Culture

Marathon, la course du messager (Musée de la poste)

Auteur : Baptiste Le Guay 
Article publié le 23 septembre 2024

Effet euphorisant des Jeux Olympiques, l’exposition du Musée de la Poste est prolongée jusqu’au 4 novembre 2024. Elle fait avec son catalogue érudit (éditions Invenit) le lien entre la course mythique du messager porteur de l’annonce de la victoire de Marathon, Philippidès qui s’épuise à atteindre son destinataire, et la mission de service public de la Poste pour la distribution du courrier. L’ épreuve invention moderne inscrite aux Ier Jeux Olympiques de 1896 par le philologue Michel Bréal est devenu le symbole du dépassement de soi, pour Baptiste Le Guay, nourri d’imaginaire entre des références antiques et exploits d’athlètes contemporains.

Du mythe du dépassement à la mission de service public

Luc-Olivier Merson, Le soldat de Marathon, 1869, Photo Baptiste Le Guay

Le nom de cette course vient de la légende où vers 490 av J.C le messager grec Philippidès court jusqu’à Athènes, à près de 40km, pour annoncer la victoire de son peuple sur les envahisseurs perses avant de mourir d’épuisement sur le coup. Philippidès peut ainsi être considéré comme l’ancêtre du facteur, bien qu’il rencontre un destin plus tragique, contribuant massivement à bâtir la légende de la discipline olympique.

« Par association d’idées, les Jeux nous ont renvoyés à la Grèce Antique, et en réfléchissant à la fonction première de La Poste, à savoir délivrer des messages, nous nous sommes souvenus de l’histoire du coureur de Marathon »
Jean-Marc Huitorel et Dominique Marchès, les deux commissaires de l’exposition.

Maquette acceptée, émission commune France-Grèce/ Jeux olympiques d’été de Barcelone, 1992, photo Baptiste Le Guay

Les timbres inspirés par la Grèce antique

Avant d’être concurrencé par le courrier numérique, le timbre était synonyme d’autorité postale, permettant au courrier de circuler librement. Chaque timbre contient une information, que ce soit un événement politique, historique, commémoratif ou artistique, comme ceux émis par la poste grecque en 1896 à l’occasion des 1er Jeux Olympiques modernes, à l’image des vases panathénaïques. Les timbres en émission commune France-Grèce aux JO d’été de Barcelone en 1992 sont également reconnaissables et réputés.

Maquettes des timbres postaux, entre 1950 et 1962, photo Baptiste Le Guay

L’héroïsme quotidien des facteurs ruraux

Moins bien rémunérés et considérés que les facteurs des villes, les facteurs de campagne doivent parfois cumuler un autre emploi afin de joindre les deux bouts financièrement. Ils n’ont au départ pas d’uniforme avant de se concerter pour adopter une tenue typique : un manteau bleu coiffés d’un képi, ils portent aussi une sacoche en bandoulière. Au départ, les facteurs ruraux sont souvent d’anciens militaires, recrutés pour leur endurance physique afin de parcourir des distances importantes.

Le Facteur Cheval, figure artistique décalée

L’un d’entre eux est surnommé le facteur cheval, de son nom Ferdinand Cheval. Connu pour avoir bâti le délirant « Palais Idéal » à Hauterives (Drôme), il va créer cette construction après avoir buté sur un caillou à la forme intrigante. Il va carrément faire deux fois 20 kilomètres par jour avec sa brouette afin de bâtir son édifice spectaculaire. Il parcourait ainsi la distance d’un marathon au quotidien, pour ensuite construire un palais à l’apparence absurde, interpellant le voisinage.

Des références antiques aux portraits d’athlètes contemporains

Tous les niveaux de lecture s’entremêlent et se répondent. L’idée du corps en mouvement est illustrée par des sculptures de coureurs (Coureur par Germaine Richier, 1955), ou d’autres liées à la marche et aux pieds (La marche par Edouard Fraisse ; Éloge de la déambulation par Philippe Ramette, 2022) pour s’ouvrir de grandes figures de la Course, qui a créé ses propres imaginaires.

Photo et maillot n°71 porté par El Ouafi Boughéra pendant les JO de 1928, photo Baptiste Le Guay

L’histoire tragique d’El Ouafi Boughéra

Boughéra El Ouafi est un coureur français d’origine algérienne, il décroche contre toute attente la médaille d’or des Jeux Olympiques à Amsterdam en 1928. Suite à son exploit sportif, l’athlète va participer à une course rémunérée à New-York la même année. Dans un esprit où il était décrié pour les sportifs olympiques de courir professionnellement, son « non amateurisme » lui vaudra une disqualification et un retrait de sa médaille d’or. Une longue descente aux enfers s’en suivra.

Il devient ouvrier pour les usines Alstom avant de subir un accident et d’être dans l’incapacité de travailler. Pour aggraver son destin funeste, il finira dans la misère, sans le sou, avant d’être assassiné brutalement par balles, sans trop savoir pourquoi on voulait le tuer d’ailleurs.

Jacky Hunt-Broersma, marathon en 2022, photo Baptiste Le Guay

Le record paralympique battu

En 2022, l’athlète américaine Jacky Hunt-Broersma amputée d’une jambe, s’illustre en parcourant 104 marathons, en 104 jours ! Elle bat ainsi le record précédant tenue par une coureuse britannique en le dépassant de 3 marathons supplémentaires. Un message au personne privé d’un membre, montrant qu’avec une détermination hors-du commun, même les handicapés sont capables de records éblouissants. L’athlète œuvre notamment pour une association dans ce but.

Un vibrant hommage au dépassement de soi par la course

Réputée pour sa difficulté physique où le mental doit tenir avant que le corps ne lâche, l’épreuve sportive du Marathon a depuis sa création construit elle aussi sa mythologie… à laquelle la Poste essaie sans totalement convaincre d’y ajouter les Postiers ! Les 160 œuvres rassemblées sont intéressantes pour la plupart, bien distribuées dans un parcours ludique et accessible pour les plus jeunes.
N’hésitez donc pas à y amener vos enfants pour leur rappeler les exigences physiques de la distribution du courrier papier !

Baptiste Le Guay

Pour aller plus loin

jusqu’au 4 novembre 2024, Musée de la Poste , 34 boulevard Vaugirard, Paris 15.
Ouvert tous les jours de 11 à 18h sauf le mardi.

Catalogue, de Jean-Marc Huitorel et Dominique Marchès, éditions Invenit, 111 p. 22€ La course comme moyen de déplacement, et expérience à part entière. Avec en particulier une approche utilitaire comme porteuse de message, où le média et le médium deviennent indissociables. A travers les 160 œuvres et supports qui l’animent : des extraits de films, des affiches et des journaux, des objets sportifs, des textes, des bandes dessinées et autres courses graphiques, … le parcours multiplie les évocations des méandres du message, afin de découvrir les multiples facettes de la course et du messager.

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