Gastronomie
La vérité sur les bons « morceaux du boucher »
Auteur : Blandine Vié
Article publié le 28 juin 2019 à 15 h 45 min – Mis à jour le 29 juin 2019 à 12 h 49 min
Des morceaux d’excellence
En cette période estivale, les grillades sont les reines du barbecue, rituel qui permet de les cuisiner en plein-air et ainsi de profiter du beau temps dans une ambiance joyeuse souvent partagée en famille ou entre amis. La viande de bœuf y a la cote … quelquefois même la côte de bœuf ! surtout quand on s’attache à bien la cuire (voir nos articles sur le barbecue et l’art de la grillade). Mais les morceaux de viande dits « du boucher » — onglet, hampe, araignée, fausse araignée, poire et merlan — ne sont pas en reste pas rapport aux plus grosses pièces car il est un fait avéré que ce sont des morceaux de premier choix au goût savoureux. Néanmoins, ils sont rares. Et ce pour plusieurs raisons.
Quand le pragmatisme donne naissance à une légende
En fait, quand le boucher débite la carcasse du bœuf en morceaux, il met de côté dans sa chambre froide toutes les découpes qui doivent rassir quelques jours, voire maturer quelques semaines (train de côtes de bœuf par exemple). Mais certains morceaux sont d’une fragilité extrême et doivent être consommés le plus rapidement possible sous peine de s’altérer. Certains ont même la dénomination d’abats et sont vendus comme produits tripiers, onglet et hampe notamment. Aussi, quand le boucher ne les vendait pas en temps voulu, il les consommait… tout simplement pour ne pas les perdre ! Il est vrai qu’autrefois, tous les bouchers découpaient eux-mêmes leurs carcasses alors que bien souvent maintenant, elles sont prédécoupées à l’abattoir.
Par ailleurs, ce sont des muscles uniques, petits et cachés qui sont des morceaux difficiles à travailler, nécessitant patience et minutie. De plus, il n’y en qu’un (deux pour l’onglet) par carcasse. Aussi, avant qu’ils ne soient mis en exergue et valorisés, la tentation était parfois de les faire passer en steaks hachés. Or, bien parés, ces morceaux délicats, rares et goûteux font le bonheur des amateurs. Mais fragilité, rareté et travail minutieux en font nécessairement des morceaux chers à l’achat.
Comment les cuire ?
Il leur faut des cuissons courtes (bleue, rosée ou saignante) à la poêle ou au gril. Ils doivent être saisis sur feu vif pour « croûter » en surface et garder à l’intérieur les sucs qui vont assurer la jutosité à la viande, feu (ou braises) baissé ensuite.
Après cuisson, il est bien de les faire reposer quelques minutes entre deux assiettes chaudes pour que les fibres s’irriguent et se détendent. Les recettes les plus simples leur conviennent mieux que des recettes compliquées qui risqueraient de masquer leur goût.
Il ne faut pas les conserver plus de 24 h au réfrigérateur après leur achat.
Petit inventaire légendé des « morceaux du boucher »
L’onglet
Considéré comme un abat, c’est sans doute le plus connu. Situé sous la hampe, l’onglet est l’un des piliers du diaphragme. Il est constitué de deux petits muscles à fibres longues séparés par une membrane solide et élastique que le boucher ouvre en deux, cisaille et épluche soigneusement. On consomme également l’onglet de veau.
Il est préférable que l’onglet soit un peu rassis (quelques jours). Il faut de préférence le consommer saignant car il peut durcir à la cuisson. On peut aussi le consommer sous forme de steaks.La hampe
Également produit tripier, la hampe est le bourrelet formé des fibres musculaires qui soudent le diaphragme aux côtes. C’est un muscle tendre et maigre en forme de bande longue et plate dont la chair a une couleur sombre aux fibres longues et très apparentes.
Soigneusement débarrassée des membranes qui la recouvrent et entaillée sur le pourtour pour éviter qu’elle ne se rétracte, la hampe est vendue entière ou débitée sous forme de biftecks.L’araignée
C’est le muscle qui tapisse l’intérieur du trou coxal du bassin des bovins. Il est très plat et a la forme et l’allure caractéristiques d’une toile d’araignée (ou de ses pattes), d’où son nom. L’araignée pèse environ 750 g et sa texture s’apparente un peu à celle de la bavette mais avec un goût plus puissant et beaucoup de jutosité. C’est un morceau très tendre en raison des veines de gras qui s’intercalent entre les faisceaux musculaires.La fausse araignée
Il ne faut pas la confondre avec l’araignée. C’est un muscle obturateur qui fait partie des 5 muscles qui composent la tranche. Plus déchiquetée que l’araignée, elle est moins présentable que sa « jumelle » mais elle est épatante pour la fondue bourguignonne.La poire
C’est un petit muscle rond et charnu qui doit son nom à sa forme piriforme. Il pèse de 500 à 800 g et a des fibres courtes. Très tendre, elle fournit d’excellents steaks. Elle est également utilisée pour les brochettes et la fondue.Le merlan
C’est un muscle qui appartient lui aussi à la tranche. Sa forme longue et plate rappelle celle du poisson, d’où son nom. Il pèse de 600 g à 1 kg et a des fibres courtes. Très tendre, il donne aussi des steaks de petite taille. On l’utilise également pour la fondue bourguignonne ou chinoise.
