Vins & spirits

Saké et vin, si proches, si loin ! Au commencement était le riz… (I)

Auteur : François Collombet
Article publié le 5 octobre 2018 à 12 h 34 min – Mis à jour le 11 octobre 2018 à 1 h 25 min

Entre vin et saké (nihonshu en japonais), c’est à s’y méprendre ! Comme pour le vin, il existe des sakés grands crus, des sakés secs, des sakés doux voire liquoreux, des sakés effervescents, peu alcoolisés et très branchés. Singular’s vous fait découvrir, en deux volets, ce « vin de riz » encore assez méconnu mais qui s’installe hors de son pays natal et conquiert de plus en plus de palais.

L’équivalent d’un grand Bourgogne

Le saké* est prêt à conquérir le monde. C’est déjà la boisson tendance de New York à Londres, de Berlin à Sidney. Et il le devient à Paris. En France, on assiste ainsi à la naissance des premières micro-brasseries à saké. Alors, Kanpai ! (乾杯 = かんぱい) à votre santé ! Pour découvrir et percer les secrets du saké, dont certains crus sont considérés comme l’équivalent de grands vins blancs et pour devenir connaisseur, la meilleure façon d’apprendre, à l’instar du vin, c’est encore avec le palais. Mais, question saké, il faut en connaître les codes, l’histoire, la géographie, les principaux riz à saké, l’eau qui marque chaque saké et qui signe le terroir, les processus de fabrication, les catégories aussi complexes que pour le vin, les appellations et les différents noms des préfectures et des grands brasseurs (brasserie=kura) qui y sont établis depuis souvent plus de 2 siècles. Ajoutons dores et déjà que le saké n’est pas un alcool fort. Il titre en moyenne comme un vin.

Voyons dans ce 1er volet d’articles l’histoire du saké, si profondément liée au shintoïsme (« la voie des dieux »), avec quels riz (pour les plus grands sakés) il est produit, comment s’y reconnaître dans le classement des sakés (qui semble aussi alambiqué que celui du vin) et comment le déguster. Nous aborderons dans un prochain article (volet II), sa fabrication, les grands terroirs à saké délimités par l’eau qui tient une grande importance pour la qualité du produit, et nous ferons le tour des grands brasseurs japonais, et des premiers producteurs français.

*o-sake est le terme en japonais qui désigne une boisson alcoolisée. Il a un sens plus général qu’en France ; Nihonshu, alcool en japonais étant le terme utilisé pour désigner cet alcool de riz. Le saké, vin de riz ne doit pas être confondu avec le saké chinois, le Baiju, qui est un spiritueux (distillation de riz) ou le Shochu qui est aussi un spiritueux japonais (distillation de riz ou patate douce).

Situé au pied du mont Miwa où l’empereur Jimmu et ses partisans se sont installés dans la préfecture de Nara, le sanctuaire d’Omiwa est le plus ancien sanctuaire shintoïste du Japon et le sanctuaire des brasseurs de saké. Photo © DR

Une très brève histoire du saké lié à la religion shintô

Le saké serait arrivé dans l’archipel vers le IIIe siècle, avec le développement de la riziculture. Sa fabrication était alors réservée aux prêtresses qui mâchaient le riz avant de le laisser fermenter, grâce aux enzymes contenues dans la salive. Ce sont les Chinois qui à l’époque médiévale, apprirent aux Japonais à fabriquer le qû, dénommé au Japon kōji utilisé pour convertir l’amidon du riz en sucre, avant de réaliser la fermentation alcoolique grâce à l’action de levures. Ce premier saké fut ensuite fabriqué à la cour impériale par les moines shintoïstes. A partir du XIIe siècle, les méthodes de brassage évoluent. Les sanctuaires utilisent désormais des cuves dans lesquelles l’eau et le riz sont mélangés. Dès l’origine, le saké a été dans l’archipel japonais la boisson des dieux et des fêtes. Depuis les temps anciens, on voue au riz un grand respect. Le saké, qui est le fruit de sa fermentation, est considéré comme renfermant un pouvoir spirituel. Il a toujours été lié à la religion shintô, religion animiste qui considère que tous les êtres, les arbres, les animaux, les pierres sont des divinités. Il va donc servir d’offrande, mais aussi permettre de communiquer avec celles-ci. L’empereur qui selon la tradition shintoïste, est le descendant de la déesse du Soleil, l’une des deux principales divinités du shintô, dispose de sa propre cuvée spécialement préparée à son attention et produite à partir de sa rizière personnelle (depuis 1945, l’empereur n’est plus un “dieu humain visible”).

