Huit conseils de spectacles : de Molière à Zweig, de Sylvie Joly à Sabrina, de Gilles Dyrek à Bastien Ossart
Nos recommandations de Mars abordent tous les genres : musical Les Chants électriques, de Ramon Pipin (Café de la Danse >4 & 5 avril), La Folle repart en thèse, de Liane Foly (Théâtre de la Tour Eiffel >12 avril), à Lève-toi, mon histoire, de Sabrina (Essaïon >21 mai).
Mais aussi des sujets graves, Le Joueur d’échecs, de Stefan Zweig, par Gilbert Ponté (Théâtre Essaïon >1 avril), Les marchands d’étoiles, de et avec Anthony Michineau (Théâtre du Splendid >4 mai) et des sujets pétillants autour de classiques: Le Bourgeois Gentilhomme, d’après Molière, par Bastien Ossart (Lucernaire >18 mai), Dialogues de Bêtes, de Colette par Elisabeth Chailloux et Lara Suyeux (Théâtre de Poche >19 mai) ou du couple : Je m’appelle Georges… Et vous ? de Gilles Dyrek (Théâtre La Bruyère >31 mai)
Le Joueur d’échecs, de Stefan Zweig, par Gilbert Ponté (Théâtre Essaïon)
De la longue et émouvante nouvelle de Stefan Zweig, qui croque la confrontation d’un champion du monde d’échecs arrogant face à un mystérieux docteur, Gilbert Ponté fait le pari d’être seul en scène pour capter l’imagination du spectateur par la force du verbe et le jeu du corps.
C’est une histoire assez compliquée, et qui pourrait tout au plus servir d’illustration à la charmante et grandiose époque où nous vivons. Si vous avez la patience de m’écouter une demi-heure…
Stefan Zweig
Par ce retour aux sources de l’art dramatique, loin de tout artifice, Le Joueur d’échecs, magistrale métaphore de la puissance d’un pouvoir totalitaire sur nos identités, devient un magnifique précipité du théâtre et de l’art de partager un récit.
- Jusqu’au 1er avril 2024,
les lundis et mardis à 19h15, - Théâtre de l’Essaïon,
6, rue Pierre au lard, 75004 Paris

Gilbert Ponté réussit un joli tour de force dramatique seul en scène pour donne vie et sens au joueur d’échec, de Stefan Sweig (Théâtre de l’Essaion) Photo Tatia Chitishvili
Chants électriques, de Ramon Pipin (Café de la Danse)
[And so rock ?] Maître queux dans les cuisines des groupes Au Bonheur des Dames, puis Odeurs jusqu’aux plus récents Les Excellents, Ramon Pipin n’a eu de cesse de poursuivre une carrière de compositeur étoffée de mille projets. Avec « Chants électriques » il nous défouraille son 7e album solo et nous rappelle qu’il est un musicien aux multi-casquettes qui gagne pour Calisto Dobson à une plus large reconnaissance.
De cet album, Ramon Pipin Band fait un tour d’honneur avec « Odeurs électriques » les 4 & 5 avril au Café de la Danse.
De Chants Electriques,
Ramon Pipin Band fait un tour d’honneur avec « Odeurs électriques »
- les 4 & 5 avril
- Café de la Danse.

Odeurs électriques, concert au Café de la Danse illustration Valérie Pinaud
La Folle repart en thèse, de Liane Foly (Théâtre de la Tour Eiffel)
Après le triomphe de « La folle parenthèse » et « La folle part en cure », Liane Foly signe un nouveau seule en scène « La Folle repart en Thèse » au Théâtre de la Tour Eiffel jusqu’au 12 avril 2025 et ses presque 40 ans de carrière.
Autant de personnages incarnés avec brio, portés par une voix exceptionnelle et une gestuelle unique. Son spectacle est un pur divertissement.
Tour à tour enjouée, authentique, espiègle, révoltée, habitée, sensuelle, son grain de Foly fait feu de toute voix, et fait mouche avec des imitations inspirées entre souvenirs et temps présent. La show girl inspirante sait autant divertir, qu’éblouir ou émouvoir.
- jusqu’au 12 avril 2025,
vendredi 28, et les samedis 20h30, - Théâtre de la Tour Eiffel,
4 Sq. Rapp, 75007 Paris

