le moins chahutée (1930-2022) à haute fragmentation d’émotions et d’effets collatéraux, de provocations et de projection de l’iconographie féminine est déja un roman. « La plus parisienne des Roumaines » est née à Paris en 1930 dans une famille incestueuse interlope. Elle devient danseuse, plus précisément charmeuse de serpents, dans un contexte forain itinérant à travers l’Europe, à la veille et durant la seconde guerre mondiale.

Irina Ionesco photographe complexe, portrait par Christine Spengler
La photographie comme exutoire et construction.
Il suffira de lui mettre un appareil dans les mains – un Nikon F offert par Corneille, fondateur du mouvement Cobra – pour lui ouvrir des mondes sans limites en termes d’imaginaire et de souffre sur les troubles de la féminité. Avec son côté sombre, insoutenable, désormais inacceptable par nos sociétés, les clichés de sa fille dés 4 ans qu’elle vend sous le manteau. Et son coté trouble, très loin de la banalisation actuelle du sensuel et du charnel, Irina creuse son regard de femme sur les femmes. Une féminité ambivalente, puissante et assumée. Une mise à nue aussi sous le fard de la théâtralité éclaire a révolution féministe à la lueur d’une bougie, d’une fenêtre ouverte sur la Porte Dorée
Dorée, une révolution empreinte de mélancolie et de liberté. Irina Ionesco pose les fondamentaux de l’imaginaire de la femme puissante et libre, frontale ouabandonnée, sensuelle ou frivole pour les grands de ce monde.
Rachel Hardouin

Irina Ionesco, 1970 – 1980 photos de la galerie REFLEX à Amsterdam, 2016 photo Irina Ionesco
Des limbes du monde slave et baroque
L’immortalité, le japonisme, l’orientalisme, le fétichisme, l’Eros et le Thanatos, le monde de l’enfance, les jeux de poupées, les masques vénitiens, les miroirs, les tentures, les accessoires disparates tels que le samovar, la menorah, une fleur funéraire en céramique, un tournesol en plastique, des dentelles de Calais et de Caudry, des tentures dorées que l’on imagine en Jacquard, du papier psychédélique, une affiche de cinéma forment un décor éclectique.
Rachel Hardouin

Irina Ionesco, 1970 – 1980 photos de la galerie REFLEX à Amsterdam, 2016 photo Irina Ionesco
Une photographe visionnaire et singulière sur la femme
Dans le clair-obscur de sa petite chambre, la photographe met en scène Fafa, Jacqueline, Isis, Natacha, Silvia,… muses issues de tous les milieux qu’elle fréquente pour mieux en croquer les ragilités humaines, les dialectiques trompeuses de la gloire et de l’oubli, la dureté des rapport de force, atténués par la tendresse, la complicité, les récits et les échanges intimes.
Ses photographies déplacent, ouvrent les miroirs du réél, charrient des mondes, vécus et traversés, avec ses influences multiples. Elles saisissent les ambivalences du désir et de l’effroi, de l’érotisme et du macabre, libérant une tension intacte donnant l’impression au regardeur qu’il entre toujours par effraction dans le lieu de la création.
Entre l’Éros et le Thanatos

Irina Ionesco, 1970 – 1980 photos de la galerie REFLEX à Amsterdam, 2016 photo Irina Ionesco
Chère au Surréalisme à la différence près que la femme est ici actrice, cette juxtaposition explore le caractère fugace du désir et la fascination pour le macabre, une manière de sublimer la peur de la mort par l’art et la beauté. Provocante qu’elle réinvente au gré de ses mises en scènes fulgurantes et fugaces. Vie et mort, beauté et déclin, désir et peur, sacré et profane, son esthétique entraine le coté obscur de nos imaginaires. Parfois vers le pire.
Fleurs, masques, crânes et drapés, bijoux gothiques et poupées,… ces symboles ne représentent pas uniquement la mort physique, mais aussi des thèmes liés à la transgression, à l’érotisme, à la fragilité de l’existence et le passage du temps. Les modèles semblent parfois « immortalisés », comme des figures au seuil de la vie et de l’au-delà. (…)
La mort n’est-elle pas aussi un symbole de transition ? Un passage d’un état à un autre, un passage d’une vie à une autre ? En liant la thématique de la mort à des éléments sensuels et du monde du théâtre, Irina Ionesco semble explorer les cycles de destruction et de renaissance.
Valérie Dufour, commissaire Galerie La Lison

Irina Ionesco, 1970 – 1980 photos de la galerie REFLEX à Amsterdam, 2016 photo Irina Ionesco
Une féminité projétée
Frontale ou abandonnée, sensuelle ou frivole, oscillant entre poupées et divas, entre icones et sujets, ses sujets se parent de mystère et de sensualité, jouant à la fois la vulnérabilité et la souveraineté. Ces poses lascives, étudiées comme des chorégraphies, sont des actes de pure théâtralité, où l’érotisme devient un langage scénique. Une mise à nue troublante qui a inspiré la femme des années 80, de Grace Jones à Jerry Hall et les syltistes comme la campagne d’Opium d’Yves Saint Laurent lancée en 1977.
Loin des modes et des diktats
L’oeuvre d’Irina, plaidoyer pour des fantômes, est une oeuvre à miroirs, où l’autre devient son miroir et son double ; une perte de miroir de la mère disparue. Au-delà d’une quête identitaire, photographier des femmes a permis à Irina cette illusion suprême de réinventer à l’infini, au travers de mises en scène fabuleuses, le contour de la mère disparue et de faire d’un « monde horrible, un monde merveilleux ».
Gisèle Barrier, Immortelle Vampirina (extraits)

Mise en place des photos d’Irina Ionesco, 1970 – 1980 à la Galerie Rachel Hardouin
Fallait-il s’interdire d’exposer cette Immortelle Vampirina, trouble et fascinante, insaisissable, hors temps, sincère « en quête » d’elle-même ? Il est temps de faire la part du monstre et du merveilleux.
Auteur de l'article

Pour aller plus loin sur Irina Ionesco
Galerie Rachel Hardouin – du mardi au samedi de 10h à 19h
15, rue Martel 75010 Paris – interphone « 15martel » 4e en entrant à gauche + – Tél. : +33 6 60 22 50 14
Galerie La Lison, – du jeudi au samedi de 10h à 19h
5, rue Pierre Chausson 75010 Paris – Tél. : +33 1 44 59 68 20
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