Culture
Guilhem Fabre, un pianiste en mouvement, du camion-scène d'uNopia au Studio Hébertot
Auteur : Jean de Faultrier
Article publié le 24 avril 2023
« Rien n’est si rare qu’un esprit qui marche dans une route nouvelle » (Voltaire). Comme en écho à sa chronique « Arrêt sur route, arrêt sur image », le 5éme tournée d’uNopia (du 18 juin au 16 septembre 2023) conçue et animée par le pianiste Guilhem Fabre propose littéralement des ‘concerts sur route’ pour jeter de son camion-scène une passerelle entre les notes et les villages de France. Pour Jean de Faultrier « associer dans une même phrase les mots camion et notes, relève de la chimère ou du fabuleux », que le musicien transforme en rencontres de proximité bien réelles.
Ecouter la voie.
Qualifier d’asphaltique une démarche musicale, associer dans une même phrase les mots camion et notes, sitôt le moteur arrêté ouvrir un piano à queue sous des frondaisons agitées par un vent étonné, tout cela pourrait relever de la chimère ou du fabuleux. C’est en fait une magie bien réelle ainsi qu’un instant démultiplié par la grâce d’une volonté plurielle et de rêves pratiques que Guilhem Fabre a su conjuguer en mettant en œuvre et en scène l’itinérance théoriquement incertaine du piano de concert.
Sans faire preuve de démagogie, en reconnaissant donc le fait que cette musique demande une initiation ou un coup de foudre, mais aussi en fuyant l’élitisme et les a priori de classes, je revendique l’idée de l’utopie telle que l’avait pensée Thomas More au 16ème siècle.
Son livre, Utopia, était à la fois un récit de voyage et le projet rationnel d’établissement d’une société idéale. Il s’agissait donc pour lui d’élargir le champ du possible littéraire et politique, faisons-le, en musique !
Guilhen Fabre, Pourquoi uNopia?
L’itinérance ouverte du camion-scène
Le but de l’association uNopia est d’organiser des concerts de musique classique itinérants dans un camion qui quitte sa vêture mécanique le temps de devenir une scène ouverte sur la nature ou la place d’un village en faisant fi des distances et des frontières. Il est ainsi possible de vivre de l’intérieur d’un espace au destin insoupçonné un dialogue essentiel entre ceux et celles qu’un choix géographique éloignerait de la culture et ceux qui en sont les porteurs de vie et de sens.
Un manifeste pour une culture de proximité
Guilhem Fabre est intimement convaincu que « la musique doit se déployer, et cela ne dépend pas de la salle dans laquelle elle a lieu. Cela dépend plutôt d’un cadre particulier, en pleine nature par exemple comme je le fais avec le camion ».
Et il joint un geste expressif à sa parole, son jeu déploie toute l’énergie généreuse que sous-tend une démarche humaniste.
Aux antipodes du sédentaire.
Associant cartes et partitions, mouvements et déplacements, Guilhem Fabre harmonise des territoires et des caractères, à l’image du disque édité par 1001 Notes en janvier dernier qu’il consacre avec éloquence et éclat à Bach/Rachmaninov.
A noter d’ailleurs le signe typographique choisi pour relier les deux compositeurs sur le livret, non pas une copule usuelle comme « et » ou un signe elliptique comme « – » mais bien une barre oblique « / » qui marque l’ouverture au possible.
Oui, Bach/Rachmaninov réunis sous la ferveur des doigts voyageurs du pianiste qui surmonte l’écueil du temps qui les séparerait et des cultures qui les différencieraient. Il y a tout au long de ce magnifique disque une pressante intensité véritablement corrélative à l’image plus féconde qu’audacieuse parce qu’elle transporte celle ou celui qui écoute au cœur même de ce qu’il est possible d’entendre.
La bienveillance du rapprochement
Guilhem ne se contente pas de rapprocher son piano des autres, il offre aux autres d’approcher le sens voulu par ceux dont il se fait l’interprète pour eux.
Poursuivons l’exercice de l’autocitation pour rappeler l’évocation, en marge d’une chronique sur Gavin Bryars publiée par Singulars le 2 novembre 2022, de la prodigieuse interprétation offerte au public de la salle Cortot par Guilhem Fabre en duo avec son camarade Tanguy de Williencourt de l’œuvre de Jean-Pierre Armanet « Twins », pièce pour deux pianos en sept scènes pleines d’une énergie expressive et d’une émotion abondante traduites avec bonheur par les deux pianistes.
Des lieux traversants
Il est de ces lieux qui nous font exister quand ils sont la scène où convergent des émotions, des étonnements, des élans et la joie, tout simplement. Si émaux, porcelaine et vitraux donnent encore à Limoges un rayonnement qui déborde des frontières établies, la démarche de 1001 Notes apporte avec son festival qui s’y tiendra du 25 au 29 juillet 2023 des nuances à voir et à entendre aussi précieuses que la céramique d’art la plus aboutie.
Guilhem Fabre y sera en concert en ouverture le 25 juillet 2023 à 18 heures autour d’un programme alliant à son piano voyageur le chœur féminin Music Chain for Ukraine, alliant aussi sa virtuosité à la force aérienne des voix. Bach, Debussy, Rachmaninov seront de la partie avec également des chants traditionnels ukrainiens, en somme un programme qui défie les limites de ces frontières que nous croyons établies.
