Gastronomie

La « tielle », tourte aux poulpes, emblème culinaire de la ville de Sète

Auteur : Blandine Vié
Article publié le 18 juillet 2018 à 23 h 15 min – Mis à jour le 12 décembre 2018 à 17 h 00 min

Sète est une ville portuaire où l’on pêche beaucoup de céphalopodes : seiches, encornets, calmars, poulpes, supions (ou sépions), pistes, etc. Il est donc normal qu’on en consomme sans modération et que la cuisine locale leur fasse la part belle. Mais c’est le poulpe qui a donné naissance à la recette sétoise la plus emblématique : la tielle.

Une statue du sculpteur Pierre Nocca, installée en 1987 non loin du port, rend d’ailleurs hommage à cette famille marine qui participe à l’économie de la ville.

La statue du poulpe
La statue du poulpe de Pierre Nocca à Sète. Photo © DR

Un produit où cuisines italienne et espagnole se mêlent

Les recettes traditionnelles s’expliquent toutes par la géographie et l’histoire. Ainsi dans la tielle, cuisines italienne et espagnole se mêlent. Comme beaucoup de recettes devenues patrimoniales, la tielle est une recette de cuisine pauvre. Née en Italie à Gaéta, un village de pêcheurs au nord de Naples, c’est en effet à l’origine un plat inventé pour sustenter la faim avec les invendus de la pêche. Pâte à pain (comme la pizza) garnie de céphalopodes (très abondants en Méditerranée) voire de petits poissons (anchois, sardines) et de crevettes. Ragoût lié avec une sauce tomate (LE légume du Sud) très relevée avec des oignons, de l’ail, du piment, des herbes. Et bien sûr mijotée à l’huile d’olive. Olives qu’on peut retrouver dans la sauce. Mais au XVIIe siècle, Naples est sous la domination espagnole de Charles Quint et ses soldats contrôlent la région de Gaéta. Et que mangent-ils ? Des « empanadas », ces chaussons farcis de diverses garnitures.

Tielles artisanales
Tielles artisanales Giulietta, spécialités sétoises à base de poulpe, fabriquées dans les halles centrales de Sète. Photo © DR

Les Italiens firent une pizza en croûte

Les Italiens de Gaéta adoptent alors l’idée de couvrir leur pizza nationale d’une croûte qui a le double avantage d’en faire un plat plus facile à transporter et de se conserver plus longtemps en empêchant la garniture de se dessécher. Or, c’est un plat que les pêcheurs et même les ruraux emportaient avec eux pour déjeuner. C’est ainsi qu’est née la tielle que les migrants italiens ont apportée dans leurs bagages en venant s’installer à Sète à la fin du XIXe siècle. Son nom vient du latin « tegilium » signifiant « qui couvre » Et l’influence espagnole se retrouve aussi dans l’orthographe avec deux « L » (« tiella » en italien), alors que dans cette langue transalpine, l’orthographe « teglia » serait plus logique.

La tielle

La tielle, plat de partage. Photo © Blandine Vié

La tielle d’aujourd’hui

Consommée par les pêcheurs qui ne descendaient guère en ville, la tielle resta longtemps un mets rustique méprisé des citadins et consommé seulement dans le quartier italien. On raconte même que les enfants en emportaient une part pour manger à l’école et qu’ils la transportaient dans un sac cousu dans de vieilles voiles usées.

Et c’est à Adrienne Virduci épouse Dassé (1896-1962) que l’on doit le fait que la tielle se soit popularisée dans tous les milieux quand elle eut l’idée d’en commercialiser en 1937. Son arrière-petite-fille Sophie Cianni, tient d’ailleurs toujours boutique en ville, au 19 de la grand-rue Mario Roustan.

