Culture

Le carnet de lecture de Benjamin El Arbi & Mathieu Franot, Les Frivolités Parisiennes

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 17 septembre
2021

A ceux qui sortent un pince nez quand ils entendent le mot Opérette, Benjamin El Arbi et Mathieu Franot ont créé la Cie Les Frivolités Parisiennes pour réhabiliter les pépites pétillantes du répertoire lyrique léger français de Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871) à … Marcel Lattès (1886-1943). En formation variable, ils sont les 18 et 19 septembre à l’Orangerie de Bagatelle et le 21 à Soisson, en attendant trois nouvelles produtions hautes en couleurs : Cole Porter in Paris au Chatelet (>11 décembre), Là-Haut de Maurice Yvain et Albert Willemetz (Opéra de Compiègne, Athénée), et une adaptation du Chat du Rabbin…

Mathieu Franot & Benjamin El Arbi co-directeur des Frivolités Parisiennes carré

Se faire d’abord plaisir

Ils ne sont pas seulement rafraichissants sur scène avec leur programmation au titre parfois loufoque, comme Un cocktail, des Cocteau, en hommage à la musique des années 20 (le 18 septembre à l’Orangerie de Bagatelle), Benjamin El Arbi et Mathieu Franot assument de s’être lances dans l’aventure la Cie Les Frivolités Parisiennes d’abord par plaisir. A peine sortie de leur formation de basson pour Benjamin et clarinettiste pour Mathieu, la découverte des richesses de l’Opérette (à l’occasion d’un Festival de Laon, auquel ils participent le 21 septembre) les poussent à réunir quelques-uns de leur collègues pour eux aussi partager et faire partager l’esprit ludique de ce répertoire. « Il y a toujours quelque chose de génial, insiste Benjamin El Arbi, qui n’a rien perdu de son enthousiasme pour cette musique trop facilement étiquetée ringarde. Et il y avait selon eux un créneau pour le plaisir. Mais pas sur le terrain d’Offenbach, déjà pris de la Cie des Brigands aux Musiciens du Louvre de Minkowski, mais sur beaucoup de compositeurs passés dans l’oubli. »

Du spectacle vivant avant tout autre considération

« Depuis 10 ans, on n’a pas bougé sur nos envies. complète Benjamin El Arbi. Au lieu d’étoffer le discours. Au contraire, on a simplifié notre démarche à l’essentiel : faire découvrir de l’inédit, assumer de mettre en lumière ce que l’on ne voit nulle part ailleursCe qui nous intéresse, c’est de souffler de la modernité, tout le contraire d’une reconstitution.» Bref, dans cette quête, le moteur n’est pas une motivation nostalgique, mais de retrouver l’éclat d’un patrimoine qui n’attend que de l’huile de coude pour briller autrement. « Tout ce qui existe n’a pas forcément viable. souligne Benjamin. L’intérêt de l’œuvre reste du spectacle vivant qui doit toucher les érudits comme les néophytes. D’autant que depuis le départ, nous souhaitions nous appuyer sur un vrai orchestre d’une trentaine de musiciens. »

Un énorme travail de restauration

Cela n’empêche pas un gros travail empirique de musicologues (comme Nicolas Chesneau, Christophe Mirambeau, Pascal Neyron) pour trouver et valider les meilleurs livrets, et de restauration de l’orchestration originale pour faire vivre ce patrimoine.
Pour monter Le Diable à Paris, les Frivos ne disposait que d’un piano-chant et d’un enregistrement de la Radio capté dans les années cinquante. Au passage, et c’est aussi un de leurs secrets, il n’hésite pas à plonger le livret dans un bain de jouvence, avec force humour caustique et décalages. Avec toujours le respect les timbres originaux des partitions. Ce qui fait que formation est régulièrement invitée par les grandes maisons du Théâtre des Champs Elysées à l’Opéra-Comique. La prise de risques est à ce prix !

