Lifestyle

Pour Bloc de l’Est, le mobilier de l’Est n’a rien à envier au mobilier scandinave

Auteur : Baptiste Le Guay
Article publié le 2 novembre 2022

A l’occasion du Paris Design Temple, Singular’s a rencontré des designers de meubles comme Bloc de l’Est, une enseigne qui restaure principalement des fauteuils provenant du bloc soviétique entre les années 50 et 70. Dans son magasin vitrine, Kamila Sokolska, polonaise d’origine et créatrice de la marque revient sur 10 ans de passion pour le mobilier vintage en provenance de l’ex-URSS (Pologne, exRDA, ex Tchécoslovaquie).

La fondatrice de Bloc de l’Est, Kamila Sokolska dans son magasin, Paris 9, photo Baptiste Le Guay

Qu’est-ce qui vous a poussée à créer un magasin entièrement destiné au mobilier Est-européen de l’époque soviétique ?

Kamila Sokolska : Mon mobilier répond au besoin des petits appartements à Paris, les surfaces correspondent bien à mes meubles. C’était le cas des logements soviétiques de l’époque avec des barres d’immeubles en béton. C’était des logements entre 45 à 60m2 pour des familles de 4 à 5 personnes. Tout le monde avait un peu près le même mobilier chez soi, ce qui me permet de chiner beaucoup de pièces de ce type.

Le mobilier de l’Est n’a rien à envier au mobilier scandinave,
autant dans les finitions que la qualité de production.

Où-est-ce que vous chinez vos pièces justement ?

Le showroom de Bloc de l’Est, Paris 9e photo Instagram de @blocdelest

Je chine mes pièces en Pologne, étant moi-même polonaise d’origine. Notre atelier se trouve entre la frontière polonaise et allemande. L’atelier est tenu par mon père, nous avons un tapissier et des ébénistes également. Je chine parfois des pièces françaises aussi mais tout est restauré. Notre équipe est composée de tapissiers et de ébénistes. Je chine même parfois des pièces françaises ! Tout est restauré intégralement par la suite.

Comment restaurez-vous les pièces de votre collection ?

Toutes les pièces collectées sont restaurées. Je suis spécialisé dans le mobilier entre les années 50 jusqu’à 90. Pour les pièces françaises que je chine, elles viennent des années 2000. Je ne vais pas plus loin car je cherche un travail bien fait sans obsolescence programmée. Je cherche du travail qui provient d’un atelier avec un assemblage à la main. Les pièces viennent de Pologne, d’Allemagne de l’est et de l’ex-Tchécoslovaquie.

Certains fauteuils sont signés par des designers de l’époque, pourquoi la discrétion était cruciale à ce moment ?

Le principe du communisme est que tout est pour le peuple, nous ne pouvions pas nous vanter. Depuis une dizaine voire une quinzaine d’années, nous retrouvons des designers qui ont signés de pièces emblématiques produites en série comme Josef Chierowski, réédité par la marque polonaise 366 Concept avec d’autres de ses modèles. Les fauteuils étaient faits en fibre de verre, très beau mais trop avant-gardiste pour la région. Le mobilier de l’est est bien dessiné et très résistant, il n’a rien à envier au mobilier scandinave au niveau des finitions et de la qualité de production.

Comment se répartie votre clientèle ?

Fauteuil ex RDA Vert émeraude, Photo Instagram de @blocdelest

Avant de lancer ma marque, j’ai fait une étude de marché en demandant à des amis ce qu’ils pensaient de nom « Bloc de l’Est » et ils pensaient que c’était mal connoté. Au final ça a été un succès, ça faisait rigoler les gens et ils ne s’attendaient pas à quelque chose d’aussi beau. Avec le rideau de fer, les européens de l’ouest ne savaient pas ce qu’il se passait là-bas. Malheureusement, le bloc soviétique était mal vu, la guerre froide et les services secrets lui donnaient une mauvaise image auprès du reste du monde.

Ma clientèle n’a rien à voir avec le bloc soviétique en général,
elle cherche juste du mobilier petit, pragmatique et coloré.

On parle beaucoup de seconde main, de mobilier durable, considérez-vous être dans cette catégorie ?

Oui entièrement, nous récupérons un maximum de choses. S’il faut remplacer un accoudoir, nous allons chercher une pièce dans l’atelier. Nous récupérons un maximum de choses par contre la rénovation passe par l’achat de matière première. En revanche, nous ne produisons pas de meubles sauf une exception, un modèle de table basse dessiné par moi-même.

Peut-on dire d’une marque qu’elle est durable lorsque ses produits ne sont pas accessibles au plus grand nombre ?

Modèle Varsovie. Photo Instagram de @blocdelest

Une enseigne comme Ikea propose évidemment des produits moins chers que Bloc de l’Est. Ils proposent un fauteuil aux alentours des 400 euros et très souvent des personnes me demandent de les retapisser. Je refuse. Mes pièces sont vraiment restaurées comme elles étaient à l’époque. La différence entre une pièce d’Ikea et mon enseigne est de 150 euros, pour un meuble qui ne durera pas 5, mais 15 ou 20 ans. La pièce peut être customisée, je peux conseiller la personne si elle déménage car je fais aussi de la décoration d’intérieur.

Comment faire comprendre le choix de mettre 20 à 25% supplémentaire à l’achat d’un fauteuil ?

Avant tout c’est plus joli, qualitatif et coloré. Chez Ikea vous avez 3 à 4 choix de tissu seulement, chez moi vous en avez 2000, dans des matières très différentes. Je peux voir des photos du logement ou me déplacer chez le client pour le conseiller, l’approche n’est pas la même. Il y a une personnalisation où le client sort avec un produit unique qu’il sera le seul à posséder chez lui. On se sent mieux chez soi quand le produit nous correspond. Il y aussi l’engagement du durable que je fais depuis dix ans.

J’ai plein de tissu qui viennent de bouteilles recyclées,
c’est quelque chose qui fait partie de l’ADN de Bloc de l’Est.

Êtes-vous fière du mobilier soviétique et pourquoi ?

Modèle FOX Photo Instagram de @blocdelest

Le design de l’Est est tout à fait compétitif avec n’importe quel autre design. Il m’arrive d’installer mes fauteuils des appartements somptueux à Paris ou des grandes maisons en banlieue, et de poser mes pièces à côté de celles d’Eames. Je m’occupe des livraisons ce qui me permet de rester prêt des clients et échanger avec eux. Mes fauteuils sont garantis à vie : si quelqu’un fait un trou de cigarette, une tache indélébile ou un accoudoir cassé, c’est payant mais je propose un petit tarif. J’ai beaucoup de clients qui reviennent car ils sont satisfaits de mes produits. Ça m’arrive souvent d’être recommandée, mon business est familial ce qui me permet d’avoir la main sur tout.

C’est important pour moi de savoir où et comment mon fauteuil
est disposé chez mon client.

Pour en savoir plus sur Bloc de l’Est

Bloc de l’Est, 28 Rue Condorcet, 75009 Paris

Photo collection Bloc de l’Est, photo Instagram de @blocdelest

Texte

Partager

Articles similaires

Courbet, la maison de joaillerie éco-responsable de la Place Vendôme

Voir l'article

Sculpter les Sens, Iris Van Herpen annonce l’émerveillement du monde à venir (MAD Paris)

Voir l'article

Alexandre Esteves transforme des objets hors d’usage en design « low tech »

Voir l'article

Parfums d’Orient ou la civilisation des senteurs (Institut du Monde Arabe IMA – Skira)

Voir l'article