Les très grands riz à saké et le polissage

Ces rizières de la vallée d’Hakuba se situent au nord-est de la préfecture de Nagano, au cœur des Alpes japonaises. Photo © DR

On parle de riz sakéifaires, à vouloir les dénombrer, il en existerait presque 100 de la variété japonica enregistrés officiellement et développés pour le saké, la plupart étant le fruit de croisements sur plusieurs générations. A l’instar de la vigne, il existe aussi des cépages de riz marqués par des arômes différents. Pour le saké, on utilise une catégorie spéciale appelée sakamai qui contient beaucoup d’amidon. Et c’est le Kôji (champignon microscopique de type aspergylus orizae, sorte de moisissure qui se développe sur le riz) qui va dégrader l’amidon en sucre permettant la fermentation en alcool sous l’action des levures. Sur l’étiquette, à l’identique du cépage, la variété du riz utilisé y figure. A titre d’information, les trois principaux riz à saké sont :

  • Yamada Nishiki (préfecture de Hyôgo),
  • Gohyakumangoku (préfecture de Niigata),
  • Miyamanishiki (préfecture de Nagano).
De la gerbe au riz après polissage. Photo © DR

Le polissage du riz s’affiche toujours en %. Il indique ce qu’il reste du grain de riz après polissage (Seimai-buai). Plus le chiffre est bas, meilleur sera le saké. Ainsi, par exemple un Seimai-buai de 40 % signifie que le riz a perdu 60 % de son poids au terme de l’étape de polissage. Des riz sont particulièrement recherchés pour leurs très grandes qualités. Ils proviennent des préfectures d’Hyôgo (Kobé), d’Okayama et de Niigata. On peut citer également le Hattan-nishiki et le Senbon-nishiki de la préfecture de Hiroshima. A titre d’exemple, un saké Junmai Ginjô, nécessite 2 kg de riz (50 % de taux de polissage) pour produire 1 litre de saké.

Cette rizière située dans le village d’Hakuba (Alpes japonaises) aux abords de la ville de Nagano (préfecture de Nagano) produit un riz à saké. Ses grains sont plus gros que la normale, riches en amidon et pauvres en protéines. La teneur élevée en amidon facilite la production d’alcool et la faible teneur en protéines empêche les saveurs de se déliter dans la boisson. Par rapport aux variétés destinées à la table, son grain est plus robuste, un point important pour le polissage du grain (plus difficile à broyer notamment). Photo © DR

Le Yamada Nishiki, sans doute le meilleur riz à saké

Le Yamada Nishiki a pour terroir le district Fujita, à Katô (préfecture de Hyôgo), dans l’ouest de Honshû, là où il est né il y a plus de 80 ans ; un district classé en zone spéciale A qui équivaudrait à un terroir de grand cru classé. Il faut dire qu’ici toutes les conditions sont réunies (climat et sol*) pour une croissance optimale et une pleine maturation des épis. Ainsi, la proximité de la mer intérieure de Sétouchi (surnommée la mer Egée du Japon) avec des hivers doux et des étés chauds garantit un ensoleillement et une humidité stables tout au long de l’année. A cela s’ajoute l’apport d’une bonne fraîcheur nocturne venue des monts Rokkô qui séparent la région de cette mer intérieure. A croire que le climat méditerranéen s’est transposé au pays du soleil levant ! Ultime détail, comme la vigne, l’exposition des rizières dans un axe est-ouest leur permet de bénéficier d’heures d’ensoleillement prolongées.

