Culture

Marais, Charpentier, Desmarets, Lully : La Tétralogie baroque d’Hervé Niquet (TCE – CMBV - Alpha)

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 4 février 2025

A ne pas confondre ! Alors que l’Opéra de Paris débute une nouvelle Tétralogie  de Wagner avec le prologue L’Or du Rhin pour se poursuivre jusqu’en 2026, Hervé Niquet achève une « Tétralogie baroque » débutée en 2022, avec quatre opéras : Ariane et Bacchus, de Marin Marais, Médée, de Marc-Antoine Charpentier, Iphigénie en Tauride, d’Henri Desmarest et André Campra. Elle s’achève avec Persée (1682), de Jean-Baptiste Lully au TCE le 14 février. L’ambition reste le « renouvellement du Renouveau baroque » en interrogeant de nouvelles conditions d’interprétations avec le soutien du CMBV, du Théâtre des Champs-Élysées et le label Alpha. Le feu baroque pour Olivier Olgan n’a pas fini de se transmettre de générations en générations d’artistes et de spectateurs.

CMBV, un volontarisme intact du renouveau baroque

Il faut rendre justice à ce que doit le mouvement baroque au travail d’édition, de soutien et de diffusion du CMBV (Centre de musique baroque de Versailles), et les commandes scéniques audacieuses de Château Versailles Spectacles (CVS). Des noms éclipsés de l’histoire de la musique dont on ne connaissait à peine la vie et l’œuvre, aux partitions incomplètes, ou mal comprises sont sortis de l’ombre. Alors que les musicologues s’acharnaient à les retoucher, les interprètes ont pu revendiquer de les réveiller … 40 ans plus tard, il ne s’agit pas de s’endormir sur les lauriers de ces contrées révélées!

Avec cette « Tétralogie baroque« , le CMBV  assume depuis 2020 de participer à une nouvelle dynamique de sa brillante histoire, celle du « renouvellement du Renouveau baroque ». Un premier jalon s’est concrétisée avec la ‘résidence’ de l’ensemble Le Concert Spirituel entre le CMBV – CVS, le Théâtre des Champs-Élysées et le label discographique, Alpha.

Une quête inasouvie perpétuelle

Le feu reste inact, et ce n’est pas un hasard sur beaucoup d’ensembles sont nés en même temps que le CNBV comme Le Concert Spirituel. Depuis quatre générations de musiciens et d’ensemble ne cessent de se renouveller. Certains fidèles à leur vocation refusent de s’assoupir sur les avancées scientifiques, historiques ou musicologiques. Le questionnement est l’ADN  de l’interprétation de ce répertoire qui retrouve son caractère tellurique.

« Les nouvelles recherches nous apprennent aussi comment, au XVIIe siècle, les interprètes répétaient. Le fait que le continuo se taise, lorsque le tutti s’exprime, fait qu’il rentre frais, pendant que le tutti recharge ses batteries. Ce partage de l’énergie a été pour moi une expérience physique, avant d’être une découverte intellectuelle. »
Hervé Niquet, fondateur du Concept Spirituel et directeur artistique de la Tétralogie

Les plus belles révélations du CMBV

Au fil de quatre titres marquants du répertoire lyrique, les auteurs représentés dans cette Tétralogie baroque comptent parmi les plus géniaux de l’Académie royale de musique sous le règne de Louis XIV et les plus belles révélations du CMBV : Lully, Charpentier, Marais, Desmarest et Campra. Cette alternance entre œuvres emblématiques et raretés assume de questionner pour mieux les bousculer les habitudes établies, tant dans les pratiques des musiciens que dans le goût du public.
Pour ces initiateurs, c’est aussi relancer une dynamique scientifique et musicale à la fois fertile en recherches d’« interprétation historiquement informée », créatives en conquêtes sonores, et riche en révélations d’interprétes subtiles.

Les variations de la « tragédie lyrique » 

Hervé Niquet, chef fondateur du Concert Spirituel et DA Saintes Photo Eric Manas

Pour mieux investir ce répertoire, Hervé Niquet revendique d’être toujours sur la brèche à la recherche de nouvelles approches. Une interprétation ne doit jamais être identique. Ainsi, il reprend La Médée, de Charpentier (1693), après avec accumulé toute une expérience dès 2002 sur Armide : après une mise en scène à l’Opera Atelier de Toronto, prolongée d’une tournée de concertspour être filmé à l’Opéra Royal de Versailles, en 2004 (2 DVD Armide ARM).

Même revouvellement pour Persée de Lully, qu’il nous propose dans la version originale de 1682, alors que son premier enregistrement de 2016, déjà chez Alpha Classics, s’appuyait sur  la mouture révisée par Dauvergne, Rebel et Bury, en 1770. La version de l’Académie royale de Musique apparait plus intimiste que celle qu’on connaît avec les Vingt-quatre violons du roy.

A l’Académie royale de musique, dont Lully avait la concession, il travaillait avec parcimonie. Les effectifs étaient plus chiches qu’à la Cour ; même les chanteurs étaient moins bien payés. Outre la disposition des interprètes et les effectifs, l’organisation des répétitions nous donne des solutions sur les méthodes à employer. Prenons, par exemple, la question de la basse continue : un groupe de continuo, constitué d’un clavecin, de deux théorbes, deux basses d’archet, deux violes de gambe et deux violons, ne doit pas jouer dans les tutti d’orchestre.
Hervet Niquet

Les mêmes enjeux économiques

Dans le cas de Charpentier ou de Lully, ce qui est fascinant dans les recherches, c’est que les moyens économiques de production – la taille des effectifs – pèsent sur l’esthétique sonore.  Qu’ils constituent un double effectif instrumental pour réaliser, en répétant, une économie d’échelle privent qu’ils avaient les mêmes soucis financiers que les ensembles actuels.

Si l’approche scientifique apparaît comme une myriade de problématiques infimes, si chacune ne représente pas en elle-même un changement sonore facilement perceptible par l’auditeur néophyte, leur accumulation et leur combinaison produit au contraire un changement radical et, sur certain sujet, inverse même totalement la conception du « son français » tel que les pionniers du baroque l’ont réinventé et pratiqué depuis les années 1980. À terme, ce sont les fondamentaux même de la musique qui sont impactés : l’énergie, la puissance, la couleur.
Benoît Dratwicki, directeur artistique du CMBV

Assagis les « Baroqueux » ? L’aventure continue et vous n’en croirez pas vos oreilles.

Olivier Olgan

Pour suivre Le Concert Spirituel et Hervé Niquet

La Tétralogie baroque du Concert Spirituel en résidence croisée initiée par le CMBV avec CVS, Théâtre des Champs-Élysées et Alpha

300 ans du Concert Spirituel historique : 

  • Une résidence de création à la Ferme de Villefavard en Limousin du samedi 19 au mardi 22 avril avec une générale publique le mardi 22 avril à 20h, Les Sinfonies pour les Soupers du Roy de Lalande.
  • Messe à 40 voix de Striggio
    • 5 juin 2025, au Théâtre Impérial de Compiègne
    • 17 juin, Rome à l’occasion du Jubilé 2025
    • 15 juillet, pour les 40 ans du Festival de Radio France et Montpellier Occitanie
    • 18 juillet, au Festival de Saintes
    • 2 septembre, au Dome Saint-Pierre de Bremen (Allemagne)

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