Culture

Le carnet de lecture de Frédéric Martin, photographe et découvreur 5ruedu

Auteur : Anne-Sophie Barreau
Article publié le 30 juillet 2024

« J’ai un rapport complexe au monde dont l’immense absurdité me déconcerte. Ma photographie est existentialiste dans le sens où elle donne à voir mon rapport au monde et ma volonté de le comprendre » : confiait Frédéric Martin dans un entretien à Anne-Sophie Barreau. De son propre aveu, le photographe vit dans un monde atemporel, dans un continuum conjuguant simultanément tous les temps. Comme en témoignent ses trois séries, L’absente, Sérotonine et Le blues de la ville intérieure qui saisissent par leur affirmation de la présence à soi et au monde. Le photographe qui anime le blog 5ruedu a confié à Singular’s ses notes de « Carnets de voyages culturels ». 

Le Carnets de mes voyages culturels…

S’il fallait ne retenir qu’un, mais au fond pourquoi un, pourquoi se limiter, alors disons deux ou trois, pour ne pas finir enfermé avec la désagréable sensation de ne pas avoir tout dit…

Un roman, ou deux ou trois.

Stephen King Ca, parce que l’enfance pas très heureuse, parce que la sensation d’être un looser, parce que les affres de la préadolescence.
Puis,
Céline, Le voyage au bout de la nuit, parce que l’invention d’une langue, parce que l’humanité comme une équation avec des milliers d’inconnues, parce que la mélancolie.
Puis Giono, peu importe lequel, pour les moments de poésie pure, pour l’écriture lumineuse.

Un film, ou deux ou trois.

Les ailes du désir de Wim Wenders, passée l’incompréhension totale du premier visionnage, il y a le noir et blanc, cette mélancolie aussi de l’ange, Berlin avant ou après Berlin.

Leto, de Kirill Serebrennikov. Encore un film en noir et blanc, encore une histoire d’amour sans issues, encore la mélancolie.

Et puis, un moment lumineux avec ma fille aînée aussi. Un vieux teen movie, Pump Up The Volume, avec Christian Slater, vu un nombre incalculable de fois. Et cette phrase mythique : « Dîtes des horreurs ! ». C’est les prémices de la compréhension de la révolte, de la non-obligation de marcher au pas et d’être d’accord avec tout le monde.

Un morceau de musique ou un groupe, ou deux ou trois.

Vivre libre ou mourir des Béruriers Noirs. Parce que la révolte adolescente dans ce qu’elle a de plus pur et de plus désespéré. Ça aurait pu être Nirvana, mais je suis né 5 ans trop tôt.

The Smiths, Asleep. Le suicide comme possibilité, la tristesse qui tend vers le désespoir. La prise de conscience que la vie peut s’arrêter comme ça d’un coup si je le décide et comprendre que je n’userai pas de cette possibilité.

Tame, des Pixies. L’énergie. Kim Deal. Vivre sa vie sans jamais s’arrêter de la vivre.

Un poète, ou deux ou trois.

Thierry Metz, Journal d’un manœuvre (L’Arpenteur, 1990) La poésie est partout et faite de tout, Metz ne cherche pas à le prouver, il l’écrit. C’est tout et c’est immense.

 

Reverdy et Char qui réinventent la langue tout en lui gardant l’intelligibilité. Les lire c’est voyager dans des mots étranges et familiers. Comme revenir dans sa maison après un très long voyage.

Et c’est ça la liberté d’écrire : faire ce que l’on veut, comme l’on veut.

Un livre photo, ou deux ou trois.

Stéphane Duroy, L’Europe du silence. Le livre, à mon sens, le plus parfait qui existe. Parce que Duroy va à l’essentiel, et qu’il a cette radicalité dans et de l’image. Pas besoin de plus de vingt photographies pour dire le XXème siècle.

Klavdij Sluban,Transsibériades. Il n’y a personne qui a aussi bien saisi la mélancolie. Chaque image est un petit bijou.

Gabrielle Duplantier, Volta. Avec ce livre deux fois épuisé, Gabrielle évoque les détours et l’errance, mais d’une manière infiniment délicate, comme par petites touches. C’est d’une poésie absolue.

Une autrice, deux ou trois, parce que l’égalité homme-femme est une chose qui me tient à cœur.

Sylvianne Van de Moortele et son ouvrage Femmes photographes, 10 ans de lutte. Elle y retrace le combat de la photographe Marie Docher pour la reconnaissance aussi bien salariale, que présentielle des femmes dans la photographie.

Le travail de l’éditrice Caroline Perreau qui gère la maison d’édition H’artpon. Chaque livre photographique qu’elle propose est toujours une réussite, conçu avec rigueur et élégance.

La photographe Dolorès Marat, notamment son travail sur New-York. Là encore il est question de mélancolie, de ne pas être exactement à sa place dans le monde. Un travail en couleur, des tirages Fresson, pour une photographe qui aurait mérité mille fois plus en termes d’exposition.

Et pour conclure,
deux peintures : une marine de Nicolas de Staël, intitulée
Marine à Dieppe,
et les peintures de Juan Miro dans lesquelles je peux plonger des heures…

Propos recueillis par Anne-Sophie Barreau le 25 juillet 2024

Pour suivre Frédéric Martin

Le site de Frédéric Martin où se trouvent ses différents travaux photographiques

Ses blogs de chroniqueur

A voir

Sérotonine, film photographique

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