*Un sol particulièrement riche en magnésium qui favorise la bonne croissance du riz, la grosseur des grains et leur concentration en amidon.

Quand produit-t-on le saké…

C’est une tradition au Japon, le saké est produit pendant l’hiver, lorsque le climat est frais pour assurer un meilleur contrôle de la fermentation du riz. Fin janvier donc, les producteurs japonais procèdent aux ultimes tirages et mises en bouteille. Le shinshu est ainsi le premier tirage de la production de l’année, à découvrir en primeur début février.

Dans quoi le boire…

Si certains sakés peuvent être vieillis (et livrés) en fûts de cèdre japonais (komodaru), des cèdres de la région de Yoshino (préfecture de Nara) ou en fûts d’émail, il existe aussi des Taru sakés en fûts de chêne, une rareté ! Le saké se sert traditionnellement dans un shuki, composé d’un pichet et de tasses en céramique (heishi étant la bouteille et masu, la tasse). En bois, la tasse est surtout utilisée pour des sakés servis chauds. Mais la qualité et la complexité de certains sakés poussent les amateurs à les boire dans des verres à vin (verre INAO).

Place au « saké nouveau »

Tel le Beaujolais nouveau arrivant immanquablement en novembre, le saké nouveau débarque maintenant chaque année début février. Ce « premier » saké est appelé shinshu (saké nouveau)*, un saké plus frais, plus vif que le classique. Il est sans gluten, sans sulfite, et non pasteurisé. Il se consomme dans les 6 semaines suivant son tirage. C’est Youlin Ly, fondateur de la Maison du Saké à Paris, détenteur depuis 2015 du titre de Saké Samourai, qui a eu l’idée de lancer l’opération saké nouveau (shinshu).

Aujourd’hui, il existe près de 1300 producteurs japonais de tailles diverses qui proposent plus de 10 000 sakés différents.

La classification des différentes catégories de saké

A la base, le saké peut être classé en deux catégories, avec ou sans ajout d’alcool. Le premier est appelé alcohol tenka-shu (saké avec ajout d’alcool). Le second Junmai (Pur Saké) fabriqué uniquement avec de l’eau, du riz et du Kôji (Aspergillus oryzae) et de la levure. Mais notons que de plus en plus de brasseries se convertissent à la méthode ultra traditionnelle dite Kimoto. Elle préconise l’utilisation de bactéries naturelles comme le choix de levures indigènes pour le vin. C’est alors un saké à consommer chaud.

Pour la sommelière Sandô Atsuko

les sakés les plus parfumés sont ceux entrant dans la catégorie des ginjô, daiginjô ou junmai daiginjô, qui sont élaborés à partir de riz à haut degré de polissage. Le ginjô et daiginjô sont également connus pour leur goût raffiné et délicat. Le saké honjôzô, qui est confectionné avec une petite quantité d’alcool distillé, a souvent une saveur légère et douce. Le saké junmai, en revanche, est apprécié pour sa saveur umami riche et corsée.

*Sandô Atsuko est une rédactrice réputée dans le domaine de la gastronomie, du vin et des spiritueux. Elle est sommelière membre de la JSA (Association japonaise des sommeliers), et sommelière de saké.

La catégorie de sakés avec alcool

Le saké avec alcool ajouté se classe parmi les catégories :

  • Futsû-shu (saké standard, ou de table)
  • Tokutei-meishoshu (saké en appellation contrôlée, de qualité supérieure) qui comprend les sakés Daiginjô-shu, Ginjô-shu et Honjôzô-shu, chacun ayant ses propres spécificités concernant le taux de polissage du riz et la quantité d’alcool ajoutée.

Pourquoi l’ajout d’alcool ?

