Culture
3 jeunes virtuoses pour aimer le jazz (IV) : Christian Sands, Yaron Herman et Joey Alexander
Auteur : Ezéchiel Le Guay
Article publié le 2 juillet 2020
Duke Ellington (1899-1974), John Coltrane (1926-1967) ou encore Miles Davis (1926-1991) : les partitions de ces géants continuent de faire autorité. Les musiciens actuels les prennent comme référence et de s’en inspirent. Christian Sands (1989), Joey Alexander (2003) et Yaron Herman (1981) poursuivent cette tradition de transmission patrimoniale. Le jazz a des racines qui ne cessent de donner de nouveaux fruits.
Christian Sands, Moanin’
Certains musiciens ont du mal à communiquer avec le public. Leur musique est trop opaque et ils n’ont aucune aptitude particulière à occuper la scène. Christian Sands (1989), c’est tout l’inverse. Ce pianiste américain, qui a pris ses premières leçons de piano à 4 ans, pourrait faire danser toute une salle grâce à ses improvisations endiablées. Son jeu plein d’énergie et de vie fait beaucoup penser à celui de Monty Alexander (né en 1944). Ce jeune artiste a d’ailleurs été finaliste du prestigieux American Pianist Association Award catégorie Jazz et il fait aujourd’hui partie des artistes Steinway.
Dans Moanin’, enregistré live, le trio orchestré par Christian Sands commence tout doucement. Au début, il distille le swing grâce au motif très rythmé répété par la contrebasse. Progressivement, le piano et la batterie se mettent à l’accompagner. L’intensité monte peu à peu. Au moment de prendre la main (2:25), Christian Sands est d’abord sur la retenue, il n’en dit pas trop. Son improvisation accélère ensuite et le public commence à se manifester (4:24). L’auditeur est suspendu à ses doigts, à son inventivité, à sa fugacité. À la douzième minute, la salle se met à applaudir en rythme, point d’orgue de sa montée en puissance. C’est grandiose.
Joey Alexander, My Favorite Things
Commencer le piano à 6 ans, recevoir son premier cours à 8 ans, sortir son premier album à 11 ans et devenir par la même occasion le musicien le plus jeune à être nominé aux Grammy Awards. Voilà le parcours musical d’une des plus grandes stars montantes du jazz actuel. Cette star, c’est Joey Alexander, il est indonésien, il vient d’avoir 17 ans (25 juin) et en est déjà à son sixième album.
My Favorite Things est issu de son premier album. Son style est à la fois naissant et affirmé. Il n’a pas encore le recul pour savoir qui il est musicalement, il manque d’expérience pour avoir un style vraiment véritablement déterminé. Mais, il montre une grande assurance et une immense maturité musicale. Souvent, les musiciens inexpérimentés s’enferment dans leur bulle, trop focalisé sur leur jeu en oubliant d’écouter les autres musiciens. Joey développe son propre jeu tout en se montrant très attentif à la contrebasse qui l’accompagne. Il parvient à créer un véritable dialogue avec elle. Sa technique est aussi largement au rendez-vous. À ce propos, il ne tombe pas dans l’écueil du jeune musicien qui cherche à impressionner et qui se sert de la musique pour mettre en lumière sa vélocité. Au contraire, il garde une certaine retenue, n’en dit pas trop et ne cherche pas la démonstration de force.
Yaron Herman, Jerusalem of Gold
Yaron Herman, né en 1981, fait aussi partie des pianistes ayant connu une progression spectaculaire. Jusqu’à ses 16 ans, il ne pratique pas la musique, il a même pour ambition de devenir basketteur professionnel. Mais, blessé lors d’un match, il ne peut plus jouer et doit un autre passe-temps. Ses parents lui trouvent un des meilleurs professeurs de Tel Aviv, Opher Brayer. Cette rencontre avec l’instrument et le professeur marque un tournant dans sa vie. En plus de la pratique musicale, ce professeur met l’accent sur la psychologie et la philosophie. Cela ouvre des portes à Yaron Herman qui peut alors pleinement développer sa technique et son style. Sa créativité peut alors pleinement s’exprimer. Cette méthodologie l’emmène loin puisqu’il obtient le Prix Frank Ténot de la révélation instrumentale française de l’année 2008.
Son premier album en solo, Variations, piano solo sorti en 2006, reprend des morceaux connus, dont cette chanson populaire israélienne Jerusalem of Gold.
En la réinterprétant à sa manière, il montre toute la grande délicatesse de son jeu. Il nous propose ici une musique lyrique et pleine d’inventivité qui ne tombe pas dans le sentimentalisme.
Références discographiques
- Christian Sands, Take One, 2014
- Joey Alexander, My Favorite Things, 2015
- Yaron Herman, Variations, piano solo, 2006
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