La folle repart en thèse, de Liane Foly (Théâtre de la Tour Eiffel)
Les marchands d’étoiles, de et avec Anthony Michineau (Théâtre du Splendid)
Créée à Avignon en 2023, confortée par le Prix du meilleur auteur, « Les marchands d’étoiles », d’ Anthony Michineau déploie un puissant cocktail d’émotions au Théâtre du Splendid qui se prolonge jusqu’au 4 mai 2025 .
Derrière un titre d’un romantisme trompeur, se cache une réalité historique bien plus noire, avertit Patricia de Figueiredo, bousculée par cette pièce puissante et captivante qui explore avec force la responsabilité individuelle dans un contexte historique marqué.
« C’est une pièce sur le devoir de mémoire. Plus que jamais, avec la montée des différentes « phobies » actuelles (il est stupéfiant, pour ne pas dire affligeant, de constater le nombre de personnes qui se battent CONTRE le bonheur ou la survie de leurs voisins) nous avons le devoir, l’obligation, de rappeler qu’il est dangereux de fracturer les peuples, et que la conséquence de cette désunion, dans la première moitié du XXe siècle, a été la montée du nationalisme et les horreurs qui en ont résulté. »
Anthony Michineau
La mise en scène de Julien Alluguette renforce l’efficacité d’une troupe qui entraine le spectateur entre rires et émotions.
- jusqu’au 4 mai 2025,
du mercredi au samedi à 21h00,
samedi 16h30
dimanche 17h00, - au Théâtre du Splendid,
48 rue du Faubourg Saint-Martin 75010 Paris

Les marchands d’étoiles, de et avec Anthony Michineau (Théâtre du Splendid) Photo Florian Cleret
Le Bourgeois Gentilhomme, d’après Molière, par Bastien Ossart (Lucernaire)
Peut-on encore faire quelque chose de nouveau sur le Bourgeois Gentilhomme ? Bastien Ossart prouve que c’est possible avec un cocktail plutôt détonnant, associer les codes de jeu du théâtre baroque avec son phrasé et ses mimiques si codifiés à des digressions anachroniques, que se soit des musiques disco ou des costumes de fastes brésiliens !
Nous l’avons voulu également coloré, vif, déjanté, sans perdre sa dimension musicale, à l’origine même de l’œuvre.
Bastien Ossart
De ce comique de situations à la sauce cartoon et cette diction propice à toutes les expression, la troupe qui incarne plusieurs rôles colle à l’esprit de Molière et le dope aux amphétamines hilarantes ! Certes au prix de quelques coupes, mais ce best of de Monsieur Jourdain revient aux sources de la farce.
Quand on ose tout sans vulgarité à ce niveau de maitrise, Molière prend un sacré coup de jeune ! et reste d’une ébouriffante modernité.
- Jusqu’au 18 mai 2025,
- Lucernaire,
53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris

Le Bourgeois gentilhomme, d’après Molière, par Bastien Ossart (Lucernaire) photo Tommaso Morello
Dialogues de Bêtes, de Colette par Elisabeth Chailloux et Lara Suyeux (Théâtre de Poche)
Après le succès de leur création au Lucernaire, Elisabeth Chailloux et Lara Suyeux reprennent Dialogues de bêtes, de Colette au Théâtre de Poche jusqu’au 19 mai 2025. Au-delà de croquer « la triste tendresse qui fait battre si vite le cœur des bêtes », ce savoureux regard illustre tout ce qui nous en sépare et tout ce qui nous en rapproche. »
A travers ce rire d’écolière qui sonne dans la forêt, je vous dis que j’entends sangloter une source. On ne se penche point vers un caniche ou un matou sans qu’une sourde angoisse ne vous feutre le cœur. On ressent, à se comparer à eux, tout ce qui vous en sépare et tout ce qui vous en rapproche. »
Françis Jammes, préface Douze dialogues de bêtes, Folio Gallimard
Mis en scène par Elisabeth Chailloux, Lara Suyeux incarne de façon bluffante, Tobby-chien et Kiki-la-Doucette, stimulée par les dessins en direct de Cyrille Meyer. Une manière très poétique et drôle de s’immerger dans l’œuvre d’une visionnaire de la cause animale et de « la vérité des relations entre les êtres ».
- jusqu’au 19 mai 2025,
dimanche 17h et lundi 19h, - Théâtre de Poche,
75 boulevard du Montparnasse, 75006 Paris