Dans l’histoire du saké depuis les origines, il n’est nulle question d’ajout d’alcool. Il n’existait alors que du saké Junmai (Pur Saké). L’ajout d’alcool se fit lors de la seconde guerre mondiale en Mandchourie pour remédier à la pénurie de riz et augmenter la quantité de saké brassé. Après la guerre, l’habitude est restée. Elle permettrait non seulement d’augmenter la quantité produite, mais surtout de réduire les différences de saveur entre les sakés ordinaires et les sakés supérieurs comme les Ginjô-shu.

Les sakés ordinaires (Futsû-Shu)

Le Futsû-shu constitue la majorité de la production du saké au Japon, la plus commune et la plus consommée. Il représente plus de 80 % de l’ensemble du marché du saké et est largement consommé au Japon et dans le monde. Dans cette catégorie de saké, pas de taux de polissage exigé, possibilité aussi de l’additionner avec de d’alcool*. Un saké ordinaire peut recevoir également des ajouts d’acides aminés, de conservateurs ou d’exhausteurs de goût. Si pour ce saké il n’y a pas de règles pour la production, cela ne signifie pas pour autant qu’il s’agit d’un produit de qualité inférieure.

*De l’alcool pur, éthanol à 95° dans la limite de 280 litres/tonnes du poids du riz après polissage. Pour les additifs, la quantité autorisée : maximum 50% du poids du riz après polissage.

Ce saké Kiunotsukasa shuzo (Chrysanthème) d’Iwate est à déguster avec des brochettes. Photo © DR

Les sakés supérieurs (Tokutei Meisho Shu)

Ils sont répertoriés et nommés selon leurs critères de fabrication.

1/ les honjôzô et les junmai

Parmi les sakés japonais dits supérieurs, on retrouve deux catégories : les honjôzô et les junmai.

  • Les honjôzô sont des sakés où le maître brasseur (Toji) ajoute de l’alcool (qui peut être n’importe quel alcool, généralement un alcool pur de canne à sucre, mais pas n’importe quelle quantité).
  • Les junmai sont les sakés purs* sans ajout d’alcool. Un junmai a, en général, plus de corps et plus d’acidité qu’un Honjôzô. Il est aussi plus fin avec des arômes plus prononcés. Ce pur saké est réalisé à partir d’ingrédients simples : de l’eau, du riz, du Kôji (Aspergillus oryzae) et de la levure. Le taux de polissage du riz n’est pas spécialement spécifié mais le riz utilisé est un riz de très grande qualité et la proportion de kome-kôji (ferment de riz) doit être au minimum de 20 à 25 % du poids du riz après polissage. Pour produire un Junmai de qualité et assurer une fermentation correcte des enzymes exogènes peuvent être ajoutées.

* Pur Saké (PureSake©) : Pur Saké signifie saké Junmai. Ce label a été créé afin de promouvoir les meilleures méthodes de fabrication de ce saké à partir des meilleurs ingrédients et d’assurer ainsi une production de sakés de qualité optimale. Ce nouveau label réunit aujourd’hui la plupart des brasseurs de saké Junmai.

2/ Ginjô / Junmai Ginjô (taux de polissage au moins 60 %)

Pour produire un bon saké, il faut polir le riz et plus il est poli, plus le saké est fin.

  • Ginjô (pour des sakés de type honjôzô) est un saké où le taux de polissage (seimai-buai) est d’au moins 60 % (taux qui peut varier). Ce 60 % indiquant qu’il ne reste que 40 % du grain de riz d’origine après le polissage.
  • Junmai ginjô : si le saké est un junmai, il a lui aussi un taux de polissage de moins de 60 % et on l’appellera junmai ginjô. Il aura plus d’arômes qu’un simple junmai. Au nez, l’arôme du riz sera très présent. Un ginjô aura un palais plus riche qu’un honjôzô, avec souvent des arômes floraux. Rappel : les junmai sont les sakés purs sans ajout d’alcool.