Tout savoir sur la bonne viande et notre sélection de vins pour les escorter au mieux
Savourer
Achetez votre viande chez un artisan-boucher auquel vous pouvez faire confiance. N’hésitez pas à lui commander à l’avance des morceaux rares.
Comme évoqué dans le texte, certains morceaux du boucher sont susceptibles d’être vendus chez les tripiers, une…
Savourer
Achetez votre viande chez un artisan-boucher auquel vous pouvez faire confiance. N’hésitez pas à lui commander à l’avance des morceaux rares.
Comme évoqué dans le texte, certains morceaux du boucher sont susceptibles d’être vendus chez les tripiers, une corporation hélas en voie de disparition. Il y en a parfois sur les marchés.
Site : www.la-viande.fr
Déguster
Bien que souvent indissociable du barbecue et même de l’été, le rosé n’est pas le vin idéal pour escorter les morceaux du boucher (ni d’ailleurs la côte de bœuf et les entrecôtes). Même très vineux. Voici donc quelques rouges qui les mettront bien en valeur dans un contexte estival :
– Coteaux d’Aix-en-Provence Réserve des Gardians 2017 du domaine d’Éole : Un assemblage de 50% grenache, 30% syrah, 15% cinsault, 5% carignan qui ne renie pas ses racines provençales et dont l’accent du Midi ne manquera pas d’émoustiller les différents morceaux du boucher, aux textures et jutosités différentes mais tous aux saveurs puissantes. Sa robe soutenue, son nez de fruits noirs et d’épices, sa bouche ample gorgée de fruits rouges et noirs, légèrement réglissée en finale nous donne effectivement la sensation d’une promenade dans la garrigue. Une cuvée sanguine mais tout en fraîcheur qui porte bien son nom et qui pourrait également s’accorder avec une grillade de taureau ou même avec une andouillette.
Prix : 12 € chez les cavistes, au caveau de dégustation et sur la boutique en ligne du Domaine d’Éole, Route de Mouriès, Chemin des Pilons, 13810 Eygalières – Tél. 04 90 95 93 70
– Côtes-du-Rhône Villages Visan 2017 bio des Grandes Serres : belles épousailles également avec cet assemblage de grenache noir, de syrah et de mourvèdre. Vin gourmand et croquant qui s’ouvre lui aussi sur des notes méditerranéennes : fruits noirs, olive noire, cerise et menthol. D’une grande fraîcheur malgré son accent marqué du Sud.
Prix : 9 € au caveau des Grandes Serres à Gigondas (Tél. 04 90 65 86 55) mais aussi chez les cavistes.
– Costières de Nîmes cuvée « Mon fût c’est du poulet » 2017 de Château d’Or et de Gueules : 75% syrah, 25% grenache. Un vin généreux et gourmand qui joue sur le velours pour accompagner les morceaux les plus persillés. Prix 13 € au caveau du Château d’Or et de Gueules, chemin des Cassagnes, 30800 Saint-Gilles, Tél. 04 66 87 32 86, en vente également chez les cavistes.
– IGP Pays d’Oc 2016 Clos des Centenaires Cinsault (100%) : typique de son terroir avec un nez fleuri et fruité (fraise écrasée) relevé d’une touche de basilic et une bouche élégante et fraîche dont la sensualité s’harmonisera parfaitement avec un onglet à l’échalote.
Prix : 16,90 € départ cave, Luc Baudet, Clos des Centenaires, Chemin des Salines, 30600 Vauvert – Tél. 04 66 88 85 61.
– Saint-Joseph rouge 2016 de la maison Vidal-Fleury : 100% syrah. Avec sa robe rouge très dense, son nez intense de cerise noire-framboise-fraise des bois mais aussi de thym-laurier-eucalyptus et d’épices (muscade-poivre-clou de girofle) et sa bouche fruitée et fraîche, puissante et veloutée à la fois, aux tanins très soyeux et à la longue finale, il est épatant sur les morceaux du boucher grillés qui conjuguent eux aussi force et délicatesse. Certes un peu cher, mais les morceaux du boucher aussi.
Prix départ cave : 23,80 € Vidal-Fleury, 48 route de Lyon, 69420 Tupin et Semons – Tél. 04 74 56 10 18.
Une dernière recommandation : Qui dit barbecue et grillade dit plein-air et soleil. Ces vins sont donc à boire avec modération, de préférence dans un jardin, idéalement sous un tonnelle ou dans un endroit ombragé (à tout le moins sous un parasol). Et il est évidemment fortement déconseillé de faire une partie de pétanque en plein cagnard juste après le repas.
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