Rabelais, Anouilh, Michalik, Barbier, Bouvier et Murillo : six conseils pour la rentrée théâtrale

Avec une saison qui commence sur les chapeaux de roue, l’équipe de Singular’s vous recommande six valeurs sûres et pour cause, se sont des reprises ! et promettent de véritables ascenseurs émotionnelles. Chacun a sa manière mais avec une qualité de texte, de jeu d’acteurs et de profondeur toujours nourrissantes : Gargantua, de Rabelais, par Pierre-Olivier Mornas, Pauvre Bitos ou Le dîner de têtes, de Jean Anouilh, par Thierry Harcourt, Passeport, d’Alexis Michalik, Le Tour du Théâtre en 80 minutes, de Christophe Barbier, L’usage du monde, de Nicolas Bouvier, avec Samuel Labarthe et Pauline & Carton, de et avec Christine Murillo. Bonne rentrée!

Gargantua, de Rabelais, par Pierre-Olivier Mornas (Théâtre de Poche Montparnasse)

Gargantua, de Rabelais, adapté et joué par Pierre-Olivier Mornas (Théâtre de Poche) Photo Alejandro Guerrero

Bon pied bon œil, Gargantua sort des anthologies scolaires où il est cantonné pour s’incarner au Théâtre de Poche Montparnasse. Le héros paillard de François Rabelais se libère du carcan stérilisant de l’analyse littéraire (déjà avec Sainte Beuve !) pour libérer la force irrésistible de son verbe.
L’adaptation et le jeu de  en extraient tout le jus goûtu et bio tant il est sans additif– oups plutôt la ‘substantifique moelle’ – tant les mots charrient une exubération réjouissante, loin d’être réduite à sa seule utopie humaniste. Il fallait oser face au kisch aseptisant très tendance. Pari tenu puisqu’il entame une nouvelle saison. Pour en savoir plus  

Pauvre Bitos ou Le dîner de têtes, de Jean Anouilh, par Thierry Harcourt (Théâtre Hébertot)

La mise en scène efficace de Thierry Harcourt  de Pauvre Bitos ou le Diner de têtes tire toute la moelle cruelle de Jean Anouilh (Théâtre Hèbertot) Photo Bernard Richebé

Bien avant Le Diner de cons que Francis Weber a d’abord conçue pour le théâtre en 1993, Jean Anouilh avait écrit Pauvre Bitos ou Le diner de têtes en 1955 sur le même principe; un quidam n’est invité à une réception que pour être humilié. Sa création fit scandale pour sa violence féroce contre une Epuration hypocrite et lâche. Invisible depuis 1967, après son succès la saison dernière, Thierry Harcourt la reprend au Théâtre Hébertot du 11 octobre au 5 janvier 2025 et prouve que l’efficacité de cette farce noire et grinçante à souhait n’a rien perdu ni de sa force, ni de sa modernité contre la bêtise, surtout quand elle se pare de la vertu. Tous les Bitos du monde s’y retrouveront, parie Olivier Olgan et riront de la légende noire du cave qui se rebiffe, grâce à une distribution brillante menée par Maxime d’Aboville dans le rôle-titre ! Pour en savoir plus

Alexis Michalik, avec Passeport s’attaque à un dramatique enjeu sociétal Théatre de la Renaissance Photo Alejandro Guerrero

Passeport, d’Alexis Michalik (Théâtre de la Renaissance)

Depuis Le Porteur d’histoires, crée en 2013 et joué dans le monde entier, Alexis Michalik cumule sans fausse note les triomphes; Le Cercle des Illusionnistes, Intramuros, Edmond, Une Histoire d’amour, Les Producteurs. Dernier en date, Passeport, joué au Théâtre de la Renaissance jusqu’au 5 janvier 2025, le romancier, dramaturge et metteur en scène bouscule avec empathie les stéréotypes sur la question sensible de l’immigration, et des réfugiés, qu’il dissèque à hauteur d’homme, souligne Patricia de Figueiredo, soutenue par une mise en scène au cordeau et la cohérence d’une troupe d’ acteurs caméléons à l’unisson. Pour en savoir plus

Le Tour du Théâtre en 80 minutes, de Christophe Barbier (Théâtre de Poche-Montparnasse)

Christophe Barbier utilise tous les ressorts de la comédie pour son Tour du théâtre en 80 minutes (Théâtre de Poche-Montparnasse) Photo Raphaëlle Gaillarde

« Quatre-vingts minutes pour comprendre qu’entrer en scène n’est pas une question de vie ou de mort : c’est beaucoup plus important ». Habitué du théâtre politique, Christophe Barbier reprend Le Tour du Théâtre en 80 minutes au Théâtre de Poche-Montparnasse jusqu’au 4 novembre 2024, le lundi à 21h. C’est avec une gourmandise communicative que le très médiatique journaliste troque son écharpe rouge pour le costume de bateleur de scène. Et il sait y faire ! De sa langue inimitable, il nous plonge dans le paradoxe du comédien, dévoile les liens entre théâtre, religion et politique. Il convainc brillamment Olivier Olgan que nous avons beaucoup à apprendre sur notre monde et nous-même du miroir – autant clairvoyant que réfléchi – que nous tend le théâtre. Pour en savoir plus

 

L’usage du monde, de Nicolas Bouvier, avec Samuel Labarthe (Théâtre de Poche)

Pour la mise en scène de L’usage du monde, Catherine Schaub a choisi la carte du multimédia utilisé avec sobriété (Théâtre de Poche Montparnasse) Photo Émilie Brouchon

S’il reconnait que le voyage n’est pas fait pour lui, non pas peur des autres, mais de leurs pratiques alimentaires, Patrice Gree aime les voyageurs et leurs récits. Dans ses évasions en fauteuil, le pantouflard assumé a beaucoup apprécié, L’usage du monde au Théâtre de Poche Montparnasse dans une mise en scène sobre, efficace et belle de Catherine Schaub. Samuel Labarthe incarne avec beaucoup de justesse et d’humour, l’écrivain voyageur Nicolas Bouvier qui écrivait :

On croit faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait.

Faites vite cette philosophie pénétrante du voyage se prolonge jusqu’au 17 novembre. Pour en savoir plus

Pauline & Carton, de et avec Christine Murillo (La Scala Provence)

Christine Murillo incarne Pauline et Carton (La Scala Provence) Photo Thomas O’Brien

Avec truculence, Christine Murillo reprend son hommage à Pauline Carton (1884 – 1974) mythique actrice populaire dans des seconds rôles de bonne, de concierge et de mégère non domestiquée. Pour Patrice Gree, elle ressuscite celle que Sacha Guitry appelait « ma bibliothèque ambulante » qui fut sa complice et réinvente Carton à la Scala Provence du 2 au 21 juillet (pour le reprendre ensuite pour une seconde saison du 22 septembre au 25 novembre à la Scala Paris). Son rire vous habite longtemps après le spectacle, gage de réussite sans autre prétention. Pour en savoir plus

L’équipe de Singular’s