Voyages

Karlovy Vary, villégiature thermale aussi cinématographique qu’onirique

Auteur : Jean-Philippe Domecq
Article publié le 21 juillet 2022

Karlovy Vary, en Tchéquie doit beaucoup au cinéma, à son Festival international dont la 56e édition s’est achevée dans tout l’éclat qualitatif que son palmarès mérite, et à James Bond dont Casino Royale immortalise le décor. Cette grande ville d’eaux d’Europe classée par l’UNESCO au patrimoine mondial était bien faite pour le cinéma, constate sur place Jean-Philippe Domecq puisque ses vestiges de Bohème sont aussi oniriques que cet art. A découvrir absolument !

Une arrivée fort étoilée

Karlovy Vary, avec palais et demeures à perte de vue Photo Jean-Philippe Domecq

Imaginez. Vous arrivez de Prague en limousine noire et allemande – car il n’y a que germaines voitures là-bas, outre les Skoda dont le nom du fondateur signifie « dommage » en Tchèque mais l’humour typique de ce pays n’est plus si nécessaire depuis qu’a disparu le Mur du temps soviétique où une Skoda tous les dix kilomètres avait capot ouvert en bord de route. Vous arrivez le soir d’ouverture du Festival, posez bagage dans un des hôtels multi-étoilés car il n’y a que cela aussi dans cette station thermale classée par l’UNESCO parmi les plus réputées d’Europe et originellement nommée en allemand Karlsbad, « bain de Charles » en raison des bains aux sources chaudes que venait y prendre son fondateur, Charles IV (1316 – 1378) empereur du Saint Empire romain germanique et roi du pays au doux nom de « Bohême ».

Vous avez vaguement fabulé son passé au souvenir de tels visiteurs tout simples genre Goethe, Beethoven, Chopin, Liszt, Stifter, Tourgueniev, Clémenceau, Madeleine Albright la Kissinger de Bill Clinton, sans oublier Freud et James Bond dont Casino Royale fut tourné à Karlovy Vary, .
Dans la chambre vous avez le pressentiment que cette ville aura le baroque tenu, hautain, la table de chevet a le sombre lustre d’un bureau de Kafka. Et puis vous descendez dans la ville, et là…

Une fête de conte, une liesse de jeunesse

Vous vous retrouvez sur la berge de la large rivière Ohre parmi des frises de lampions comme dans un conte, que longent des falaises de demeures à perte de vue, imposantes, ocres, rosâtres ou de gris jauni, et vous sentez monter un frisson de foule bon enfant.

Devant le palais du Festival, qui par contre est une injure de béton massif sous les collines boisées et semées de palais et châteaux, un grand écran commence à diffuser des images de tapis rouge où défilent les BMW lustrées d’où sortent lentement des paires de belles jambes flashantes et flashées ou des stars masculines niveau Benicio del Toro ou Harvey Keitel, souriants et simples comme sont les grands et sûrement pas les Français à Cannes se tordant de feinte fausse modestie !

Les Lampions de fête de Karlovy Vary, villégiature onirique Photo Jean-Philippe Domecq

Partout ambiance boîte de nuit sous la nuit étoilée

Vous allez manger rapidement dans ces multiples guinguettes qui font tout le charme de cette vie de bohème (au sens propre). Quand vous ressortez ça y est, la fête bat son plein, musique à tue-tête, DJ endiablé sur perron de palace, ambiance boîte de nuit sous la nuit étoilée, partout, si bien qu’à un moment, tandis qu’un crooner fait le show sous l’immense écran que la foule regarde en riant et dansant malicieusement, vous êtes piégé, pris dans la ronde dont vous ne pouvez ni ne voulez sortir. Vous commencez à comprendre l’esprit de cette partie d’Europe : ils ont notre liberté sans notre vulgarité.

Promenade thermale dans la garnde ville d’eaux d’Europe classée par l’UNESCO Photo Jean-Philippe Domecq

Vivre comme en rêve

Confirmation le lendemain. Vous sortez et, une demi-journée après, vous vous demandez ce qui vous est arrivé, comme autrefois d’ailleurs lorsque vous aviez erré dans le centre de Prague, à Mala Strana. Vous êtes encore quelqu’un, certes, qui regarde et cadre d’un certain point de vue, mais sans votre psychologie consciente, comme on est en rêve.

Au bonheur du Humboldt Park Hotel de Karlovy Vary, modèle filmique du Grand Budapest Hotel Photo Jean-Philippe Domecq

La beauté des lieux vous aspire et vous guide, pas à pas.

Hôtels particuliers, palaces, le Palace Hôtel Bristol dont vous reconnaissez qu’il servit de modèle filmique pour The Grand Budapest Hotel (Wes Anderson, 2014). Cet imposant bâtiment qui fait angle avec cariatides bien tournées et contournées : il fallait bien cela pour la Poste, et vous vous souvenez de la Poste centrale de Prague que vous étiez allé voir parce que Milena raconte comment Kafka lui fit faire trois fois le tour de ce bâtiment parce qu’il s’interrogeait sans fin sur la pièce de monnaie qu’il a déposée et n’aurait pas dû et puis si, il aurait dû, en déposer deux, ou même trois, dans la sébile du mendiant sans vouloir le vexer…

Au pays des Postes monumental de Karlovy Vary, qui rappelle celle de Prague Photo Jean-Philippe Domecq

Et, faisant l’expérience, vous vous aperceviez qu’il faut bien trois quarts d’heure pour faire le tour de ce bâtiment qui doit donc être la plus grande Poste du monde au moins – eh bien, va pour la nation des Postes en admirant celle de Karlovy Vary qui n’est pas mal non plus.