3/ Daiginjô / Junmai Daiginjô (taux de polissage au moins 50 %)

  • Le Junmai Daiginjô qualifie un saké de type junmai qui aura un seimai-buai de 50 % (ou moins). Un Junmai Daiginjô est un saké souvent sec et très complexe avec des arômes très prononcés. Rappel : les junmai sont les saké purs sans ajout d’alcool.
Les cinq sakés d’exception élaborés par des brasseurs d’Iwate et dégustés à Paris à la Maison du Saké : Akabu, Senkin, Tsukinowa, Washinoo, Nanbu bijin. Le Junmai Akabu a été servi dans des coupes à saké en laque (extraite d’arbres à laque ou vernis du Japon) des ateliers Joboji à Morioka. Photo © François Collombet

Les sous-catégories de saké

Les sakés peuvent aussi être classés en sous-catégories, non exclusives les unes par rapport aux autres.

  • Nama : saké non pasteurisé
  • Nama-zume : saké pasteurisé une seule fois, puis vieilli.
  • Nama-chozo : saké vieilli, puis pasteurisé une seule fois.
  • Nigori : saké non-filtré, ou filtré très grossièrement. Il présente un aspect laiteux et est légèrement pétillant.
  • Muroka : saké non-clarifié, seulement filtré.
  • Taru : saké vieilli en fûts de cèdre japonais
  • Ko-shu : saké vieilli en fût ou en cuve au moins trois ans. L’appellation koshu désigne des sakés qui peuvent avoir été vieillis involontairement. Pour des sakés vieillis intentionnellement, on utilise parfois le terme choki jukusei-shu.
  • Gen-shu : saké non-réduit (ou très peu, il peut être réduit de 1%), le brasseur n’ajoute pas d’eau à la fin de la fermentation, le Genshu a un niveau d’alcool de 20° environ.
  • Genmai : riz non-poli
  • Orizake : clarification grossière
  • Happo-shu *: saké pétillant
  • Bihappo-shu : saké légèrement pétillant
  • Kijo-shu : saké dans lequel le maître brasseur a stoppé la fermentation en ajoutant du saké. Le résultat donne une boisson très douce.

Le saké effervescent très tendance*

Il suffit de voir le succès du saké Moi* vendu en bouteille de 30 cl titrant 5° d’alcool, un taux à peu près équivalent à toute cette catégorie de sakés pétillants. En fait ce Sho chiku bai Mio sec se compose tout simplement d’eau gazéifiée et de saké pur. Mais la méthode Charmat de fermentation en cuve close est aussi utilisée pour piéger le gaz carbonique dans le saké. Autre technique, l’ajout de levure dans la bouteille qui entraîne une seconde fermentation en bouteille à l’instar de la méthode champenoise mais sans dégorgement, produit un saké à l’apparence trouble et plus sauvage.
*Lire sur ce sujet l’article signé Thierry Joly, paru dans Singular’s : « De fines bulles dans le Saké »

*« Moi » en japonais est l’écume blanche que laisse un bateau derrière lui.

Le saké, toute une éducation !

Comme pour le vin, tout est une question d’éducation et d’apprentissage à la dégustation. La réglementation de cette boisson est stricte. Elle définit ce que sont les sakés ordinaires et les sakés supérieurs essentiellement sur la base du polissage du riz. Pour faire simple, on dénombre 4 grandes catégories de sakés, et dans la catégorie supérieure, la dénomination Tokutei-meishoshu, regroupe différents types d’appellations contrôlées. Alors ce saké trouble voire nuageux au goût plutôt doucereux qui semblerait être non filtré (comme pour certains vins), s’agirait-il d’un nigorizake ? Est-ce vrai que pour le Daiginjô qui se brasse artisanalement, est ajouté de l’alcool de fermentation contrairement au Junmai-daiginjô (le nec plus ultra des sakés) ?

Comment déguster un saké ?

Des sakés qui titrent entre 14 et 18°

Le saké titre en moyenne entre 14 et 18°, un degré à peine plus élevé que le vin. D’ailleurs il rentre pleinement dans la catégorie des vins (un vin de riz) puisqu’il est issu de la fermentation du riz (nihonshu) et non pas de la distillation. On parle d’ailleurs de sakéification comme de vinification pour le vin. Quant à la température de dégustation, on l’évalue sur une échelle de 10, allant du vraiment chaud (55°C) à la fraîcheur de la neige (Yuki hie) soit 5°C. Tout dépend de la finesse et des sensations recherchées. La règle veut que plus le grain de riz est poli, moins on le sert froid (voir plus bas). En général, les sakés les plus aromatiques (les plus modernes) se consomment frais alors que les sakés marqués par leurs qualités gustatives (les plus traditionnels) sont meilleurs chauds.

