Gastronomie

Haricots tarbais & haricots maïs : les gros calibres du Sud-Ouest

Auteur : Blandine Vié
Article publié le 21 septembre 2019 à 15 h 17 min – Mis à jour le 28 septembre 2019 à 8 h 50 min

Cousins plutôt que frères ennemis, les haricots tarbais et les haricots maïs sont souvent confondus comme un seul et même produit. Il faut dire que ces deux légumineuses au gabarit de rugbyman se ressemblent comme des jumeaux. La confusion vient aussi de ce qu’ils cohabitent sur les mêmes territoires du sud-ouest. Veillons donc aux grains !

Haricots maïs du Béarn. Photo © Viktor Fotolis

Un peu d’histoire lointaine (le début des haricots)

Quelles que soient leurs variétés, les haricots — à ne pas confondre avec les doliques, de ressemblantes légumineuses originaires d’Afrique (plus précisément d’Abyssinie, actuelle Éthiopie) cultivées sur nos terres bien plus tôt — ont fait leur entrée en Europe à la suite de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492. Ils provenaient des Andes (Pérou) et du Mexique. Mais curieusement, s’ils ont tout de suite séduit l’Espagne, puis l’Italie — car il était d’usage d’offrir un peu de ces nouveaux produits américains au pape qui les faisait étudier et mettre en culture — il fallut attendre le XVIe siècle pour qu’ils arrivent en France (via Marseille), à la faveur du mariage de Catherine de Médicis (qui en apportait dans ses bagages) avec le futur Henri II en 1533.
On commença à en planter ça et là mais bizarrement ce fut seulement au XVIIIe siècle qu’ils pénétrèrent enfin dans notre grand Sud-Ouest, pourtant proche de l’Espagne. Introduction qui se fit en Bigorre (département 65) et en Béarn (département 64) et qui se doubla de celle du maïs. On dit — mais sans aucune certitude — que ce serait grâce à Monseigneur de Poudenx, évêque du diocèse de Tarbes qui redoutait les disettes. D’autres versions divergent sans qu’on puisse trancher.

Haricots tarbais frais non écossés

Haricots tarbais frais non écossés. Photo © Coopérative du haricot tarbais

Un peu d’histoire plus récente (gloire, chute et renouveau)

Toujours est-il que le climat plut aux haricots qui s’acclimatèrent très bien et dont la culture prospéra d’autant mieux que les épis de maïs servaient de tuteurs à ces haricots grimpants s’enroulant spontanément autour des tiges de maïs (dans le sens inverse des aiguilles d’une montre) tout en leur faisant de l’ombre. Et ils eurent vite fait de remplacer les fèves qui étaient la légumineuse ordinaire de la population locale. Au XIXe siècle, ce fut même le légume régional par excellence car il avait l’avantage de bien se conserver.
Sa production chuta pourtant au XXe siècle, la France étant de moins en moins rurale.
Dans les années 50, la production du maïs s’intensifiant, « le haricot bigourdan est mis à mort par les techniques de mécanisation et l’épandage d’herbicides sur les maïs hybrides » nous raconte Marie-France Bertaud dans son Petit Traité du haricot. Heureusement, Pierre Pujol, un conseiller de la Chambre d’Agriculture décida de sauver sa production et de le réhabiliter. C’est à cette époque que, parallèlement à la culture sur tuteurs sont apparus les filets. Le concours de quelques chefs de renom comme André Daguin et Lucien Vanel contribua aussi à lui rendre ses lettres de noblesse.

Haricots tarbais blanchis.

Haricots tarbais blanchis. Photo © Blandine Vié

 

Si ce n’est toi, c’est donc ton frère !

