Culture

25 ans de folies baroques de Christina Pluhar, L 'Arpeggiata (Salle Gaveau – Erato)

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 30 janvier 2025

Depuis 25 ans, Christina Pluhar mène une double ambition musicale : associer musique traditionnelle et musique baroque en pariant sur la saveur et la liberté de l’improvisation. Elle fête ce quart de siècle de conquêtes sonores à la Salle Gaveau, le 8 février en deux concerts, pour une synthèse savoureuse qui identifie sa marque L’Arpeggiata au sens propre, associant Alla napoletana, dans le mélange étourdissant de danses traditionnelles – folias, tarantella, pizicarella – de Cavalli au jazz. Olivier Olgan garantie les surprises.

Des grains de folies

Christina Pluhar, théorbiste et cheffe de bande fête les 25 ans de l’aventure L ‘Arpeggiata photo Michal Novak

Avec les chemins qu’elle ouvre depuis 25 ans, Christina Pluhar a quelque chose d’une magicienne, à la fois ensorceleuse et chef de bande.

« Je monte mes projets toujours à l’envers : je cherche d’abord les artistes, notamment les chanteurs – et, ensuite, je recherche le répertoire qui leur convient. »

De ses pérégrinations dans toute l’Europe, la théorbiste a su fidéliser une vingtaine d’instrumentistes parmi les meilleurs dans leur spécialité, mais surtout tous partant pour conquérir de nouvelles contrées sonores : Doron Sherwin, cornet à bouquin, Veronika Skuplik, violon baroque, Margit Übellacker, psaltérion, Eero Palviainen, luthe & guitare baroque, Rodney Prada, viole de gambe, Josetxu Obregon, violoncelle baroque, David Mayoral, percussions,….
Les chanteurs sont eux aussi choisis autant pour leur caractère d’aventuriers que pour leurs personnalités vocales bien trempées : Marco Beasley, Lucilla Galeazzi, Philippe Jaroussky, Nuria Rial et Hana Blazikova ….

Avec de tels équipiers depuis 25 ans, les frontières du monde baroque connues s’est aggrandi de saveurs inconnues.

Surtout tous sont prêts à la suivre dans toutes les exigences d’ un travail acharné pour se libérer d’un savoir académique, pour se fondre dans une improvisation collective.  A force de travail,  se cisele un son collectif, très identifiable, tout en saveurs et en couleurs.

« Ce n’est pas tant sur le plan de la simple virtuosité que l’enjeu se situe, mais bien plutôt au niveau de la subtilité vocale, où le rythme doit s’adapter au texte. »
Pluhar

Des utopies musicales

Entre musiques savantes et traditionnelles de tout horizon des canzoni italiennes aux mariachis mexicains. Le collectif n’a peur de rien – surtout pour bousculer les puristes – avec es arrangements pop pour des instruments baroques, des basses vrombissantes et des percussions envahissantes surlignant la rythmique de ces incessants ostinatos, chaconnes et passacailles. Dans le dessein de réhabiliter des compositrices oubliées ou négligées, depuis 25 ans, la dynamique créative propose des « histoires tragiques et comiques, avec héroïnes, saintes, sorcières, magiciennes et autres mortelles… ».

Découvrir de nouvelles saveurs sonores

Il ne s’agit pas seulement d’associer musique traditionnelle et musique baroque : histoire de combler les absences de partitions et de restituer dans son jus cette transition historique si délicate entre la renaissance et le baroque. Il faut lui donner vie, en restituant cette séduction immédiate et cet art du récit si puissant où la musique n’entrave plus le théâtre, l’un soutenant l’autre et l’embelissant à un niveau rarement atteint.

L’érudition n’est ici jamais au détriment du spectacle.

« L’étude intellectuelle du contenu ne se fait pas au détriment du cœur, insiste la harpiste, qui détermine toujours en fin de compte si l’on se sent interpellé. » 

Cette quête s’appuie sur un instrumentarium soigneusement pensé et agencé et d’une recherche permanente dans les bibliothèques pour trouver les partitions les plus gouteuses. Dans cette dynamique, les complices de l’Arpegiatta auraient pu se contentés de concentrer leur répertoire sur le premier baroque : le Seicento italien, et de le restituer dans un nouveau bain de couleurs : Monteverdi et ses proches contemporains ou successeurs comme De’Cavalieri, Kapsberger, Landi, Rossi et tout récemment Cavalli…

Le contact intuitif passe par la palette des couleurs instrumentales et la qualité de la voix – le son, comme les couleurs d’un tableau, est le vecteur de l’émotion. »

Et de se reposer sur le succès de leurs spectacles et la réussite d’enregistrements désormais cultes ou de référence.  

S’abandonner à l’improvisation

Facilité ? C’est mal connaitre l’énergie et les rêves de conquêtes de Christina Pluhar qui a fait de sa quête d’improvisations, une dynamique d’investissements  dans de multiples territoires musicaux inexplorés.
Le déclencheur fut le programme All’ Improvviso’ où elle associe l’ensemble  avec le clarinettiste de jazz Gianluigi Trovesi. De ‘ces chemins de traverses’ comme elle dit joliment de ses réelles prises de risques, Pluhar compose de jolies surprises, inclassables où sourd une véritable liberté esthétique.
Citons,  ‘Los Pajaros perdidos’ qui explorent les plus belles chansons traditionnelles et baroques du Paraguay, du Chili, du Venezuela et de l’Argentine avec les voix envoûtantes de Luciana Mancini, Vincenzo Capezzuto, et Raquel Andueza, ou ‘Mediteraneo’ qui visite les rives musicales de la méditerannée avec les voix de Mísia, Nuria Rial, Vincenzo Capezzuto, Raquel Andueza ou Aikaterini Papadopoulou, ‘Music for a while’ où elle frotte Purcell aux jazzmen Gianluigi Trovesi et Wolfgang Muthspiel, tout en glissant la chanson Halleluja de Léonard Cohen chanté par le soprane Vincenzo Capezzuto !
Qualités qui se retrouvent aussi bien dans ses derniers opus ‘Terra Mater »  et Wonder femina »‘…

Le principe de plaisirs

Le point commun de cette aventure tout au tant musicale qu’humaine repose sur le plaisir des musiciens à se retrouver sur les partitions que déniche Pluhar et à les partager avec le public sur scène : « Créer des rencontres entre des artistes est une expérience formidable savoure Pluhar. Si vous regardez les gens qui jouent dans mon ensemble, cela va d’un extrême à l’autre depuis le début. Je cherche à chaque fois à inviter des personnalités très fortes, qui ont beaucoup à dire. »

Dés que les lampions se seront éteints de cette étape de 25 ans de conquêtes, Pluhar se remettra au montage du prochain enregistrement – soin qu’elle ne confie à personne.
Mais c’est ceci une autre histoire, riche de surprises dont elle a le secret.

Olivier Olgan

Pour suivre Christina Pluhar, L ‘Arpeggiata

Discographie selective

  • Monteverdi Vespro della Beata Vergine (Virgin classics), Teatro d’Amore (Virgin classics)
  • Cavalli, L’Amore innamorato (Warner classics)
  • Emilio De’Cavalieri, La Rappresentatione di Anima e di corpo ‘Alpha)
  • Les Pajaros perdidos (Virgin Classics)
  • Mediterraneo (Virgin Classics)
  • Music for a while (Virgin Classics)
  • Terra Mater (Erato)

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