Culture

Le carnet de lecture de Rachel Hardouin, galeriste et commissaire 15 curiosity + experiences

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 24 septembre 2024

Depuis son ouverture de son espace de liberté au cœur de Paris 10e, en mars 2018, le projet 15 curiosity + experiences de Rachel Hardouin est d’animer une galerie de proximité,  un lieu intime en étage, sur rendez-vous, propice pour dépasser les frontières du refus ou de l’inconnu. Trop d’auteurs et d’artistes voient leurs créations effacées ou censurées par trop de conventions inavouables. Elle se veut aussi un aiguillon initiatique pour des amateurs qui acceptent de se frotter à une création singulière, capable de ressentir, de réagir, et de participer à des propositions artistiques avec la complicité des artistes. Elle rapproche le photographe Jason Gardner et la plasticienne Sabine André-Donnot jusqu’au samedi 5 octobre 2024 connectant deux représentations jubilatoires de la fête païenne. Elle confie à Olivier Olgan quelques unes de ses « curiosity + experiences« .

J’ai des goûts musicaux très éclectiques.

La musique d’origine africaine, et tout particulièrement Soul Makossa, de Manu Dibango.

‘je danserai’ en langage camerounais, me donne beaucoup d’énergie.
Single présenté à NYC dès 1972, ses rythmes révolutionnent les mixs des dj des clubs clandestins émergents dans les quartiers industriels de la pomme. Une œuvre majeure dans la cause des droits des noirs américains. Un monument repris par toute la scène musicale Afro beat.

Pour la transe du corps et de l’esprit, je recommande l’album Zombie de Fela Kuti et tout particulièrement le morceau Zombie.

Cette composition de 1976 est un appel à la révolution au Nigéria. Cette déclaration en musique et en mots vaudra des représailles terribles à son auteur, compositeur, interprète, aux musiciens, aux choristes, aux danseuses… et à sa mère, figure importante du féminisme au Nigéria. Un acte politique puissant.

Auteur, compositeur et interprète, je vous invite à découvrir Dan Barret.

J’ai découvert un violoncelliste érudit, durant la période du confinement, nous sommes devenus amis sur le réseau social FB.
Nous nous sommes rencontrés à Paris, en mai 2023. 
Artiste d’origine d’Europe de l’est, Dan Barret installé à NYC. Écouter assez fort sur des enceintes qui apportent de la nuance aux sons sourds et aux sons cristallins. Je ferme les yeux, je suis au cœur des cellules quantiques, entourée d’étoiles, dans la steppe. Tout semble possible.

Littérature

Je me concentre sur deux œuvres essentielles, me semble-t-il :

L’éloge de l’ombre, de Tanizaki.

Le regard sur les choses qui nous entourent et qui sont façonnées selon la lumière du présent et de l’héritage du passé. Un rendez-vous avec les jeux d’ombres de la présence de la Nature. Il y a dans le concept d’obscurité un respect profond et subtilement exprimé pour l’environnement dans lequel il se manifeste. Le dépouillement (le zen) est habité. Le beau se révèle dans l’obscurité…. un peu comme chez les personnes habitées par leur passion.

Adam, de Søren Kierkegaard

La quête d’un rêve, celui de l’amour idéal. L’angoisse de faire un choix.
Dans cet ouvrage écrit par le philosophe (1813-1855) durant la première moitié du 19e, il questionne la religion avec un certain humour et interroge sur la place de l’homme dans le monde, en particulier dans le mode de vie de l’individu en tant que personne unique au monde. Il prend des pseudonymes pour évoquer plusieurs points de vues et angles de réflexions. Ce qui est très original pour son époque.

Photographie

November girl, de Sam Haskins, 1967

C’est un livre fondateur dans ma bibliothèque. Un roman, en photographies, l’histoire d’une rencontre entre un homme assez âgé et une jeune femme.
Les images sont sensuelles, découpées, au cœur de l’automne, tout est possible, entre l’urbain et la nature. Entre mise en scène et improvisation. J’aime l’absolue liberté de ce travail. Je vous invite à découvrir le secret de Spin Street.

Sam Haskins November girl 1 & 2 Photo Sam Haskins

Drawings, Irving Penn.1999

Photographe de renom, Ie maître lâche prise en dessinant des formes au caractère enfantin, un geste puissant sur des formes très « architexturées » tels des dessins préparatoires de ses clichés. On y ressent la recherche des formes, des couleurs, des matières.
Un ensemble surprenant de beauté.

Irving Penn, Drawings 1 & 2 Photo Irving Penn

Lieu

La terre se meurt dans les eaux des mers et des océans. J’aime les estuaires. La fluidité des deux éléments. Un espace ouvert, iodé, sauvage.
Coup de cœur pour ma région d’origine : la baie de Somme en Picardie, et ma région d’adoption, la pointe du Cap Ferret en Aquitaine. 
J’aime aussi les silences relatifs offerts lors de la pratique de la plongée sous-marine.

