Culture
Hommage : Dub Side of the Moon, Easy Star All-Stars revisite les Pink Floyd
Auteur : Calisto Dobson
Article publié le 7 mars 2023
[And so rock ?] Alors que se fête le 50ème anniversaire de Dark Side of the Moon, l’album mythique des Pink Floyd aux 45 millions exemplaires vendus, Calisto Dobson célèbre le 20ème anniversaire de Dub Side of the Moon, l’hommage reggae dub que lui a rendu le collectif Easy Star All-Stars. Véritable gageure, la revisitation réussit à se hisser au niveau de l’original tout en s’en émancipant.
50 ans de Money
Lorsque le 1er mars 1973 paraît Dark Side of the Moon, le groupe Pink Floyd va asseoir définitivement sa réputation de rock planant et prendre pension pendant plus de 18 ans dans le top 100 américain, le fameux Billboard.
45 millions d’exemplaires vendus plus tard, nous avons affaire à une sommité de la ligue des classiques du rock. Sans oublier que le disque servit aussi longtemps de maître étalon aux démonstrateurs de chaîne Hi-Fi.
Alors que cet opus désormais quinquagénaire est célébré par sa maison mère Warner Bros avec un coffret définitif (espérons le pour les fans absolus), de près de 250€, braquons un prisme lumineux ce qui s’est avéré être un hommage artistique particulièrement réussi rendu à ce vénérable album.
Le concept fructueux du tribute album
Initié par le producteur Hal Willner au début des années 80, le filon qui n’est pas loin d’avoir concurrencé celui des albums de Noël. a d’entrée de jeu eu ses lettres de noblesse. Des compositions de Nino Rota à celles de Thelonious Monk, en passant par Kurt Weill et même Disney pour ses chansons de films, Willner n’a pas ménagé sa peine et son volumineux carnet d’adresses afin de réunir la crème de la crème pour des revisitations qui réussissent le tour de force de reconvoquer la distinction et le non-conformisme d’œuvres d’artistes aussi célébrés qu’hétérogènes.
En 2003 les albums hommage se sont tellement multipliés que le genre semble s’essouffler. C’est sans doute ameutés par l’idée d’un 30ème anniversaire approprié au mythique « Money », que deux lascars new-yorkais Michael Goldwasser aka Michael G. et Victor Axelrod aka Ticklah, producteurs de reggae réunis sous la bannière Easy Star All-Stars, font paraître sous les auspices de volutes de ganja, un projet d’hommage à Dark Side Of The Moon, produit 30 ans plus tôt.
Egaler l’original en s’en émancipant
Renommé Dub Side of the Moon, ce qui pourrait passer pour un exercice de style, se transforme en réalité en une réussite artistique exemplaire.
Loin d’un copier/coller paresseux, une revisitation qui se pose en une œuvre à part entière, pas loin d’égaler l’originale en s’en émancipant. L’esprit jamaïcain s’accorde parfaitement à l’atmosphère spatiale du huitième album des pionniers du rock progressif. L’étiquette de rock planant couramment employée au cours des années 70 prend tout son sens à l’aune des productions reggae toutes enrobées de fumée de cannabis.
Historiquement la culture jamaïcaine est depuis les origines du rock steady, du ska et du reggae férue de reprises passé au siphon reggae dub. Dans l’ADN des Sound Systems règne l’art de la réappropriation de titres anglo-saxons, qu’ils soient rythm & blues, soul, pop rock ou encore même jazz. Il existe des coffrets entiers de compilations de ce genre classées par style.
Les caractéristiques étirements sonores aux profondes réverbérations cultivés sur les consoles jamaicaines se révèlent proches des émanations éthérées de l’original.
Dès le premier morceau et tout le long de leur projet, Michael G. et Ticklah réussissent à capter l’essence même du disque tout en produisant une brillante variation. L’humour n’est pas en reste lorsqu’on entend une quinte de toux provenant clairement d’une forte inhalation de ganja.
Avec un grand respect pour la qualité des compositions, les producteurs new-yorkais et leurs acolytes épandent des spirales de basses résonnantes aux pouvoirs hypnotisants. Sans vous en délivrer tout le panorama, adepte de reggae ou pas, fanatique de Pink Floyd ou/et simplement mélomane, ne vous privez surtout pas d’une plongée dans ce bain amniotique qui vous procurera l’effet d’une rêvasserie tout en apesanteur rastafarienne.
Quand une idée brillamment réalisée devient une recette de tiroir caisse.
Easy Star All-Stars remportera un tel succès d’estime avec cet Hommage, qu’ils le déclineront avec plus ou moins de bonheur pour d’autres albums emblématiques : Radiodread variante du Ok Computer de Radiohead, Easy Star’s Lonely Hearts Dub Band qui s’attaque au Sergent Pepper’s Lonely Hearts Club Band ou encore Thrillah qui dubise le Thriller de qui vous savez.
Entre temps ils auront rallongé la sauce de leur coup d’essai avec un opus intitulé Dubber Side of the Moon. Malheureusement rien de tout ça ne retrouvera la fraîcheur, la concision et la pertinence du coup de maître originel.
Aux dernières nouvelles pour 2023 ils seraient sur un énième album Dhommage à David Bowie. Quand une idée brillante devient une recette de tiroir caisse.