Tableau des températures de dégustation du saké

  • Tobikiri kan : “Saké chauffé au point de nous faire partir pour de bon” (égal ou supérieur à 55°)
  • Atsu kan : “Saké chauffé vraiment chaud” (50°)
  • Jo kan : “Saké chauffé à température supérieure” (45°)
  • Nuru kan : “Saké chauffé tièdement” (40°)
  • Hitohada kan : “Saké chauffé à la température de la peau” (35°)
  • Hinata kan : “Saké chauffé par les rayons du soleil” (30°)
  • Jo on : “À température normale” (ambiante) (20°)
  • Suzu hie : “À la fraîcheur rafraîchissante” (15°)
  • Hana hie : “À la fraîcheur d’une fleur” (10°)
  • Yuki hie : “À la fraîcheur de la neige” (5°)

Un saké chaud se sert soit dans une petite carafe en aluminium (chirori) ou réchauffé au bain marie, dans un tokkuri. Photo © DR

Le saké lorsqu’il est servi chaud est contenu dans une petite bouteille en terre cuite, le tokkuri 徳利 placée dans de l’eau chaude jusqu’à ce qu’il atteigne la température idéale de 50°C. Il est alors bu dans de petites coupes nommées sakazuki 杯.

Ce qu’il faut y rechercher

Lors de la dégustation et contrairement au vin, la recherche se fait plutôt dans la pureté et la délicatesse des arômes que dans leur trop grande expression. Les experts ont ainsi pu déceler dans le saké près de 600 arômes contre 300 pour le vin. Donc, on va d’abord juger les aspects visuels (pureté, brillance), puis olfactif et gustatif. Mais comme pour le vin, le saké a besoin de s’oxygéner pour développer ses arômes. Il faut donc le faire tourner dans le verre pour découvrir l’ensemble de ses nuances. N’oublions pas que le saké est un exhausteur de goût et que là où le vin se marie avec la nourriture, le saké la sublime. On dit que « le saké aime le gras et le sel ».  Sur cette constatation, Manuel Da Motta Veiga, sommelier parisien et ambassadeur de la marque Dassai ouvre toutes les possibilités : évidemment tous les plats iodés (donc fruits de mers et poissons) mais aussi les viandes qui ne sont pas trop sèches. Un saké très complexe sur une blanquette de veau ou un bourguignon de bœuf, avec sa sauce au vin rouge : c’est déroutant. Il faut le goûter pour le croire : le saké allège le plat. Ainsi qu’avec des plats de cuisines exotiques, Maroc, Inde ou Thaïlande. Alors, Itadakimasu (頂きます) dit-on en japonais avant de commencer un repas !

*Les 3 termes à connaître :

  • Saveur (ajiwai)
  • Arômes (kaori)
  • Sensation en bouche (shitazawari)

Le sommelier Manuel da Motta Veiga (ex Blue Elephant, cuisine thaïlandaise) est depuis 2018, l’ambassadeur de Dassai en Europe : avec le saké, on va chercher à enrober le plat pour le magnifier et le grandir. Le saké est un révélateur qui fait ressortir les saveurs du plat et le plat à son tour nous aide à sentir des nuances uniques dans les perceptions de la dégustation en bouche (interview donné à https://www.gaultmillau.com)

Saké, de sec à doux, de plat à acide : les quelques mots qu’il faut savoir

Le saké est-il doux ou sec ? Cette valeur (nihonshu-do) est indiquée au Japon par le sakéomètre ou SMV (Sake Meter Value) dont la graduation va généralement de -15 à +15 (de plus sec à plus doux). Il mesure également l’acidité du saké sur une échelle qui va de 1,0 à 2,0. Plus le chiffre est bas moins le taux d’acidité est élevé. Irions-nous pour décrire l’acidité d’un saké comme pour le vin, de : plat, creux, maigre, équilibré, frais, nerveux, vif, acidulé jusqu’à vert, acerbe, agressif, acide ?