De la magie des routes extérieures à l’introspection des planches du théâtre
Peu après, Guilhem Fabre sera à l’affiche de Dernières notes, un seul en scène écrit par Michel Mollard autour de la vie de Romain Rolland et de la dernière sonate pour piano de Beethoven où il incarne Rolland et joue la 32ème sonate opus 111. Pas moins de trente-deux représentations entre le 31 août et le 22 octobre (Studio Hébertot – Paris 17ème, du jeudi au dimanche).
La paix […] est descendue sur l’Arietta de l’op. 111, qu’elle remplit. Jamais Beethoven n’a réalisé, ne réalisera plus désormais, sa plénitude, avec une aussi simple majesté. C’est une heure de sa vie que j’appellerai Goethéenne : la plus proche de la calme maîtrise et de l’ordre classique de son grand modèle, le vieux Apollon de Weimar.
Romain Rolland, sur l’opus 111, de Beethoven
Pour aller plus loin avec Guilhem Fabre
Aller plus loin, effectivement, c’est toujours le cas avec Guilhem Fabre.
Couronné d’un premier prix du CNSM de Paris, son parcours compte des mentors prestigieux (Muraro, Bourgès-Manoury, Pennetier), des horizons planétaires (Maroc, Portugal, Russie, Taïwan) et des présences aussi variées ou variables qu’en soliste et en chambriste. Il dépasse également le cadre pourtant large de la musique pour parcourir avec bonheur la scène théâtrale ou le plateau cinématographique. Et c’est bien sa singulière démarche uNopia qui démontre qu’il ne s’enferme jamais dans un lieu unique. Et il rend chaque lieu unique…
Notamment avec son camion transporteur d’un Yamaha comme un écrin porte un diamant, le pianiste continuera d’être sur la route encore
Le site de Guilhem Fabre
Discographie (non-)sélective
- Bach/Rachmaninov – 1001 Notes, Janvier 2023.
Agenda
- 26 Mai : Madame Pylinska ou le secret de Chopin de et avec Éric-Emmanuel Schmitt, Espace Louis Simon de Gaillard (74) –
- 15 juin : Trio n°7 pour violon, violoncelle et piano, op.97 « Archiduc », avec Myrtille Hetzel et Rachel Givelet, Festival Bruit , Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie (Bois de Vincennes)
La 5e tournée uNopia du 18 juin au 16 septembre 2023, avec ses différents spectacles
« Elle » : « Le texte, écrit et joué par le comédien François Michonneau, explore avec humour et poésie le mystère et le pouvoir de la musique. 30 minutes avant de monter sur scène, un pianiste voit sa vie défiler et s’interroge : « que peut la musique ? »
- 18 juin, au festival les Semeurs du Val d’amour dans le Jura.
- 25 juin, à Saint Martin sur Ocre (Loiret)
- 8 juillet, au festival « Champs Libres» à Saint Chély d’Apcher (Lozère).
- 30 juin, au festival « par les Sons qui Courent » à Venasque (Vaucluse).
- 4 et 5 août, au festival « la Nuit des Ours» à Chamonix (Haute Savoie)
- 27 août, à Saint Romans de Codières (Gard).
« Raise your Standards » est une série de concerts pédagogiques retraçant l’histoire du jazz à travers ses « hits », ses compositeurs emblématiques et autres interprètes de génie mais surtout la subjectivité tout à fait assumée de Colotis Zoé, comédienne, musicienne et chanteuse du groupe électro-jazz Caravan Palace.
- 29 juin, au festival « par les Sons qui Courent » à Saint Didier (Vaucluse).
« Ze little big musique », spectacle clown et musique : Guilhem Fabre, grand pianiste, 1,94m, joue des œuvres sublimes. Emma la clown l’assiste : c’est elle qui prépare la scène, époussette le piano (avec interdiction formelle de l’accorder), fait le café dans la cabine du camion (avec interdiction absolue de le conduire), cire les chaussures du concertiste
- du 20 au 23 juillet, au festival « Chalon dans la rue» à Chalon sur Saône (Saône et Loire).
En récital
- 22 juin : Piano en soliste à Privas (Ardèche).
- 27 juin : Récital en soliste à Saint Hippolyte du fort (Gard) en soutien aux réfugiés.
- 28 juin : Récital en soliste au festival « par les Sons qui Courent » à Pernes les Fontaines (Vaucluse).
- 1er juillet : « Le Carnaval des animaux » où il sera toujours en compagnie de François Michonneau et avec le Trip Zadig au festival « par les Sons qui Courent» au Beaucet (Vaucluse).
- 2 juillet : Concert du Trio Zadig au festival « par les Sons qui Courent» à Pernes les Fontaines (Vaucluse).
- 12 juillet : Récital en soliste à Magnas (Gers).
- 31 juillet : Récital en soliste à Jausiers (Alpes de Haute Provence).
- 1er août : Récital en soliste à Vars (Hautes Alpes).
En rentrée de la Saison 23-24
- du 31 août au 22 octobre, Dernières notes, un seul en scène écrit par Michel Mollard autour de la vie de Romain Rolland où le pianiste incarne Rolland et joue l’Opus 111, 32ème Sonate de Beethoven, (Studio Hébertot – Paris 17ème, du jeudi 19h au dimanche)
- le 26 novembre, un prometteur « Carnaval des animaux » à quatre mains avec Sarah Margaine au Conservatoire de la ville du Pecq (Yvelines)
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