Culture

Le carnet de lecture de Julia Paris, auteure-interprète

Auteur : Olivier olgan
Article publié le 21 janvier 2021

Avant de la retrouver sur scène ou avec de nouvelles chansons, l’auteure-interprète Julia Paris, dont Singulars avait aimé le premier album, Envol, a envoyé de ses nouvelles à travers un carnet de lecture à son image : enthousiaste, engagée et poétique.  Avec un hommage vibrant au patrimoine de la chanson à texte – d’Aznavour à Trenet – si attaché à son cœur.

Carnet de lecture de Julia Paris

Je n’ai jamais autant voyagé qu’entre les lignes qui se dessinaient sur des pages de papier. Les livres sont autant de promesses et de découvertes qui m’ont marquée et qui ont influencé mon écriture. Il y a des livres qu’on aimerait n’avoir jamais lu juste pour éprouver le plaisir de les découvrir. Ceux qui laissent derrière eux le souvenir des couleurs vives et d’émotions transcendantes…

En découvrant l’œuvre de Joseph Kessel il me semblait découvrir le monde. Son style et sa manière de ciseler les mots décrivent une réalité aiguisée et saisissante. Hésitant entre « Mermoz », « Les cavaliers » ou encore « L’équipage » j’ai finalement choisi pour le représenter « La vallée des rubis ».

Construit comme un roman et écrit comme un reportage, cette histoire débute à Paris et se poursuit à Mogok, « citadelle de rubis (…) perdue dans un dédale de collines sauvages par-delà Mandalay ». Une aventure aux confins de la Birmanie, une plongée en apnée dans les descriptions foisonnantes de cette région reculée d’Asie. Tous les ans je relis ces pages, je les parcours comme on le ferait avec un album photos. Pour moi, c’est aussi ça Kessel. L’impression de reconnaître parmi ses personnages et paysages le reflet d’une histoire qui m’appartient, des souvenirs oubliés qui surgissent et se confondent au fil de mes relectures.

Juliette Gréco. Quelques semaines avant sa disparition je découvrais ses mémoires « Je suis faite comme ça ». Sa narration laisse transparaître tour à tour l’enfant, la femme, l’artiste, l’amie, l’interprète. Une course folle à travers la petite et la grande Histoire, de Saint-Germain-des-Prés à New York, de la chanson française au jazz, de Boris Vian à Charlie Parker… Un camaïeu de souvenirs qui dépeint à merveille les différentes facettes de cette personnalité unique. « Je suis passée. J’étais là. Je vous embrasse. ». Cette phrase résonne en effleurant les pages de ce livre magnifique. On démasque les pensées d’une époque, on frisonne et on découvre, resplendissante derrière cette voix de velours, une volonté insolente de vaincre, de vivre et d’aimer.

Direction la Louisiane des grandes plantations avec cette fresque éponyme superbement écrite par Maurice Denuzière. Au bord du Mississippi se dresse la demeure de Bagatelle construite par les Damvilliers. Cette saga se décline en 5 tomes et retrace l’histoire de cette famille française de 1830 jusqu’en 1945. Les détails historiques s’entremêlent à la fiction sous la plume de Denuzière qui fait naître et disparaître sous le soleil du Sud des personnages aussi attachants que complexes… Adrien et Virginie de Damvilliers, Clarence Dandrige… Des destins qui se croisent et nous montrent les états esclavagistes sous un prisme qui n’est ni celui de l’Histoire, ni celui de la politique mais celui des hommes et des femmes qui ont façonné la terre et fait reculer le bayou. En nous décrivant la Louisiane mais également, au gré des voyages des personnages, la France ou l’Angleterre à taille humaine, ces romans sont une véritable machine à remonter le temps qui permet au lecteur de découvrir à 360° les États-Unis comme il est rarement permis de le faire. Une saga que j’ai découverte lors de ma scolarité au pensionnat de la Légion d’Honneur et qui, en plus de m’avoir profondément marquée, m’avait permis de passer un hiver loin du froid de la forêt de Saint-Germain-en-Laye !