Une compagnie fervente d’un art total et de swing

« Nos musiciens attendent qu’on les surprenne. » Cette aiguillon les oblige reconnait le clarinettiste. Aussi dans l’annonce de leur 10e saison, les co-directeurs des Frivos ont annoncé les couleurs : « Pas de bonnes résolutions mais l’envie débordante d’étonner encore avec de l’inédit, du léger et du décalé. Il est temps de sauter à pieds joints dans une saison folle et frivole, où s’embrassent musiques savantes et populaires, rythmes chaloupés et « jazzy », opéra-comique et Music Hall, représentations et créations, plaisirs et passions. »

Jamais de concession sur la partie orchestrale

C’est bien pour réussir un art et un plaisir total que la compagnie Les Frivolités Parisiennes embarquent tous les métiers du spectacle ; du chant, au théâtre, de la danse à la musique de chambre, de l’opéra-comique au music-hall.
Pour réussir leur pari, l’Orchestre de chambre s’entoure des meilleurs chanteurs (Laurent Naouri, Arnaud Marzorati, Marion Tassou, Sarah Laulan, …), chefs d’orchestre (Mathieu Romano, Dylan Groussard, …), metteurs en scène pour assurer dans tous les sens du terme, créations et des recréations inédites. Il va même plus loin carn convaincu que cette musique demande le meilleur, et d’oublier il investit dans la formation de jeunes chanteurs vierge de tout stéréotype à l’interprétation d’un répertoire que l’on ne trouve pas beaucoup dans les Conservatoires !

Un éclectisme tout azimut

Confiant dans les fondamentaux de leur démarche, rien n’arrête Les Frivolités Parisiennes!
Pour leur 10ème saison, pas moins de trois productions prennent le relais du savoureux Le Diable à Paris de Marcel Lattés tout juste édité en disque par B Records : Cole Porter in Paris, le grand spectacle des fêtes de Noël du Théâtre du Châtelet ; Là-Haut de Maurice Yvain et Albert Willemetz, un voyage initiatique et burlesque, au Théâtre Impérial – Opéra de Compiègne, en tournée et au Théâtre de l’Athénée au printemps 2022, et une adaptation du Chat du Rabbin de Joann Sfar avec Oldelaf…

Qui dit mieux !

Le carnet de lecture de Benjamin El Arbi

Un musiciens. Jimy Hendrix, musicien créatif et étonnant qui puise son inspiration dans les classiques de son style ( principalement le blues) pour créer une musique nouvelle et surprenante, complètement moderne en apparence mais très référencée en profondeur. Une Ôde à Lavoisier.

Une compagnie. Les Tréteaux lyriques sont un monument à Paris. Une troupe d’amoureux d’Offenbach qui montent une année sur deux un opéra bouffe (dont des inédits) dans une jolie salle parisienne avec de beaux moyens et une ambiance exceptionnelle. La fête est partout, au plateau, dans la salle. J’aime ça aussi dans le spectacle, faire du bien à l’âme et pour ma part, faire découvrir la musique classique et le lyrique à mes amis  retissants par le biais de ce genre. Nous y étions musiciens avec Mathieu Franot et la veille d’une dernière, quand nous avons réalisé qu’il faudrait attendre deux ans avant de revivre l’aventure, nous avons décidé de vivre au rythme de la légèreté toute l’année en créant Les Frivos!

Un lieu. Le Théâtre National de l’Opera Comique. Étudiant, nous répétions dans cette enceinte que j’ai eu la chance de découvrir par moi même, en filoutant ici et là. Des sous-sols, où cohabitaient les vestiaires, la table de Ping Pong et la machinerie, aux ateliers costumes/accessoires en passant par la salle où je surprenais de grands orchestres en pleine répétition. Les salles modernes, bien que fonctionnelles ne me procurent pas cette sensation. Le velours et le bois incarnent le théâtre dont je rêvais gamin.

Un prof. Dominique Nizery, renommé pour moi, est un inconnu auprès du grand public. Professeur de lettres et de latin il était mon premier prof de théâtre. J’ai découvert Guitry, Labiche avec lui mais surtout le plaisir de jouer la comédie, moins contraint que je l’étais avec mon instrument à l’épopque. Jouer partout, dans une salle de spectacle à l’audience attentive mais aussi dans la rue devant un public distrait. Il écrivait ses pièces, mettait en scène. Nous partions jouer en dehors de chez nous, il y avait des décors, des costumes et les premiers « pots de tournée ». Une belle classe préparatoire.

