Voyages

Un soir à Belle-Ile-en-Mer, Port-Coton (Morbihan)

Auteur : Jean de Faultrier
Article publié le 21 juin 2022

Carnet d’horizons Il est des lieux dont on a envie de parler, en même temps, on aimerait les garder pour soi. Comment conjuguer ce plaisir du partage et la jalouse nécessité de ne pas ébruiter le fragile ou l’éphémère ?
Une brassée de mimosas dans le regard, le cantique de l’océan dans les oreilles, la journée peut prendre fin à Belle-Ile-en-Mer, juste de l’autre côté d’une petite traversée heureuse.

Sous le ballet des mouettes en quête conflictuelle de nourriture facile, la croisière a commencé, un thé chaud à la main pour lutter contre le vent austère qui frappe le pont du navire comme les vagues tambourinent sur sa proue. Car il fait frais, très frais, en ce milieu d’après-midi, mais il n’est pas concevable de ne pas jouir de l’horizon déchaîné que propose l’étrave du roulier qui nous emmène au port du Palais. Belle-Ile en février peut être un choix discutable mais tout va s’unir pour démontrer qu’il était excellent.

Une première récompense nous attend dès que le bateau accoste : le petit port est calme, la circulation inexistante, l’air vivifiant. A peine sortis de la ville, une autre gratification nous est offerte : des nuées de mimosas s’échappent avec exubérance des jardins fermés jusqu’à l’été prochain, ils sautent les murets blancs et répandent alentour leur parfum à la fois capiteux et aérien à la mesure de leur opulente floraison.

Envague (Belle-Ile-en-Mer), Mimosas Photo Jean de Faultrier

L’île déserte se traverse d’un trait rapide, l’hôtel est tout à l’attention du peu de monde venu célébrer une solitude réconfortante. En cette saison, s’il reste encore quelques heures avant le soir, il ne reste que peu de temps avant la nuit. Alors, ce temps il faut l’habiter, il faut s’adosser à l’air iodé qui glisse à toute vitesse sur la lande, filer en ciré sur le sentier sablonneux et sentir les ajoncs griffer les jambes. Au-dessus de nous, le ciel se joue du vent qui malaxe les nuages, certains s’étirent, d’autres se gonflent, d’autres encore s’aventurent plus près de la lumière.

Le soir sculpte le ciel de la Côte sauvage Photo Jean de Faultrier

Tout va très vite alors, l’océan commence à se défaire de ses reflets, les vagues ont rangé l’écume et n’agressent plus les rochers, le soleil surveille tout ça, de moins en moins haut cependant comme acquis à nous laisser la nuit et veiller à d’autres horizons ultramarins. Même la rumeur du ressac s’estompe, ce n’est presque plus le jour, ce n’est pas encore le crépuscule.

Le soleil embrase et irradie. Belle île en mer Photo Jean de Faultrier

Le chemin s’arrête là, encore quelques pas et le vide prend toute la place. Il ouvre en même temps une scène fugace, un amphithéâtre où se joue en quelques scènes précaires un opéra enflammé, une symphonie flamboyante, une fin du jour comme une fin du monde. Un volcan d’éther embrase les cieux comme un torrent de lave inversé. De grands goélands bruns zigzaguent avec ampleur, gobant d’en haut ce que notre regard tente d’accaparer depuis la terre, le ciel ralentit soudain son ballet moiré et tire un long rideau pour laisser le soleil se dénuder devant un autre occident.

Le ciel, comme une lave inversée. Belle île Photo Jean de Faultrier

Il faut rentrer, savourer à l’avance un dîner dans le confort moelleux de l’hôtel attiédi par un feu de bois, il faut laisser derrière soi un rideau noir recouvrir les flots rendus à l’invisible et sentir au-dessus de soi un champ de lave incandescente qui n’est que l’écho de ce qui se joue maintenant en pleine lumière sous ces autres longitudes.

Un court instant avant la nuit, le ciel est une braise incandescente. Belle Ile en mer Photo Jean de Faultrier

Port-Coton, Belle-Ile-en-Mer, fin de l’hiver (Morbihan).

Plus de feuillets du Carnet d’horizons

La plus grande des îles bretonnes, avec ses 4 communes comme autant de visages
desservie toute l’année, entre traversée et croisière, l’hésitation est compréhensible :

  • au départ de Quiberon, les quarante-cinq minutes de traversée ont tout d’une croisière, le temps d’en profiter ne se compte pas,
  • de Vannes, de Port- Navalo, traversée en une ou deux heures.

Faire le tour de Belle-Île, 85 km de randonnée magique sur le sentier côtier GR34
« Au printemps à Belle-île, Dame Nature peut être d’humeur changeante, douce ou rebelle, mais que vous soyez amateur de sport de glisse, de saveurs iodées, féru d’art ou toujours partant pour l’aventure, vous trouverez toujours le meilleur de l’île à travers des expériences uniques.
Ravivez vos 5 sens en caressant le sable, en goûtant aux saveurs 100% bretonnes, en écoutant le son de l’océan, en vous laissant impressionner par l’explosion des couleurs de la nature et en sentant l’odeur de coco caractéristique des ajoncs en fleurs. »

5 hébergements

Se restaurer

  • Le Grain de Sel, Quai Joseph Naudin, 56360 Sauzon
  • L’Abri Cotier, Quai Guerveur, 56360 Sauzon
  • Roz Avel, Rue du Lieutenant Riou, 56360 Sauzon
  • Le Transat, Belle Ile, Rue des Acadiens, 56360 Locmaria
  • La Touline, Quai de l’Acadie, 56360 Le Palais
  • Le 180°, Port Goulphar, 56360 Bangor

Lire

  • Le littoral et les îles du Morbihan, FFRP 9e édition, 2022
  • Belle-Ile-en-Mer – 14 balades, Alain Le Borgne (Editions Ouest France, 2017)
  • Fantaisie vagabonde, en Bretagne avec Flaubert, de Thierry Dussard (Paulsen)
  • La côte d’Emeraude secrète et insolite, Bruno Calves, 2018

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