Dialogues de Bêtes, de Colette par Elisabeth Chailloux et Lara Suyeux (Lucernaire) photo Nadège le Lezec
Je m’appelle Georges… Et vous ? de Gilles Dyrek, mise en scène d’Éric Bu (Théâtre La Bruyère)
Comment sommes-nous influencés par les signes qui nous entourent ? Comment les interprétons-nous ? La réponse de Gilles Dyrek est une pièce bien troussée, drôle et dans une distribution homogène et impeccable dans une mise en scène d’Éric Bu. L’occasion de passer un bon moment et de se demander comment nous pouvons être influencés par les signes qui nous entourent.
Un beau matin alors qu’il vient d’emménager dans un nouveau quartier après une rupture, Georges découvre que toutes les résidences autour de chez lui portent les prénoms de ses ex-compagnes : Villa Christine, Villa Adriana, Villa Clémentine… À peine cherche-t-il à éclaircir ce mystère qu’une nouvelle construction s’annonce : « Villa Émilie ». Serait-ce un présage ? Le prénom de son prochain amour ?
Telle est le pitch, autant dire que derrère les surprises fusent! La pièce bénéficie d’une mise en scène astucieuse, deux panneaux blancs en équerre où sont projetés des dessins et vidéos qui évoquent des décors apportent une note de fraicheur et de légèreté à la pièce.
« Ma mise en scène fait le choix de nous entrainer dans la tête de Georges, un univers mental et naïf : celui d’une sorte de BD géante, par le biais de décors dessinés et par l’incarnation, la fantaisie et l’inventivité des comédiens qui vont tout créer sur le plateau. »
Éric Bu.
Les comédiens et comédiennes sont parfaits : Grégory Baquet et Mélodie Page forment un couple charmant. Les trois autres comédiens qui interprètent plusieurs rôles sont épatants : Stéphane Roux, Marine Dusehu et Étienne Launay. Tous n’engendrent pas la mélancolie, mais plutôt la tendresse et l’humour. Patrica de Figueiredo
- Jusqu’au 31 mai 2025,
du jeudi au samedi 21h, Le dimanche 17h - Théâtre La Bruyère,
5 rue La Bruyere, 75009 Paris

Je m’appelle Georges… Et vous ? de Gilles Dyrek, mise en scène d’Éric Bu (Théâtre La Bruyère) photo DR
Lève-toi, mon histoire, spectacle musical, de Sabrina (Essaïon)
Avant d’être un combat et un exemple, le tour de chant de Sabrina (le cd est aussi disponible) reste avant tout un merveilleux moment de musique. Seule sur scène avec piano et guitare d’une voix cristalline, mais assurée dans plusieurs langues, la chanteuse embrasse une véritable playlist de voix féminines, de Nina Simone à Joséphine Baker, de Myriam Makeba à Fairuz sans oublier Joan Baez ou Doly Parton.
Au fil d’un récital qui associe mêlant anecdotes historiques et autobiographiques, elle dévoile les raisons ou les sources de son inspiration. Toutes ont pris fait et cause pour des causes humanistes qui pouvaient les mettre en risque de carrière ou même physiques, notamment l’égalité de genre et de couleur, la liberté d’expression. Leur point commun : elles ont toutes dû briser un plafond de verre pour exister. »
Leur engagement comme leur envie de rendre le monde meilleur n’a donc pas attendu qu’elles soient connues et reconnues. Elles avaient un combat, un idéal et une vision qui dépassait tout le reste, ce qui leur a donné la force d’avancer.
Sabrina assume. C’est pour se construire en tant que femme et artiste, qu’elle associe ces grandes voix. Oui Sabrina est aveugle, ce n’est évidemment pas un détail, car ce tour de chant est surtout la révélation d’un talent. Pas d’un handicap. Portée par l’envie de chanter pour créer un monde meilleur.
Auteur de l'article
- jusqu’au 21 mai 2025,
chaque mercredi à 21h, - Théâtre de l’Essaïon,
6, rue Pierre au lard, 75004 Paris

Lève-toi, mon histoire, spectacle musical, de Sabrina (Essaïon) photo Patrick Berger