Culture

La Collection Cherqui fait rayonner l’art cinétique et optique

Auteur : Baptiste Le Guay
Article publié le 15 mai 2023

Dédié pour l’essentiel à l’art cinétique et optique, la collection du pharmacologue Jean Cherqui impressionne par la variété de cette esthétique géométrique et sa vitalité à se renouveler. Cette libération de l’image du mouvement surprend et hypnotise le spectateur métamorphosant son champ visuel. La Fondation Cherqui regorge de surprises plastiques d’inventeurs qui ont su exploiter et transformer des technologies et des matériaux nouveaux en un véritable art du mouvement.

L’esprit de géométrie

Dans ce lieu méconnu du grand public, à la lisière du nord-est parisien, se trouve la Fondation Cherqui. Son créateur, Jean Cherqui, est un chercheur qui arrive en France depuis l’Algérie en 1967. Il développe un laboratoire de recherche et de développement de médicaments, devenant l’un des pionniers dans le domaine des génériques.

La Collection Cherqui concentre les grandes dynamiques de l’art cinétique et optique Photo Baptiste Le Guay

A la fin des années 1970, Jean Cherqui se met à investir une nouvelle passion : l’art contemporain. Le chercheur vit l’objet d’art comme une expérience sensorielle, se fascinant pour la lumière, l’optique, l’exploration du phénomène visuel. Il apprécie particulièrement l’interaction entre l’œuvre et le spectateur.

La collection de Jean et Colette Cherqui est particulièrement focalisée sur l’art latino-américain de la seconde moitié du XXème siècle, incluant l’art luminocinétique et l’art abstrait géométrique.

Georges Koskas (1922-2013), Composition II, 1947. Collection Cherqui photo Baptiste Le Guay

Une attirance pour l’art luminocinétique

Luminaire changeant de couleur, photo Baptiste Le Guay

L’art luminocinétique est découvert en France à partir de 1955 lors de l’exposition de la galerie Denise René intitulée Le Mouvement. Il s’est réellement développé dans les années 60 avec Victor Vasarely, Nicolas Schöffer, Jesùs Rafael Soto, Julio Le Parc et de nombreux autres artistes.

Créé en 1968, l’œuvre de Rafael Jesus Soto montre de nombreux fils alignés verticalement. Lorsque nous nous déplaçons en regardant l’œuvre, sa forme change avec un effet trompe l’œil dépendant de l’endroit où nous la regardons et si nous bougeons en même temps.

Falcone, Untitled,, photo Baptiste Le Guay

Les pièces lumineuses ont été faites par Mathias Cherqui alias Falcone, le petit-fils de Jean Cherqui, notamment celle qui représente un Sith, les fameux soldats clonés des forces du mal dans la saga incontournable Star Wars.

Dans cette œuvre lumineuse, nous voyons de l’eau contenue dans du plexiglas. Une pompe à eau injecte de l’air pour produire des bulles dans le récipient. L’objet change de couleur en passant du rouge au vert.

Miguel Chevalier, Fractal flowers, 2009, écran vidéo, ordinateur et programme informatique, photo Baptiste Le Guay

Depuis 1978, Miguel Chevalier utilise l’informatique comme moyen d’expression dans le cadre des arts plastiques. Son travail aborde la question de l’immatériel dans l’art car l’œuvre est numérisée et soumise à des logiques induites par l’informatique. Les Fractal flowers sont des formes symboliques d’une esthétique artistique singulière, ces fleurs géantes, réalisés par ordinateur, elles sont génératives et interactives, jouant avec l’endroit qui les entoure.

Thomas Canto est sensibilisé à l’art dès son plus jeune âge, son œuvre se veut éclectique et abstraite, tournée vers une esthétique futuriste. Autodidacte, il étudie des courants constructiviste et futuriste, l’artiste exploite les thèmes de manière obsessionnelle des sujets de la représentation de la vitesse et de la perspective que nous retrouvons dans chacune de ses compositions.

Dasha Fursey, Yarillo, 2017, photo Baptiste Le Guay

L’artiste Russe Dasha Fursey a une pratique qui recoupe un spectre large qui va de la peinture classique à la vidéo ainsi qu’une expression artistique qui passe également par la performance. Son œuvre prend source dans l’univers pop soviétique, l’op-art et le néo-pop russe. Avec Yarillo, les tronçonneuses sont le symbole industriel façonné par l’homme qui domine les éléments. Elles illustrent la violence qui se métamorphose en astre divin régnant sur la nature et dont le visage peint sur une poêle évoque l’indispensabilité de la production de gaz en Russie.

Steve D.Gagnon, $100 U.S. Flag, 2004

Dans cette œuvre de Steve D.Gagnon représentant un billet de dollar américain, nous nous rendons compte en regardant de près que tout le blanc est composé de petits soldats en plastique. Est-ce une métaphore pour montrer que la puissance des Etats-Unis, représentée par leur monnaie, a été acquise en grande partie par leur force militaire ? L’œuvre laisse suggérer que le dollar et l’impérialisme américain a été fondé par la guerre et a inévitablement fait couler du sang pour être la nation superpuissante qu’elle est aujourd’hui.

Georges Koskas, Portrait de musicien, 1947, photo Baptiste Le Guay

La collection Cherqui possède de nombreuses œuvres de Georges Koskas (1922-2013), artiste tunisien né en 1926 et considéré comme l’un des représentants les plus originaux de l’abstraction géométrique en France dans les années 40 et 50. A partir des années 50 et même avant, il se met également à la peinture figurative comme on peut le voir sur le tableau du musicien ci-dessous.

Une belle collection à découvrir en famille ou entre amis. Les enfants sont les bienvenus et pourront être sensibles à cet art cinétique distrayant et surprenant.

#Baptiste Le Guay

Pour aller plus loin 

Fondation Cherqui, 61 rue Lecuyer, 93300 Aubervilliers – Tél.: +33 7 83 16 41 60

L’Abstraction, Arnauld Pierre & Pascal Rousseau, Collection L’Art en mouvements, Citadelles Mazenod, 400 p., 300 ill., 189 €
 » Avant même qu’existent les moyens techniques d’un art généré par les ordinateurs, une pensée cybernétique et pré-digitale est à l’œuvre dans les mouvances de l’Art concret et de l’optico-cinétisme, où des grilles peintes aux modules étroits distribuent des éléments qui s’apparentent déjà aux pixels de la grille électronique. (…)

Se mettaient ainsi en place les conditions d’une rencontre entre psychédélie et cyberdélie dont les historiens ont entre-temps établi l’importance dans la constitution de ce que l’on a parfois nommé un hippie modernism où se rapprochaient, au seuil des années 1970, contre- et techno-cultures dans un mouvement qui allait nourrir les utopies de l’informatique pour tous et ses communautés virtuelles.
La promotion d’un universalisme toujours plus inclusif sera donc allé jusqu’à envisager d’y admettre des non-humains, comme les «machines qui pensent » et les « cerveaux électroniques » des premiers temps de la cybernétique. L’art génératif aura ainsi contribué à une mutation décisive, qui redéfinissait les formules admises de l’activité créatrice et redistribuait ses potentialités entre artistes, scientifiques, machines et cerveaux artificiels, dans un acte de création partagée. »

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