Il y des livres qui font surgir devant vos yeux un tableau, une photo, une image… « Palm Beach » de Pierre Rey fait partie de ceux-là. Je ne peux m’empêcher, au détour d’une page, d’imaginer l’intrigue se dessiner sous les traits d’une illustration de Paulo Mariotti ou de Malika Favre. Il y a quelque chose de très pur et d’acéré dans ce style d’écriture. L’été, la Méditerranée, la Riviera, le Soleil, le luxe, les palmiers… un thriller qui débute par une erreur bancaire faite de l’autre côté de l’Atlantique entre les buildings de verre et d’acier new-yorkais. Je suis absolument fascinée par l’aisance avec laquelle Pierre Rey arrive à dépeindre ses décors et ses personnages. Pour avoir été là où prennent place ses intrigues je sais qu’il arrive parfaitement à saisir l’âme d’un lieu pour le rendre encore plus vivant et brillant que dans la réalité. Cette histoire est un équilibre fragile entre la folie et la démesure sans cesse contrebalancées par le réalisme et la lucidité des situations décrites au fil des pages.
« Palm Beach » brise le plafond de verre dans l’écrin privilégié de la Côte d’Azur – une mise en abyme qui pose la question de la place de l’individu dans une société où le paraître prend le pas sur l’être. Et vous ? Que feriez-vous si votre pire ennemi vous rendait riche ?

Une utopie en trompe l’œil, un futur où chacun a sa place et où tous les événements perturbants de notre civilisation ont été effacés. Un monde en noir et blanc où il n’existe aucune animosité, aucune rivalité, aucune souffrance. Une société protégée du monde où le seul à détenir la vérité, telle que nous la concevons aujourd’hui, se nomme « Le passeur ». C’est le titre de ce roman de Lois Lowry paru en 1993 outre-Atlantique et qui a récemment été brillamment adapté au cinéma (« The giver »). Ce livre offre bien des niveaux de lecture. Quel que soit le moment où l’on choisit de parcourir ces pages on y trouve si ce n’est des réponses, des cheminements de réflexion en suivant le parcours initiatique de Jonas, le nouveau dépositaire de la mémoire.

Suspendre le temps et feuilleter les pages de ce recueil des chansons de Charles Aznavour. Trouver le rythme qui se cache dans le texte, deviner une intonation au détour d’une phrase et entendre une voix murmurer un refrain… Il n’y a pas de règles en abordant ce genre d’ouvrage. Il n’y a pas d’impératifs à écouter en parallèle les chansons… Il faut juste prendre son temps. Le temps de découvrir quel auteur merveilleux était Aznavour et de prendre conscience de la force d’écriture nécessaire à l’élaboration de ces textes.

Les auteurs/interprètes tels qu’Aznavour, Jacques Brel ou Charles Trenet ainsi que les paroliers comme Pierre Delanoë ou encore Etienne Roda-Gil, nous ont laissé des chansons qui ont su toucher toutes les générations. Il y a une raison à cela. Ces textes sont « vrais », ils nous touchent et résonnent en nous.
La chanson française fait partie de notre patrimoine – un héritage à découvrir, à redécouvrir et à défendre.

Pour suivre Julia Paris

site : www.julia-paris.fr

Instagram : @juliaparisofficiel

FB : @juliaparisofficiel
Twitter : @juliaparisoff

Partager

Articles similaires

Lucrezia, Portraits de femme, par Jérôme Corréas, Les Paladins, cd Aparté

Voir l'article

Luiz Zerbini, Afinidades III, Cochicho (Museu Oscar Niemeyer Curitiba, Brésil)

Voir l'article

Le carnet de Dédicaces de Laure Favre-Kahn, pianiste

Voir l'article

Le carnet de Lecture de Caroline Rainette, auteure et comédienne, Alice Guy, Mademoiselle Cinéma

Voir l'article