Bertrand Simon Mon prof de philosophie politique à la Sorbonne. Il citait les Berurier noir comme on cite Montaigne et il m’a convaincu d’aller au bout de mon choix: faire de la musique du 1er janvier au 31 décembre et ça le plus longtemps possible.

Un sportif. Zinedine Zidane, joueur de football  à la vision panoramique, agile et intelligent qui donnait l’impression de ralentir le temps dans des rencontres qui allaient à 100 à l’heure. Le musicien doit prendre la mesure de ce qui l’entour tout en se débarrassant du mauvais stresse pour faire les bons choix et prendre du plaisir. Notre métier, c’est la magie de l’instant.

Le carnet de lecture de Mathieu Franot

Un disque. Stravinsky. Le Sacre du Printemps, dirigé par Pierre Boulez en 1969 avec le Cleveland Orchestra. Pour moi c’est l’enregistrement parfait de cette œuvre majeure. Quelle leçon de direction d’orchestre !

Un spectacle. Puccini. Madame Butterfly, Mis en scène par Robert Wilson, à l’heure où l’on confond souvent mis en scène et scénographie, cette mise en scène de 1993 nous prouve à chaque reprise que ce sont deux métiers différents et complémentaires. Sans dénaturer l’œuvre le metteur en scène nous apporte tous les éléments nécessaires pour nous bouleverser dans un style le plus épuré possible.

Un repas. Maison Troisgros. Un repas car l’art est aussi dans nos assiettes, à la Maison Troisgros, un moment d’exception partagé en famille artistique. Quelle finesse, quel raffinement dans nos assiettes agrémentés par un lieu unique. Une source d’inspiration sans aucun doute se savourant également grâce à l’unicité du moment.

Un chanteur. Jacques Brel qui m’a appris à comprendre Bruxelles. Cette ville dans laquelle j’ai étudié me paraissait si différente de Paris, que le grand Jacques a su m’apporter les mots pour l’apprécier à sa juste valeur.

Pour suivre Les Frivolités Parisiennes

Le site Les Frivolités Parisiennes

Agenda sélectif.

  • 18 et 19 septembre 21, Festival des Frivolités Parisiennes, Orangerie du Parc de Bagatelle: Un cocktail, des Cocteau, …
  • 21 septembre, 20h, Folies 1890, Airs et duos d’opérettes et d’opéras-comiques, par Amélie Robins, et Philippe Brocard, Cité de la musique et de la Danse, Soisson (Festival de Laon)
  • 23 novembre, Théâtre impérial – Opéra de Compiègne & 29 novembre, Théâtre des Champs-Elysées, Pretty Yende
  • du 11 décembre 21 au 1er janvier 2022, Cole Porter in Paris, Théâtre du Châtelet
  • 8 et 9 janvier 2022, Normandie, en tournée et au Trianon de Paris
  • 22 février 2022 au Théâtre Impérial – Opéra de Compiègne, du 18 au 31 mars 2022 au Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet à Paris, Là-Haut de Maurice Yvain & Albert Willemetz
    Direction musicale Nicolas Chesneau / Mise en scène Pascal Neyron,
  • 25 et 26 mars, Le Lac des cygnes d’Angelin Preljocaj Théâtre impérial – Opéra de Compiègne
  • avril 2022 Robert le cochon, Opéra-Comique de Paris
  • Printemps 2022 Le Chat du Rabbin, dates à venir

Partager

Articles similaires

Le carnet de lecture d’Hanna Salzenstein, violoncelliste, E il Violoncello suonò (Mirare)

Voir l'article

Le carnet de lecture de Florentine Mulsant, compositrice

Voir l'article

Le carnet de lecture d’Emmanuel Coppey, violoniste, PYMS Quartet

Voir l'article

Le carnet de lecture de Catherine Soullard, romancière et critique de cinéma

Voir l'article