Culture

Pour et contre le dernier opus de David Gilmour, Luck and Strange ?

Auteur : Jean de Faultrier
Article publié le 14 septembre 2024

The Pros and Cons of a new album : Jean de Faultrier assume ce sous-titre provocateur, pour la communauté floydienne éclatée, mais il est irrésistible une fois écouté le dernier opus de David Gilmour (78 ans), sorti (coïncidence ?) le jour de l’anniversaire de Roger Waters 81 ans (allez comprendre pourquoi). Pour l’écouter live, notre mélomane regrette que la tournée européenne ne passe pas à Paris : Circo Massimo de Rome (du 27 au 3 octobre), Royal Albert Hall de Londres (9 au 15 octobre).

A l’écoute, le CD est incontestablement agréable

D’ailleurs la plupart des critiques, éclairés ou convaincus selon les cas ou les médias, vont dans ce sens. La musique est bien celle qui nous est coutumière et que l’on aime, celle faite d’un toucher de cordes inégalable, d’un boisé de glissements, d’innombrables décrochages harmoniques à la fois jouissifs, généreux, et toujours humains.

Les textes de Polly Samson s’inscrivent fluidement dans les mélodies et les déclinaisons d’accords et le tout s’écoute avec une impression d’encore où s’équilibrent une forme de joie et des aspirations de réconfort.

Se promener sur un territoire familier fait du bien, familial qui plus est quand les membres du clan Gilmour tout entier y vont de leur contribution, qu’elle soit discrète ou de premier plan, selon les prénoms et les titres.

Alors, y a-t-il un mais ?

Un premier, oui, petit et interrogatif. Au fond, contrairement à ce qu’affichent des discours multiples de l’intérieur de la production ou de l’extérieur dans la presse, on ne ressent pas l’avancée d’un homme sur de nouveaux territoires, bien au contraire Gilmour fait du Gilmour et quand tel n’est pas totalement le cas, on est un peu moins acquis à la cause.

Un deuxième peut-être aussi, sur le versant dimensionnel des choses : sur soixante-deux minutes de nouveauté, près de dix-neuf sont du recyclage, avec certes un hommage touchant au bandmate disparu, mais ça reste du recyclage. A cela s’ajoutent six minutes d’interprétation d’une œuvre exogène, réussie certes, mais pas de la seule veine du DG.

Il reste qu’ayant atteint un âge respectable et doyen d’une famille étendue, Gilmour s’inscrit dans un cycle de transmission, avec bonheur dont le sien sans aucun doute, dont le nôtre également.

Ainsi Romany Gilmour (22 ans, voix et harpe) interprète délicatement une pièce des Montgolfier Brothers de 1999 dans une veine de parenté qui dévoile un peu plus une perpétuation positive que l’on avait déjà découverte.

Au fond, il n’échappera à personne que si de tels musiciens, dont le parcours se déploie sur plus de six décennies, considèrent artistiquement et politiquement leur vie d’une manière nuancée, ils expriment une part de leur âme avec une convergence touchante qui force le respect.

La mortalité, l’âge, le temps qui file, autant de mots qui reviennent avec une douceur parfois paradoxale dans leurs discours finalement homogènes très heureusement mis en musique.

En 1972, Gilmour accompagnait Waters à la guitare quand ce dernier chantait :

« Life is a short, warm moment/And death is a long cold rest.
You get your chance to try in the twinkling of an eye:
Eighty years, with luck, or even less. »
(Free Four, in “Obscured by Clouds”).

Eighty years… Oui, on y arrive.

Les plus :

  • Gilmour, une voix et des accords qui nous font nous sentir encore un peu hors du temps.
  • Un enregistrement qui porte la qualité physique du son à des niveaux jubilatoires et le mixage à la qualité de la haute orfèvrerie.

Les moins :

  • La voix est parfois poussée, trop hors des limites raisonnables pour rester agréable. L’âge ?

L’édition régulière des sessions « Barn Jams», au-delà de l’intérêt que représente une création génétique, me semblent produire deux effets négatifs : une répétitivité quasi systémique sans innovation, une rétrospection négative ou déceptive pouvant affecter par exemple le dessein de « The Endless River » (2014).

Jean de Faultrier

Pour suivre David Gilmour

Le site officiel de David Gilmour

La chaine youtube de David Gilmour

Les CD de David Gilmour (sans les autres)

Studio

  • David Gilmour – Parlophone UK, mai 1978.
  • About Face – Parlophone UK, mars 1984.
  • On an Island – Parlophone UK, mars 2006.
  • Ratle that Lock – Columbia, septembre 2015.
  • Luck and Strange – Legacy Recordings, septembre 2024.

Live

  • Live in Gdansk – Parlophone UK, Juillet 2008.
  • Live at Pompeï – Columbia, septembre 2017.

Tournée à venir

  • 27, 28, 29 septembre – 1,2,3 octobre, Circo Massimo, Rome,
  • 9 au 15 octobre, Royal Albert Hall, Londres,
  • 25, Intuit Dome, 29, 30 et 31, Hollywood Bowl, Los Angeles,
  • 4 au 10 novembre, Madison Square Garden, New York, rien en France.

(Hum, tout semble déjà complet)

texte

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