Cinéma

J’aime le cinéma muet et tout particulièrement les inventions et les facéties de Buster Keaton. « Le Mécano de la Générale«  filmé dans les années 1910 me fascine toujours. Prouesse physique, sans trucage. 
« Just amazing » comme on dit outre Atlantique.

Le Tombeau des lucioles (火垂るの墓, Hotaru no haka) d’ Isao Takahata
J’affectionne le cinéma d’animation japonais. Le film du japonais Isao Takahata du studio Ghibli, sorti en 1996 en France m’a beaucoup émue. Il est adapté de La Tombe des lucioles, nouvelle semi-autobiographique écrite en 1967 par Akiyuki Nosaka. Une immersion dans le Japon juste après la seconde guerre mondiale. Très émouvant.

Architecture

Louis Kahn, Parlement de Dacca, vue intérieure Photo Louis Kahn

J’aime le brutalisme, le Bauhaus. 

J’ai une passion pour Louis Kahn, architecte américain d’origine d’Europe de l’est (Estonie). Il travaille ses œuvres en relation avec les saisons, les astres pour optimiser la lumière et les expositions afin de créer une « énergie positive » comme on le souligne aujourd’hui. Kahn produit cette réflexion dès les années 60. C’est fascinant. J’aime beaucoup le bâtiment du Parlement de Dacca (Bangladesh). Un monument très important par sa taille. La structure esthétique extérieure rappelle l’esthétique de la culture et de l’art de vivre du pays. Les bâtiments sont entourés de lacs, offrant une température naturelle tempérée à l’ensemble. Les créations de Louis Kahn réinventent les codes de l’architecture.

Johannens Itten, Horizontal vertical, 1915 Photo DR

Couleur

 Johannes Itten produit une théorie de la couleur qui révolutionne l’histoire de l’Art. Peintre et enseignant, ses œuvres mettent en pratique les facettes de sa théorie. J’aime l’audace de déconstruire pour proposer une voie qui aujourd’hui est une évidence. 
Propos recueillis par Olivier Olgan le 24 septembre 2024

Pour suivre la galerie Rachel Hardouin

La Galerie Rachel Hardouin 15 curiosity + experiences, vous accueille mercredi, jeudi, vendredi et samedi de 14h à 19h et sur rendez-vous au +33 6 60 22 50 14 15.
15 rue Martel galerie au 4é étage, Paris, 75010.

Agenda

Jusqu’au samedi 5 octobre 2024, Jason Gardner, photographe, We the Spirits (lire article Singular’s) & Sabine André-Donnot, plasticienne, Humus Locus (lire article de Singular’s): Rachel Hardouin connecte deux représentations de la fête païenne : la captation d’un instant singulier isolé dans la profusion des couleurs du carnaval, et le monde idéalisé immaculé de blanc créé à partir des objets de l’enfance, dans un atelier à Meaux (Seine et Marne- France).
Chaque exposition dure en moyenne six semaines, privilégiant l’immersion dans l’œuvre de l’artiste.

Jason Gardner vs Sabine André-Donnot exposés à la Galerie Rachel Hardouin

Depuis son ouverture le 15 mars 2018, la Galerie Rachel Hardouin met en avant l’œuvre des artistes :

  • Ludovica ANZALDI, photographe-reporter,
  • Clémence Amette alias CLÉMETTE, designer-graphiste,…
  • Sophie BADENS, photographe,
  • Solène BALLESTA, photographe,
  • Hélène BARRIER, plasticienne, performeuse,
  • Silvio CADELO, peintre et dessinateur,
  • Olga CALDAS, photographe, performeuse,
  • Jean DESMIER, graveur, dessinateur et écrivain,
  • Xavier DEVAUD, peintre,
  • Véronique DURRUTY, photographe
  • Tetsuro HIGASHI, photographe érotique japonais,
  • Pascale GAYRAUD, céramiste,
  • Jean-Paul KRASSINSKY, illustrateur,
  • Nadja LA GANZA, photographe, céramiste,
  • Paul LAURENZI, peintre et illustrateur,
  • Stéphane LEVALLOIS, peintre et dessinateur,
  • Lucas LEVON, dessinateur-designer,
  • Riccardo ROSSATI, peintre et dessinateur,
  • SÉRA, auteur de bandes dessinées,  illustrateur et peintre,
  • Philippine SCHAEFER, photographe, performeuse,
  • Alex VARENNE, auteur de bandes dessinées érotiques, illustrateur et peintre,
  • YXES, auteur de dessins érotiques et de dessins de presse,

Partager

Articles similaires

Trois questions à Pascal Amoyel sur Chopin, Une leçon de piano de Chopin (Ranelagh)

Voir l'article

Le carnet de lecture d’Anne Cangelosi, comédienne, Le Radeau de la Méduse

Voir l'article

Une leçon avec Chopin transcende Pascal Amoyel (Théâtre du Ranelagh)

Voir l'article

Le carnet de Lecture de Caroline Rainette, auteure et comédienne, Alice Guy, Mademoiselle Cinéma

Voir l'article