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Hot Casa Records, le label cocréé par Julien Lebrun se dédie à l’Afrique de l'Ouest
Auteur : Baptiste Le Guay
Article publié le 22 janvier 2023
Passionné de musiques d’Afrique de l’Ouest en général, le label Hot Casa Records a été créé en 2003 par Julien Lebrun et Djamel Hammadi aka Afrobrazilero pour valoriser l’afro-Soul et au tropical Funk, en particulier. Entre ses propres rééditions de vinyles rares et la production d’artistes originaux, le label revendique une manière traditionnelle de produire et de faire de la musique soul avec un contenu social et la meilleur qualité de son possible. A la veille de sa participation au Paris Loves Vinyl #10 le 29 janvier à l’espace Reuilly2, Paris 12e, Julien Lebrun partage sa passion pour la variété des musiques d’Afrique de l’Ouest, revient sur son parcours et les ambitions de son label indépendant.
Créé en 2003, le label Hot Casa Records fête ses 20 ans.
Initialement DJ de musique Soul et Funk, comme son associé Djamel Hammadi aka Afrobrazilero, Julien Lebrun voyage et « dig » (chercher des vinyles) dans le monde entier. Au cours de ses aventures, un endroit du monde va l’attirer en particulier : l’Afrique de l’Ouest.
Au départ, Julien vient de l’école Hip-Hop, notamment avec la recherche de samples, ces boucles de musique qui permettent de composer l’instrumental d’un morceau de rap. « J’ai commencé à collectionner du vinyle avec la recherche de la boucle inédite, du sample un peu rare » nous glisse-t-il lors de notre entretien.
Avec un appétit dévorant pour la musique, Julien découvre l’afrobeat, dans le milieu des années 90. (Pour mémoire l’exposition Fela Anikulapo-Kuti (1938-1997), l’inventeur de l’afrobeat, à la Philharmonie de Paris jusqu’au 11 juin 2023
A ce moment là, cette musique africaine reste implantée localement et est assez peu exportée dans le monde, notamment avec des vinyles rares et peu accessibles.
C’est une révélation où toutes les musiques se mélangeaient en un enregistrement :
il y avait du jazz, de la Funk, de la Soul, des gros ensembles, du cuivre et des chorus de musiciens.
Julien Lebrun
Julien rencontre son associé Djamel Hammadi aka Afrobrazilero à la Radio Génération en 1998, émission qui était alors portée sur des styles Funk et Groove. Ils se mettent à mixer dans des soirées, devenant chacun résident au Man-Ray, un club parisien prestigieux.
Nous venions d’une culture Soul, jazz et avons grandi à l’âge d’or du Hip Hop,
recherchions la boucle parfaite et le break ultime.
Julien Lebrun et Djamel Hammadi aka Afrobrazilero, fondateurs du label Hot Casa Records
Le challenge de rééditer des vieux disques africains
L’idée était de faire un label avec pour moitié de la réédition de disques et l’autre destiné à produire des artistes. Le premier défi est de rééditer des disques qui ne sont plus produits en Afrique. Et ce n’est pas une mince affaire, impliquant un processus long et fastidieux. « Le problème de la réédition, c’est qu’il faut un disque en bon état, notamment les bandes analogiques que nous ne trouvons pas toujours. Je fais une compil sur la musique du Togo, ça m’a pris 5 ans afin de trouver les 13 ayants droits » nous raconte Julien.
Des disques qui sont rares et onéreux, car très peu pressés à l’époque.
Au niveau du Mastering, le label va chez The Carvery à Londres, spécialiste de l’encodage. Comme il est très compliqué d’avoir les bandes originales, où toutes les pistes sont séparées. « Notre boulot consiste à trouver des références originales et rares, dans un état qui permet d’être réédité, sans trop de crack ni poussière dans le son » explique Julien.
Une production « artisanale » des artistes
Hot Casa Records n’a pas de studio physique, ce qui fait que le label s’adapte à l’artiste pour produire sa musique. « Pour Vaudou Game, nous avons enregistré à Lomé au Togo dans un vieux studio des années 70 que nous avons remonté en nettoyant et remplaçant certains instruments » explique Julien.
