Les choix de Frédéric Turpaud du Divellec : Le Domaine de Ravanès, visionnaire méconnu
Auteur :Frédéric Turpaud, maître sommelier du Divellec, Maître Sommelier de l’Union de la Sommellerie Française Article publié le 24 novembre 2020
En solidarité avec les vignerons, Frédéric Turpaud de l’Union de la Sommellerie Française poursuit ses coups de cœur pour Singulars. Le Chef Sommelier du Divellec a retenu Le Domaine de Ravanès qui a redonné un avenir radieux aux vins occitans. Producteur de vins de garde, il est un des rares domaines en Languedoc à proposer encore des vieux millésimes, en bouteille ou en magnum.
Installé au nord-ouest de Béziers, Guy Benin plante dès le début des années 70 des cépages atypiques pour la région : du Merlot, du Cabernet-Sauvignon. Puis du Petit Verdot au début des années 90 avec son fils Marc. Les premiers vins commercialisés issus du millésime 1979 détonnent avec l’ambiance morose du Languedoc viticole des années 70-80.
Alors que personne ne croyait à un avenir radieux des vins occitans, le maître du Domaine de Ravanes est déterminé et croit en son terroir de graves argilo-calcaires, chaud et sec mais parfaitement exposé, et qu’il bichonne tel un jardin. Des rendements faibles, vendanges à la main, sélection parcellaire, longs élevages. Le ton est donné, les vins seront grands ou ne seront pas.
Qui veut d’un vin du Languedoc au début des années 80 ?
Les débuts de la commercialisation ne se font pas sans mal. « Même s’il est très bon, mes clients n’en voudront pas » dixit un restaurateur de l’époque … Guy se lance alors sur l’export, notamment aux Etats Unis, les importateurs voyant dans ses vins plus un « vin français » qu’un vin du Languedoc. Il accompagnera lui-même une livraison pour le Texas, l’Arizona ou la Virginie, aventure inédite pour un vigneron biterrois à l’époque. Années après années, il affine ses méthodes de culture, d’élevage.
Et quel héritage ! Exercice difficile que celui de perpétuer l’âme du domaine familial tout en ajoutant sa touche personnelle. Pari réussi avec l’arrivée de blancs secs de haute volée, et des vins rouges de plus en plus précis. Passage en culture Bio depuis 2011.
La gamme se diversifie au gré des millésimes. Il est important de noter qu’elle n’est pas figée. En fonction de l’année vous pouvez avoir entre 8 et 12 cuvées différentes de 8€ à 60€. En particulier les devenues mythiques « Gravières du Taurou », « Prim Verd » ou encore « Oméga » ne sont pas produites tous les ans.
Producteur de vins de garde
Il est un des rares domaines en Languedoc à proposer encore des vieux millésimes, en bouteille ou en magnum. David et Axel, les enfants de Marc œuvrent à ses côtés. Trois générations au service du domaine, d’une terre, d’un vignoble au caractère singulier. Des vins authentiques, sans concession, taillés pour la garde, qui ne laissent jamais indifférents.
Dégusté lors de ma première visite au domaine en 1996, et redégusté en 2017 en double magnum, il n’avait rien perdu de sa vigueur, sa robe tuilée mais brillante, ses arômes de sous-bois, de truffe, de moka n’était pas sans me rappeler de très grands Pomerol des ces années là avec la pointe de soleil chatoyant en plus. Les Gravières du Taurou 2000 sont encore d’une densité rare, et L’Ille, Vendange botrytisée de 1998, pour les gourmands de miel caramélisé.
Cépages : Merlot 47%, Petit Verdot 27%, Cabernet-sauvignon 26%
L’assemblage peut varier selon le millésime.
Vignes de 35 ans
Raisins triés issus d’une sélection parcellaire stricte, vendange manuelle et égrappée partiellement
Elevage de 48 mois en fûts de chêne de 1,2 et 3 vins, sans collage et sans filtration
Garde : 15 à 20 ans
Carafage : 1 à 2 heures
Dégustation : Robe jeune, profonde aux reflets grenat. Encore retenu au nez avec beaucoup de classe, sur la prune fraîche et la mûre, avec des notes de moka et de thé noir.
La bouche charpentée et juteuse. C’est dense, plein et équilibré avec une trame tannique au grain serré d’une richesse exceptionnelle. Une finale toute aussi riche et une longueur en bouche peu commune.
Accord : Canard Colvert, jus truffé, en toute simplicité pour ce vin d’exception
Prix : env. 36 €
Le Prim Verd 2007
Cépages : Petit Verdot 100 %
Vignes de 40 ans
Sélection parcellaire, vendange manuelle et égrappée partiellement
Elevage de 28 mois en fûts de chêne de 1,2 et 3 vins, sans collage et sans filtration
Garde : Plus de 20 ans
Carafage : 2 heures
Dégustation : Robe d’encre noire et d’une extrême profondeur, Nez concentré qui évolue après une longue aération sur la violette, la réglisse, le cassis et les épices orientales
Bouche ultra-concentrée de gros calibre sur la puissance et la vinosité, équilibre parfait entre le gras et la vivacité
Accord : Un gigot d’agneau aux épices douce
Prix : env. 39€
Le Renard Blanc Oméga 2015 (dans mon Top 5 des blancs du Languedoc)
Cépages : 100 % Grenache Gris
Des vignes de 80 ans vendangée à la main, 12 mois d’élevage en demi-muid de 600 litres Stockinger (la Rolls des barriques)
De très faibles rendements moins de 20 hl/ha
Production confidentielle de 900 bouteilles (cette cuvée produite qu’en 2005 et 2015)
Garde : 15 ans
Dégustation : Robe dorée, Nez très fin, parfums capiteux, boisé vanillé et fruits exotiques, Bouche remarquablement intense et délicate. Superbe équilibre aromatique, texture soyeuse. Fraîcheur omniprésente. Une finale généreuse très persistante. Une tension rare pour un vin du sud.
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