Haricots blancs à écosser de la famille des Fabacées (Papillonacées), genre Phasoleus (Phasoleus vulgaris), il faut bien dire qu’il faut être expert pour distinguer les haricots maïs des haricots tarbais. À la base, ce sont d’ailleurs tous les deux des haricots maïs mais le tarbais a fini par avoir un peu plus de prestige, sans doute parce qu’on l’a cultivé pour lui-même alors que le haricot maïs était une production complémentaire dans beaucoup de familles paysannes et qu’on en faisait pousser le long des rangs de maïs en bordure des champs, ce maïs qui servait à gaver les canards et les oies.
Quoi qu’il en soit, le haricot tarbais a obtenu un Label Rouge en 1998, puis une IGP en 2000. Le haricot maïs du Béarn fait quant à lui l’objet d’une marque déposée.

Haricots tarbais

Haricots tarbais. Photo © Blandine Vié

La faim des haricots

Le haricot maïs et plus encore le haricot tarbais sont d’un gros calibre mais avec une peau fine, une chair elle aussi très fine et veloutée et une saveur douce. Récoltés impérativement à la main gousse par gousse pour le tarbais (récolte manuelle) et parfois aussi pour le haricot maïs du Béarn quand il s’agit de petites productions (toute la famille est appelée à la rescousse), ils arrivent à maturité vers octobre et se récoltent pendant tout le mois (environ). On peut alors les manger en frais (bien que leur nom officiel soit demi-secs) — essentiellement localement — sans qu’ils soient besoin de les faire tremper. Mais la majorité de la production est égrenée pour être mise en sachets ou bien pour préparer des conserves. Tous ces préparatifs attentionnés en font un haricot de prix élevé, une denrée de luxe, ce qui est paradoxal pour un produit qui a nourri toute une population au XIXe siècle.
La recette emblématique du haricot maïs est évidemment la garbure, à l’origine béarnaise ou bigourdane, puis landaise et basque, mais qui a conquis quasiment tout le Sud-Ouest et l’Occitanie, avec les variantes fantaisistes qu’on imagine, à commencer par le choix des grains.
L’autre recette qui lui est attachée est le cassoulet bien qu’i s’agisse d’un palt qui se prépare à l’autre bout de la chaîne des Pyrénées. Le cassoulet qui se fait en principe, avec d’autres variétés de haricots (cocos de Pamiers, lingots de Mazères, du Lauragais, de Castelnaudary). Mais des chefs étoilés se sont pris de passion pour le tarbais et font désormais le cassoulet avec ce gros haricot, ce qui n’est pas forcément pour plaire aux puristes mais est tout de même plaisant même si ça en augmente aussi le prix. On peut en tout cas tirer une morale de cet engouement : ces gros calibres du Sud-Ouest ne sont pas « has beans » !
Enfin, ces gros grains escortent magnifiquement le porc noir de Bigorre et le doublon de Barèges-Gavarnie (qui a pâturé deux années de suite, d’où son nom).
Mais ils peuvent aussi être dégustés en salade, en soupe, en purée voire en houmous.

Haricots maïs en cuisson

Haricots maïs en cuisson. Photo © Blandine Vié

Quelques conseils pratiques

Sauf s’ils sont frais, les haricots maïs et tarbais doivent tremper 24 heures.
Frais (demi-secs) ils demandent 45 minutes à 1 heure de cuisson. Secs et réhydratés, il faut compter 2 h de cuisson lente, départ au froide.
Et pour terminer en paix, n’occultons pas les désagréments que peuvent provoquer les haricots secs, à savoir les flatulences. Pour les contrer, on peut ajouter une cuillerée de bicarbonate de soude à l’eau de cuisson mais aussi, plus poétiquement lui préférer des herbes carminatives telle la sarriette.

Ne pas oublier de blanchir les haricots tarbais

Ne pas oublier de blanchir les haricots tarbais. Photo © Blandine Vié

Où trouver et savourer ces haricots, avec quelques vins, sélectionnés, les sublimer

En automne et en région, les haricots frais se  trouvent sur les marchés, foires et salons, ou directement chez les producteurs.

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