Votre saké est-il plutôt doux (ama-kuchi) ou sec (kara-kuchi) ?

  • Tanrei : goût rafraîchissant
  • Nojun : goût moelleux, riche et robuste
  • Tanrei kara-kuchi : goût sec et rafraîchissant
  • Nojun uma-kuchi : riche et robuste, plein de corps

L’umani, la cinquième saveur !

Les japonais ont pour décrire le goût, une cinquième saveur à leur disposition : l’umami « うまみ ». Elle complète le sucré, le salé, l’acide et l’amer. Ce terme japonais, qui se traduit généralement par goût savoureux, est devenu un terme commun utilisé dans toutes les langues. L’umami permet d’arrondir et d’équilibrer la saveur du plat. On pourrait le décrire comme une saveur plaisante, durable, appétissante qui recouvre la langue. Plus scientifiquement, cette 5e saveur se retrouve dans les aliments contenant essentiellement du glutamate*.

*On trouve du glutamate notamment dans le sel, le poivre, l’huile, les conserves de légumes, le poisson, la sauce soja, les plats de la cuisine asiatique… C’est un additif alimentaire.

Pour résumer :

  • Junmai : Junmai signifie « riz pur ». Par définition, le saké junmai n’a pas d’alcool fermenté ajouté.
  • Honjozo : Jozo signifie « fermentation ». Par définition, le saké Honjozo contient de l’alcool fermenté pour alléger la saveur et accentuer l’arôme unique. La quantité d’alcool fermenté ne doit pas dépasser 10 % du poids du riz
  • Ginjo : Ginjo est souvent confondu avec le taux minimum de polissage du riz, mais le gouvernement japonais définit le ginjo comme un saké fabriqué selon la méthode du ginjo. Il s’agit du processus d’utilisation du riz hautement poli et de la fermentation à froid.
  • Tokubetsu : Tokubetu signifie « spécial ». Si le saké est brassé  par un procédé spécial, il est appelé tokubetsu. Les brasseries doivent indiquer la description de ce procédé sur l’étiquette.

A voir et à boire…

-Salon Européen du Saké, à Paris les 6-7 et 8 octobre 2018

-Japonismes 2018 met à l’honneur le saké

A l’heure de Japonismes à Paris* (jusqu’à février 2019), la plus importante série de manifestations culturelles…

-Salon Européen du Saké, à Paris les 6-7 et 8 octobre 2018

-Japonismes 2018 met à l’honneur le saké

A l’heure de Japonismes à Paris* (jusqu’à février 2019), la plus importante série de manifestations culturelles japonaises jamais organisées hors des frontières du Japon et alors que se célèbre le 150e anniversaire du début de l’ère Meiji*, question gastronomie, pourquoi ne pas célébrer le saké encore trop peu connu ? C’est la boisson la plus ancienne (la plus vieille brasserie du pays a été créée en 1141) et sans doute l’une des plus consommées au Japon, celle qui associe rites religieux et gastronomie.

Japonismes fait évidemment référence à l’engouement des peintres français pour le Japon, influencés par les estampes japonaises du XIXe siècle.

** L’ère Meiji s’ouvre en 1867-68 par la restauration impériale. La cour délaisse alors Kyoto pour s’installer à Edo rebaptisée Tokyo (Capitale de l’Est). Il a fallu moins d’une génération pour que l’Empire du Soleil levant s’ouvre alors au monde et se hisse parmi les puissances majeures de la planète.

Où trouver le shinshu, premier tirage de la production de l’année, début février :

-A lire, sur « Amazed », le blog de François Collombet, « Saké et vin, si proches, si loin ! Au commencement était le riz…

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