La tielle, tourte cannelée
La tielle, tourte cannelée, sorte de pizza en croûte (Tielles Cianni). Photo © DR

La tielle sétoise se présente sous forme de tourte cannelée (sorte de pizza en croûte) marquée de becs sur tout son pourtour. Elle se prépare traditionnellement en pâte à pain enrichie d’un peu d’huile d’olive et est garnie d’un ragoût de poulpes de petite taille localement appelés « poufres » ou « pouffres », et « pourprions » quand ils sont tout petits. Mais il y a pour ainsi dire autant de recettes que de familles sétoises et aujourd’hui, on n’hésite plus à utiliser de gros poulpes dont on coupe les tentacules menu menu ou à la rigueur des petites seiches ou supions.

La sauce-tomate-oignons-ail-aromates-piment-huile d’olive se doit évidemment d’être faite maison. La tielle se mange chaude, tiède ou froide. On en trouve de trois diamètres : 9 à 12 cm en individuel, 16 à 19 cm en taille moyenne et 21 à 25 cm pour le grand modèle.

La boutique
La boutique de Sophie Cianni. Photo © Blandine Vié

Mais Sète a aussi adopté la tradition charcutière aveyronnaise

Entre autres recettes faisant partie du patrimoine culinaire sur cette portion du littoral, l’encornet farci est lui aussi l’un des plats de grand-mère les plus prisés. Mais autrefois, avant que les Aveyronnais (venus en grand nombre) ne descendent à Sète avec leurs charcuteries, on n’y mettait guère de viande, seulement du riz, des œufs durs et du persil. Comme quoi la cuisine est affaire de métissage !

A visionner absolument : « In tielle we trust », surtout si vous êtes un poulpe –>

Où les acheter ? Et notre sélection de vins pour les accompagner…

Savourer

  • Sophie Cianni & Co, fabriques de tielles, 19, Grand-Rue Mario Roustan, 34200 Sète – Tél . 04 67 43 60 62
    et les autres producteurs artisanaux dont vous trouverez la liste en cliquant sur le lien de…
  • Sophie Cianni & Co, fabriques de tielles, 19, Grand-Rue Mario Roustan, 34200 Sète – Tél . 04 67 43 60 62
    et les autres producteurs artisanaux dont vous trouverez la liste en cliquant sur le lien de –> l’Office du tourisme de Sète
  • On en trouve aussi aux Halles de Sète.

Déguster

Un blanc picpoul de Pinet (cépage  local) s’impose !

Soit un de l’Aude et un de l’Hérault :

  • Villa blanche 2016 de chez Calmel & Joseph, floral et iodé avec une bouche ronde et souple, fraîche et franche qui épousera joyeusement les parfums de terre, de mer et d’épices de la tielle. Prix : 10 € TTC.

Domaine Calmel & Joseph, Chemin de la Madone, 11800 Montirat – Tél.04 68 72 09 88

  • Picpoul de Pinet 2017 du domaine Savary de Beauregard. Acidulé et plein de fraîcheur, il fera front sur tous les plats de coquillages cuisinés, notamment la tielle. Prix public : 7,80 €

Domaine Savary de Beauregard, La Vernazobres, RD 613, 34530 Montagnac – Tél. 04 67 14 00 12

Un blanc pour une cuisine de la mer riche en saveurs :

  • Faugères blanc « Cistus » 2016 du Château de la Liquière (60% roussane, 20% grenache blanc, 10% vermentino, 10% bourboulenc), rond et gourmand, bio, à boire de l’apéritif au fromage (surtout de chèvre). Prix public : 13,50 €

Château de la Liquière, famille Vidal Dumoulin, La Liquière 34480 Cabrerolles – Tél. 04 67 90 29 20

Un rosé friand :

  • « Les amandiers » 2017, vin bio (50% cinsault, 35% mourvèdre, 15% grenache), également du domaine du Château de la Liquière. Épatant sur les plats de la mer épicés. Prix public : 8,80 €.

Partager

Articles similaires

Carine Amery, sommelière du thé plaide pour mieux l’accorder avec le repas

Voir l'article

L’expérience fusionnelle Morimoto Bordeaux, au Mondrian Les Carmes

Voir l'article

L’Evadé : des produits de bistro avec les techniques de gastro du chef Rémi Poulain

Voir l'article

Le vaisseau amiral de la Côte Basque : Le Sofitel Biarritz Le Miramar

Voir l'article