Culture
Dans la Seine, Objets trouvés (Crypte archéologique de l’île de la Cité - Paris Musées)
Auteur : Patricia de Figueiredo
Article publié le 14 janvier 2024
La Seine a une histoire. Les 150 objets trouvés dans son lit ou sur ses berges illustrent ses interactions avec les parisiens, et cela dès que des humains se sont installés sur ses rives grâce aux datations scientifiques. Tous témoignent de son rôle, de ses aménagements et de ses paysages, mais aussi des pratiques des populations successives, leurs modes de vie, leurs croyances ou leurs combats. L’exposition très didactique pour Patricia de Figueiredo dans la Crypte archéologique de l’Ile de la Cité jusqu’au 31 janvier 2024 brosse une histoire de Paris, prolongée par les regards très contemporains de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, et Yan Tomaszewsk.
Des objets hétéroclites pour tisser le récit de la Seine
La Seine a façonné Paris depuis les premières installations humaines jusqu’à nos jours. La preuve éclate en pleine lumière grâce à la collecte et l’analyse d’une quantité d’objets tombés, jetés, perdus, ou déplacés par les courants. Présentées de manière chronologique et pédagogiques, ces découvertes sont aussi l’occasion d’expliquer les méthodes scientifiques utilisées dans l’interprétation et la datation des vestiges.
L’idée était de présenter quelques fouilles archéologiques qui montrent le rapport entre les populations et la Seine : comment à la Préhistoire, on occupait des îlots sableux pour en faire des haltes de chasse, comment à l’Antiquité, on a traversé la Seine pour créer les grandes routes qui vont de Lyon aux provinces du nord de la Gaule, comment on chassait, etc.
Sylvie Robin, commissaire
Quatre périodes chronologiques
Elles permettent de poser des jalons de cette relation intime entre Lutèce/Paris et son fleuve. Des installations humaines de l’époque préhistorique à notre époque contemporaine, en passant par l’Antiquité et les périodes médiévale et moderne. Le fleuve nous livre des trouvailles fortuites : Objets utilitaires, armes, objets religieux et symboliques comme les ex-voto et encore des déchets. Les ex-voto montrent la diversité qu’ils pouvaient prendre sous différentes formes. Ainsi cette tête masculine calcaire de l’époque gallo-romaine, d’autres figurines étaient fabriquées à partir d’alliage cuivreux.
Des armes également ont été retrouvées en nombres : couteux, hache de guerre, sabres… jusqu’au obus et pistolets de la Première et de la Seconde Guerre mondiales.
La Seine avait aussi une activité de pêcherie. Si aucun vestige n’a été trouvé du temps de Lutèce, des fouilles en amont dans l’Aube permettent d’attester de cette activité.
Quand les artistes contemporains s’inspirent des fouilles
Hommage rendu à Sequana, la déesse de la Seine. De nos jours, voulant recréer ce lien, entre le fleuve et ses habitants l’artiste Yan Tomaszewski a réalisé un ex-voto : un ensemble de sculptures en bois carbonisé.
Une autre œuvre a été spécialement produite pour l’exposition de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige. Ils ont récupéré des carottages extraits de forages d’exploitation des sous-sols. Ils s’emparent de ces sédiments « pour raconter l’histoire enfouie des villes. » «
Dans le monde romain, les phénomènes de la nature sont observés comme des manifestations de puissances invisibles et divines, et l’eau est crainte pour l’énergie de ses courants ou la force de ses crues. Si les lacs et les fleuves sont les eaux sacrées les plus citées dans les textes, les sources sont les plus honorées, car au mystère de leur génération spontanée s’ajoute celui de leur irruption hors de terre.
Sylvie Robin, Le sanctuaire des sources de la Seine et ses ex-voto, extrait du texte du Catalogue
La Crypte est en elle-même un voyage dans le temps
Les fouilles archéologiques réalisées de 1965 à 1972 à l’occasion de l’excavation du parking ont abouti à la création de la Crypte en 1974 et à son ouverture au public six ans plus tard. Rattachée officiellement au Musée Carnavalet en 2000, elle comprend 2 200 m2 de surface pour 1 800 m2 de présentation de vestiges.
Ces vestiges justement sont au nombre de six. On peut ainsi y découvrir les vestiges de la première fortification de Lutèce au moment des premières invasions barbares.
Un autre concerne l’Hôtel-Dieu datant du VIIe siècle.
En aparté un seul mur du port de Lutèce aménagé par les Romains
Une cave médiévale d’une demeure de la rue Neuve-Notre-Dame. A ces côtés se tient un mur de l’ancien hospice des Enfants-Trouvés qui faisant office de premier orphelinat en 1750.
Enfin, les thermes antiques sont les vestiges sans doute les plus importants dans la Crypte. De garnisons romaines ils vont perdurer jusqu’au début du Ve siècle. Une banquette reste visible servant à se dévêtir avant d’entrer dans les salles chaudes et leur bassin.
Ce site riche de multiples récit confirme la richesse de l’histoire archéologie de la France, « une autre manière d’écrire l’histoire, en partant de la documentation matérielle, de sa diversité sur le territoire, des différents types d’objets, pour dérouler un récit de l’histoire de France » selon Dominique Garcia et Marc Bouiron, Atlas archéologie de la France.
Jusqu’au 31 janvier 2025, Dans la Seine Objets trouvés de la Préhistoire à nos jours, Crypte archéologique de l’île de la Cité, Parvis Notre-Dame Paris, 4e – Visites guidée
Catalogue, sous la direction de Sylvie Robin (Paris Musées, 128 p. 25 €) Avec plus d’une douzaine de contributions d’archéologues (Lucie Altenburg, Julien Avinain, Grégory Bayle, Céline Berthenet, Émilie Cavanna, Dorothée Chaoui-Derieux, Benoît Clavel, Sophie Clément, Jean-François Goret, Virginie Peltier, Sylvie Robin), il dresse un portrait de la Seine parisienne éclairé à partir d’une centaine d’objets recueillis dans son lit ou sur ses berges, de ses sources en Bourgogne ou de recherches récentes en amont ou en aval de la capitale. Les objets présentés appartiennent au registre de l’utilitaire ou de la magie ; d’une pêcherie antique dans l’Aube, et d’un site paléolithique à Clicly-la-Garenne.
Le fleuve qui a façonné le site de Paris depuis le Paléolithique jusqu’à nos jours, a reçu quantité d’objets tombés, jetés, perdus, ou déplacés par les courants. C’est aussi l’occasion d’expliquer les méthodes scientifiques utilisées dans l’interprétation et la datation des vestiges et des objets archéologiques.
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