Ceci pour dire que si même les services publics sont à ce point dotés, ce ne sont que palais et façades fastueuses qui font l’ordinaire de la ville d’eaux et de promenades et nuits de boîte dont vous voyez les fastes émerger des hauteurs vertes et épaisses.

A l’intérieur ce n’est pas moindre

Le Star Palace, quatre étoiles de Karlovy Vary Photo Jean-Philippe Domecq

Vous avisez le Humboldt Park Hotel, vous entrez, toujours cette affabilité discrète, des jeunes filles vous proposent ce que vous voulez à manger légèrement et boisson sur terrasse attenante, après avoir traversé salon et salle où les allures sont simples, grâcieuses, tranquilles.

Comme au Star Palace où vous retournez dans la fraîcheur des dalles d’entrée et les hauts murs d’autrefois. La nuit vous en reverrez l’éclairage de façade, où le drapeau européen est arboré parmi les drapeaux national et régional et ici vraiment la liberté européenne est aimée, voulue, acquise depuis peu.

D’ailleurs, au Festival les films à qualité documentaire témoignant des hautes luttes populaires pour la souveraineté post-soviétique et contre la corruption simili-poutinienne sont vivement applaudis par la presse internationale, comme si le courage et le fait de ne pas toujours tout laisser faire existaient encore. The Killing of a Journalist, de Matt Sarnecki marque à cet égard une étape dans l’art du documentaire, allant jusqu’à restituer les interrogatoires policiers des meurtriers et l’arrivée de ceux-ci sur les lieux du crime telle qu’enregistrée par les caméras de surveillance à infra-rouge, la nuit du meurtre au couteau du journaliste Jan Kuciak et sa fiancée qui remontaient de trop près aux sources de la corruption du pouvoir slovaque de mèche avec la mafia.

Ainsi repart-on espérant

Kafka, inconnu de son vivant, aujourd’hui motif publicitaire en Tchéquie. Photo Jean-Philippe Domecq

Le Grand Prix – Crystal Globe fut décerné à Summer with Hope, une co-production irano-canadienne filmée par la réalisatrice iranienne Sadaf Foroughi qui, à travers le lien qui se crée entre un adolescent qui tente sa seule chance dans une compétition de natation et un nouveau jeune coach, montre de manière atypique la jeunesse aux prises avec le mauvais œil de la société traditionnaliste. Et c’est ainsi et c’est curieux quand vous assistez à un festival cinématographique qui plus est ouvert au public : de film en film, de thèmes en genres et sujets, chaque fois montrés de l’œil neuf des créateurs de tous pays, vous voyez l’état du monde défiler devant vous – comme vous avez vu cette ville. Que vous quittez à la fin puisqu’il faut bien.

A l’aéroport, dans les relais à bimbeloteries et nouveautés clinquantes, vous trouvez l’effigie de Kafka sur des dessous de verre ou parmi les cartes touristiques. Or jamais écrivain ne publia si peu de son vivant. Etrange histoire, l’humanité.

#Jean-Philippe Domecq

Informations pratiques sur Karlovy Vary (Tchéquie)

Le site avant-garde Prague

  • Comment aller à Karlovy Vary : il y a un aérodrome voisin, mais il serait dommage de ne pas faire halte par la capitale et une des villes les plus magnétiques d’Europe, en descendant à l’aéroport Vaclav Havel de Prague. 1h30 de trajet depuis Paris Charles de Gaulle, puis 104 kms en car, train ou voiture.
  • Comment se nourrir : il y a des guinguettes partout le long des berges et des splendides quais et rues, prix fort modérés.
  • Où se loger : les prix étant moins élevés qu’en Europe dite de l’Ouest, on peut tenter de s’offrir une chambre au
  • Les sites d’informations hotellière offrent les vues qui vous diront, comme au cinéma : « Dreams that Money Can Buy « !

A coté de ses thermes millénaires, Karlovy Vary produit et met en bouteille la fameuse liqueur Karlovarská Becherovka.

Au palmarés de la 56e édition :

A noter…et réserver : le prochain Festival Karlovy Vary IFF aura lieu du 30 juin au 8 juillet 2023 !

Partager

Articles similaires

Le vaisseau amiral de la Côte Basque : Le Sofitel Biarritz Le Miramar

Voir l'article

Randonnée alpestre : Locarno, puis Côme, via le Simplon

Voir l'article

La région Centre-Val de Loire valorise 130 parcs et jardins publics et privés

Voir l'article

Quels sont les restaurants insolites de Dublin selon Bonjour Dublin ?

Voir l'article