Le label suit ses artistes, pouvant ainsi voir leur évolution et leur développement au fil des projets. Pour Quintet de Jazz, l’album « Rio » de Florent Pelissier, l’enregistrement s’est fait au Blue Note, studio mythique de Jazz dans le New Jersey aux USA. Un voyage pour « retrouver ce son unique, ses micros, avec une salle folle faite dans un bois particulier, où des légendes comme John Coltrane et Miles Davis ont enregistré là-bas » précise Julien.
Le fondateur du label revendique que sur « chaque projet, nous adaptons le son et les enregistrements ». L’effervescence du vinyle de ces dernières années poussent les clients à avoir un nouvel intérêt pour les disquaires. Le retour du « bar à vinyle » reprend ses droits et revient à la mode, comme à Mexico, Lisbonne ou encore Pékin.
Un digger tout azimut
Lorsque Julien part en voyage pour trouver de nouvelles références musicales, il écoute tout sur place. « Je me balade avec mon pick-up et ma platine portable pour écouter des références locales. C’est une manière de rencontrer les gens localement, de partager et d’acheter de la musique ».
Pour la réédition, Hot Casa se fixe deux objectifs précis : une pochette faite à l’identique du disque original et un son le plus proche possible de l’époque et des conditions dans lesquels il a été enregistré initialement. Pour le groupe Vaudou Game, Hot Casa veut avoir un son qui ressemble le plus possible à la funk Togolaise des années 70.
Concernant la clientèle de cette réédition de disques, « 70 à 80% des ventes de disques des artistes que nous produisons se font par des acheteurs étrangers. Ce qui est drôle, c’est que même DjeuhDjoah & lieutenant Nicholson qui font de la chanson française, 60 % de leurs streams viennent d’auditeurs anglais, japonais ou américains » remarque le fondateur du label. Du côté de la vente des rééditions de disques, Julien décrit une petite niche implantée en France, mais la plupart des acheteurs sont également étrangers.
Le petit label indépendant face aux grandes Majors
Depuis le retour de la musique physique, matérialisée par le vinyle qui prend une expansion phénoménale depuis quelques années, rend mécaniquement la production du 45 tour plus compliquée pour les petits labels indépendants comme Hot Casa Records.
Nous sommes dépendants des Majors qui ont réinvesti dans le vinyle,
et qui bloquent les presses à vinyle. Avec leur force financière,
une major peut produire un disque à plus d’un million d’exemplaires,
alors que nous sommes entre 1 500 et 2000 copies.
Julien.
Le rapport de forces inégal les pousse à avoir des délais monstrueux pour pouvoir presser leurs disques. Il faut jusqu’à 8 mois pour que le vinyle soit enfin produit.
Pour lutter contre ces attentes, le label s’organise en multipliant ses contacts avec des petites structures à travers la France. « Vu la catastrophe que ça a été, nous avons aussi un presseur appelé Optimal en Allemagne » reconnait Julien.
A cause de l’inflation et la hausse des matériaux, le prix de pressage a augmenté de 40% en un an et demi ! « Le carton, le galvano qui est fait à base de nickel, le vinyle est fabriqué à 60% de pétrole, que des matériaux et produits qui ont fortement augmenté récemment. Nous devons recalculer nos royalties, ça peut être un calcul assez compliqué ».
Malgré des délais et des estimations de sorties fastidieux, Julien est heureux de s’occuper d’artistes qu’il affectionne, même si la production est chronophage et peu rentable : « L’édition est aujourd’hui devenue le moyen pour dégoter plus facilement de l’argent » insiste optimiste ce passionné de musiques.
La mise en avant des diffusions publiques comme les synchros, les placements radio ou dans des films de cinéma,
ce sont ces 30 secondes qui te permettent de dégager un revenu conséquent.
Julien.
Après de prochaines rééditions de disques comme la compil Abidjan Funk par exemple, et sa participation au Paris Loves Vinyl #10 (29 janvier), Julien repartira à Lomé au Togo en avril 2023 pour enregistrer le nouvel album de Vaudou Game, lorsque le groupe sera entre deux tournées.
Un programme bien chargé pour Hot Casa Records qui proposera des nouveautés musicales afin de rentrer dans une nouvelle décade de la meilleure des manières.
#Baptiste Le Guay
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